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09/12/2022 | FRANCE | N°461901

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 09 décembre 2022, 461901


Vu les procédures suivantes :

Mme B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de proclamer élu M. E... J... en remplacement de Mme H... K... D..., démissionnaire, au sein du conseil municipal de Paea.

Par un jugement n° 2100316 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a fait droit à sa demande.

1° Sous le n°461901, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 25 février et 31 mars 2022, ainsi qu'un mémoire en réplique présenté p

ar Mme D... le 2 juin 2022 et un mémoire en réplique, présenté par M. A... et la commun...

Vu les procédures suivantes :

Mme B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de proclamer élu M. E... J... en remplacement de Mme H... K... D..., démissionnaire, au sein du conseil municipal de Paea.

Par un jugement n° 2100316 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a fait droit à sa demande.

1° Sous le n°461901, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 25 février et 31 mars 2022, ainsi qu'un mémoire en réplique présenté par Mme D... le 2 juin 2022 et un mémoire en réplique, présenté par M. A... et la commune de Paea le 28 juin 2022, la commune de Paea, M. G... A... et Mme H... D... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... épouse C....

2° Sous le n°462800, par une requête, enregistrée le 31 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Paea, M. G... A... et Mme H... D... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le même jugement du tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... épouse C....

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code électoral ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 96-142 du 21 février 1996 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la commune de Paea et de M. A..., à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de Mme D... épouse I... et à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de Mme B... épouse C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que le 1er octobre 2020, Mme Camélia Dexter, conseillère municipale de la commune de Paea, a adressé au maire une lettre de démission. Ce dernier ayant estimé que cette démission était équivoque, Mme D... a continué à siéger au sein du conseil municipal. Mme B... épouse C..., conseillère municipale, a adressé au maire de la commune, par courrier du 1er juin 2021, une demande tendant au remplacement de Mme D... par M. J.... Par les requêtes enregistrées sous les numéros 461901 et 462800, la commune de Paea, M. A... et Mme D... font appel du jugement du 25 janvier 2022 par lequel, à la demande de Mme B... épouse C..., le tribunal administratif de la Polynésie française a proclamé M. J... élu au conseil municipal de Paea, en remplacement de Mme D... démissionnaire. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement et présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision.

2. L'article L. 2121-4 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Les démissions des membres du conseil municipal sont adressées au maire. / La démission est définitive dès sa réception par le maire, qui en informe immédiatement le représentant de l'Etat dans le département ". Ces dispositions sont applicables en Polynésie française dans leur rédaction résultant de la loi du 21 février 1996 relative à la partie législative du code général des collectivités territoriales, en application de l'article L. 2573-5 du même code. Aux termes de l'article L. 270 du code électoral : " Le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier élu est appelé à remplacer le conseiller municipal élu sur cette liste dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit (...) ". Ces dispositions sont applicables en Polynésie française en application de l'article L. 438 du même code. Enfin, selon l'article R. 321-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour statuer sur les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs rendus sur les litiges relatifs aux élections municipales et cantonales ".

3. Les requêtes présentées par la commune de Paea, M. A... et Mme D... qui tendent à l'annulation du jugement du 25 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française, après avoir constaté que la démission de Mme D... en qualité de conseillère municipale était devenue définitive à compter de la réception de sa lettre de démission par le maire de Paea, a proclamé M. J... élu au conseil municipal de Paea, en application des dispositions de l'article L. 2121-4 du code général des collectivités territoriales et L. 270 du code électoral citées au point 2, relèvent du contentieux électoral. Elles ressortissent ainsi en appel à la compétence du Conseil d'Etat et sont soumises aux règles procédurales fixées notamment par les dispositions des articles R. 611-23 du code de justice administratives et R. 123 du code électoral.

Sur la requête n° 461901 :

4. L'article R. 611-22 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque la requête ou le recours mentionne l'intention du requérant ou du ministre de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. / Si ce délai n'est pas respecté, le requérant ou le ministre est réputé s'être désisté à la date d'expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Le Conseil d'Etat donne acte de ce désistement ". En application de l'article R. 611-23 du même code : " Le délai prévu à l'article précédent est d'un mois en matière électorale et en ce qui concerne les conclusions tendant au sursis à exécution de la décision juridictionnelle attaquée. Il est également d'un mois pour les recours sur renvoi de l'autorité judiciaire (...) ".

5. Dans leur protestation, enregistrée au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat le 25 février 2022, la commune de Paea, M. A... et Mme D... ont explicitement annoncé leur intention de produire un mémoire complémentaire. Il résulte de l'instruction qu'ils n'ont pas produit ce mémoire dans le délai d'un mois qui leur était imparti en application des dispositions combinées des articles R. 611-22 et R. 611-23 du code de justice administrative, cités au point 4, lequel était échu le 26 mars 2022, pas plus qu'ils n'ont indiqué, dans ce délai, renoncer à cette production. Il s'ensuit que, alors même que dans un mémoire enregistré le 31 mars 2022 ils ont déclaré que l'annonce faite dans leur requête de la production ultérieure d'un mémoire complémentaire résultait d'une erreur matérielle, ils sont réputés, en application des dispositions de l'article R. 611-22 du code de justice administrative, s'être désistés de leur protestation. Il y a lieu, dès lors, de leur donner acte de ce désistement.

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme que Mme B... épouse C... demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la requête n° 462800 :

Sur la régularité du jugement :

7. Aux termes de l'article R. 120 du code électoral, " Le tribunal administratif prononce sa décision dans le délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la réclamation au greffe (bureau central ou greffe annexe) et la notification en est faite dans les huit jours à partir de sa date, dans les conditions fixées à l'article R. 751-3 du code de justice administrative (...) ". Selon l'article R. 121 du même code : " Faute d'avoir statué dans les délais ci-dessus fixés, le tribunal administratif est dessaisi (...) ".

8. Il résulte de l'instruction que la protestation de Mme B... épouse C... a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de la Polynésie française le 5 juillet 2021. Ainsi, le 25 janvier 2022, date à laquelle le jugement attaqué a été rendu, le délai de deux mois fixé par les dispositions, citées au point 7, était expiré et le tribunal administratif se trouvait dessaisi de la protestation. Son jugement est, dès lors, entaché d'irrégularité et doit, pour ce motif, être annulé. Il y a lieu, par suite, pour le Conseil d'Etat, de statuer sur la protestation.

Sur les fins de non-recevoir :

9. D'une part, selon l'article R. 119 du code électoral : " Les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d'irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l'élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture. Elles sont immédiatement adressées au préfet qui les fait enregistrer au greffe du tribunal administratif. / Les protestations peuvent également être déposées directement au greffe du tribunal administratif dans le même délai (...) ".

10. Il résulte des dispositions de l'article R. 119 du code électoral précité que, le délai de recours ouvert contre le refus du maire de désigner, à la suite de la démission d'un conseiller municipal dont le siège est ainsi devenu vacant, le candidat qui doit lui succéder court à compter soit de la notification de la réponse du maire ou d'une autre forme de publicité donnée à cette réponse, soit de la publication d'un nouveau tableau des membres du conseil municipal postérieurement à la demande de désignation d'un nouveau conseiller municipal, soit d'une réunion de ce conseil avec le maintien du conseiller ayant présenté sa démission.

11. Il résulte de l'instruction que Mme B... épouse C..., conseillère municipale de Paea, a adressé, le 1er juin 2021, au maire de la commune, un courrier tendant au remplacement de Mme Dexter, conseillère municipale démissionnaire, par M. J.... Si, à compter de cette date, Mme B... épouse C... doit être regardée comme ayant eu connaissance de la démission de Mme D..., le délai de recours qui lui était ouvert pour contester le refus du maire de tirer les conséquences de cette démission n'avait pas couru lorsqu'elle a saisi le tribunal administratif, faute que le maire lui ait explicitement répondu, qu'un nouveau tableau des membres du conseil municipal de Paea ait été publié ou qu'une réunion du conseil municipal avec le maintien de Mme D... dans ses fonctions se soit tenue. Il s'ensuit que sa protestation, enregistrée au greffe du tribunal administratif de la Polynésie française le 5 juillet 2021, n'était pas tardive.

12. D'autre part, Mme B... épouse C..., en qualité de conseillère municipale de Paea, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour demander au juge de l'élection le remplacement d'une conseillère municipale démissionnaire.

Sur la démission et le remplacement de Mme D... :

13. Il résulte des dispositions des articles L. 2121-4 du code général des collectivités territoriales et L. 270 du code électoral, rappelées au point 2, que la démission d'un conseiller municipal devient définitive dès sa réception par le maire.

14. Il résulte de l'instruction que Mme D..., proclamée élue à l'issue du scrutin qui a eu lieu en juin 2020, a démissionné de son mandat de conseillère municipale par une lettre du 1er octobre 2020, rédigée dans des termes non équivoques, sans qu'il ne soit établi que des actes de harcèlement moral de la part d'une adjointe au maire ou des menaces d'administrés aient été de nature à révéler l'existence d'une contrainte. Sa démission est ainsi devenue définitive dès sa réception par le maire.

15. En application des dispositions de l'article L. 270 du code électoral, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de proclamer élu M. J... à la date de la présente décision, cette proclamation emportant par elle-même l'obligation pour le maire de le convoquer aux séances du conseil municipal.

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme B... épouse C... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Paea la somme que demande Mme B... épouse C... au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il est donné acte du désistement de la protestation n°461901 de la commune de Paea, de M. A... et de Mme D....

Article 2 : Le jugement du 25 janvier 2022 du tribunal administratif de la Polynésie française est annulé.

Article 3 : M. J... est proclamé élu au conseil municipal de Paea en remplacement de Mme D... démissionnaire.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la protestation de Mme B... épouse C... et les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune de Paea sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Paea, à M. G... A..., Mme H... D... et à Mme F... B... épouse C....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au haut-commissaire de la République en Polynésie française et à M. E... J....

Délibéré à l'issue de la séance du 25 novembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Nicolas Polge, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat ; M. David Moreau, maître des requêtes et Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 9 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Isabelle Lemesle

La secrétaire :

Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 461901
Date de la décision : 09/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - COMMUNE - ORGANISATION DE LA COMMUNE - ORGANES DE LA COMMUNE - DISPOSITIONS RELATIVES AUX ÉLUS MUNICIPAUX - REFUS DU MAIRE DE DÉSIGNER - À LA SUITE DE LA DÉMISSION D’UN CONSEILLER MUNICIPAL - LE CANDIDAT QUI DOIT LUI SUCCÉDER (ART - L - 270 DU CODE ÉLECTORAL) – CONTESTATION DE CE REFUS – CONTENTIEUX ÉLECTORAL [RJ1] – DÉLAI (ART - R - 119 DU MÊME CODE) – DÉCLENCHEMENT – A) NOTIFICATION OU AUTRE FORME DE PUBLICITÉ DONNÉE À CE REFUS - B) PUBLICATION D’UN NOUVEAU TABLEAU DES MEMBRES DU CONSEIL APRÈS LA DEMANDE DE DÉSIGNATION OU C) RÉUNION DU CONSEIL AVEC LE MAINTIEN DU CONSEILLER DÉMISSIONNAIRE.

135-02-01-02-03 Il résulte de l’article R. 119 du code électoral que le délai de recours ouvert contre le refus du maire de désigner, à la suite de la démission d’un conseiller municipal dont le siège est ainsi devenu vacant, le candidat qui doit lui succéder court à compter soit de la notification de la réponse du maire ou d’une autre forme de publicité donnée à cette réponse, soit de la publication d’un nouveau tableau des membres du conseil municipal postérieurement à la demande de désignation d’un nouveau conseiller municipal, soit d’une réunion de ce conseil avec le maintien du conseiller ayant présenté sa démission.

ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DÉLAIS - CONTESTATION DU REFUS DU MAIRE DE DÉSIGNER - À LA SUITE DE LA DÉMISSION D’UN CONSEILLER MUNICIPAL - LE CANDIDAT QUI DOIT LUI SUCCÉDER (ART - L - 270 DU CODE ÉLECTORAL) [RJ1] – DÉCLENCHEMENT – A) NOTIFICATION OU AUTRE FORME DE PUBLICITÉ DONNÉE À CE REFUS - B) PUBLICATION D’UN NOUVEAU TABLEAU DES MEMBRES DU CONSEIL APRÈS LA DEMANDE DE DÉSIGNATION OU C) RÉUNION DU CONSEIL AVEC LE MAINTIEN DU CONSEILLER DÉMISSIONNAIRE.

28-08-01-02 Il résulte de l’article R. 119 du code électoral que le délai de recours ouvert contre le refus du maire de désigner, à la suite de la démission d’un conseiller municipal dont le siège est ainsi devenu vacant, le candidat qui doit lui succéder court à compter soit de la notification de la réponse du maire ou d’une autre forme de publicité donnée à cette réponse, soit de la publication d’un nouveau tableau des membres du conseil municipal postérieurement à la demande de désignation d’un nouveau conseiller municipal, soit d’une réunion de ce conseil avec le maintien du conseiller ayant présenté sa démission.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 16 janvier 1998, M. Ciré, n° 188892, p.15.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 déc. 2022, n° 461901
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS ; SCP L. POULET-ODENT ; SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:461901.20221209
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