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08/12/2022 | FRANCE | N°465421

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 08 décembre 2022, 465421


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juillet et 8 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 14 avril 2022 accordant son extradition aux autorités brésiliennes.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvern

ement de la République fédérative du Brésil, signée à Paris le 28 mai 1996 ;

- le code pénal...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juillet et 8 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 14 avril 2022 accordant son extradition aux autorités brésiliennes.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil, signée à Paris le 28 mai 1996 ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par le décret attaqué, le Premier ministre a accordé aux autorités brésiliennes l'extradition de M. A..., de nationalité brésilienne, au titre d'un mandat d'arrêt émis le 10 octobre 2018 par un juge de la cour de justice du district fédéral et des territoires, tribunal du jury et des délits de circulation de Gama, pour des faits qualifiés de tentative de meurtre et de provocation d'un mineur à commettre un crime ou un délit.

2. En premier lieu, il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par la secrétaire générale du Gouvernement, que le décret attaqué a été signé par le Premier ministre et contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice.

3. En deuxième lieu, si l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration soumet au respect d'une procédure contradictoire préalable les décisions qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du même code, ces dispositions, en vertu du 3° de l'article L. 121-2 de ce code, ne sont pas applicables aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière. En l'absence de stipulations sur ce point dans la convention bilatérale d'extradition entre la France et le Brésil du 28 mai 1996, les articles 696-8 et suivants du code de procédure pénale régissent la procédure préalable à l'extradition en prévoyant une procédure contradictoire particulière devant la chambre de l'instruction. Ainsi, les prescriptions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne peuvent être utilement invoquées par M. A... pour soutenir que le décret attaqué aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière.

4. En outre, la personne réclamée conserve, jusqu'à l'intervention du décret d'extradition, la faculté de faire valoir ses observations auprès de l'autorité administrative. Il appartient alors à cette dernière, pour décider d'accorder l'extradition sollicitée, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, l'ensemble des circonstances dont elle a connaissance, y compris, le cas échéant, les assurances complémentaires obtenues auprès des autorités de l'Etat requérant. La seule circonstance que les assurances données par le gouvernement brésilien le 27 octobre 2021, visées par le décret attaqué, n'aient pas été communiquées à M. A... n'est pas de nature à établir que ce décret serait intervenu en méconnaissance des droits de la défense.

5. En troisième lieu, le décret attaqué comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et satisfait ainsi à l'exigence de motivation prévue à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

6. En quatrième lieu, les conditions dans lesquelles M. A... a été placé sous écrou extraditionnel à la suite de la demande d'arrestation provisoire émanant des autorités brésiliennes n'affectent pas, par elles-mêmes, la légalité du décret accordant son extradition à ces autorités.

7. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le requérant, la demande d'extradition adressée par les autorités brésiliennes au Gouvernement français a été transmise selon les formes prescrites par l'article 2 de la convention du 28 mai 1996 et contient les pièces requises par les articles 10 et 20 de cette convention. En outre, si le requérant fait valoir l'ancienneté de la demande d'extradition pour soutenir que le décret attaqué ne pouvait, au regard des articles 2 et 10 de cette même convention, de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 696-8 et suivants du code de procédure pénale, légalement être pris sans vérifier l'actualité de cette demande auprès des autorités brésiliennes, il ressort en tout état de cause des pièces du dossier que celles-ci ont fait connaître, par voie diplomatique, qu'elles maintenaient leur demande.

8. En sixième lieu, si M. A... fait valoir qu'il risquerait, en cas de détention au Brésil, d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants, notamment au regard de l'état des prisons brésiliennes, les seules considérations générales dont il se prévaut ne permettent pas d'établir l'existence des risques personnels qu'il allègue, alors que les autorités brésiliennes ont, dans le cadre de la présente procédure d'extradition, pris des engagements sur ses conditions et lieux de détention. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. En dernier lieu, si M. A... soutient qu'en raison de ses activités passées au Brésil, son extradition vers ce pays l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité au sens de l'article 8 de la convention d'extradition entre la France et le Brésil du 28 mai 1996, le moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 14 avril 2022 accordant son extradition aux autorités brésiliennes.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 465421
Date de la décision : 08/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCÉDURE - PROCÉDURE CONTRADICTOIRE - DÉCRET D’EXTRADITION – 1) PROCÉDURE CONTRADICTOIRE PRÉALABLE – A) PROCÉDURE PARTICULIÈRE (ART - 696-8 ET SUIVANTS DU CPP) – EXISTENCE – B) CONSÉQUENCE – INVOCABILITÉ DE LA PROCÉDURE DE DROIT COMMUN (ART - L - 121-1 DU CRPA) – ABSENCE [RJ1] – 2) A) POSSIBILITÉ POUR L’INTÉRESSÉ DE PRÉSENTER DES OBSERVATIONS JUSQU’À L’INTERVENTION DU DÉCRET – EXISTENCE – B) NON COMMUNICATION DES ASSURANCES DONNÉES PAR L’ETAT REQUÉRANT – MÉCONNAISSANCE DES DROITS DE LA DÉFENSE – ABSENCE.

01-03-03 1) Si l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) soumet au respect d’une procédure contradictoire préalable les décisions qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2 du même code, cet article, en vertu du 3° de l’article L. 121-2 de ce code, n’est pas applicable aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière....a) En l’absence de stipulations sur ce point dans une convention bilatérale d’extradition, les articles 696-8 et suivants du code de procédure pénale (CPP) régissent la procédure préalable à l’extradition en prévoyant une procédure contradictoire particulière devant la chambre de l’instruction. ...b) Ainsi, les prescriptions de l’article L. 121-1 du CRPA ne peuvent être utilement invoquées par la personne réclamée pour soutenir que le décret d’extradition pris à son encontre l’aurait été à l’issue d’une procédure irrégulière. ...2) a) En outre, la personne réclamée conserve, jusqu’à l’intervention du décret d’extradition, la faculté de faire valoir ses observations auprès de l’autorité administrative. Il appartient alors à cette dernière, pour décider d’accorder l’extradition sollicitée, d’apprécier, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, l’ensemble des circonstances dont elle a connaissance, y compris, le cas échéant, les assurances complémentaires obtenues auprès des autorités de l’Etat requérant. ...b) La seule circonstance que les assurances données par le gouvernement requérant, visées par le décret d’extradition, n’aient pas été communiquées à la personne réclamée n’est pas de nature à établir que ce décret serait intervenu en méconnaissance des droits de la défense.

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT - PRINCIPES INTÉRESSANT L'ACTION ADMINISTRATIVE - RESPECT DES DROITS DE LA DÉFENSE - DÉCRET D’EXTRADITION – 1) PROCÉDURE CONTRADICTOIRE PRÉALABLE – A) PROCÉDURE PARTICULIÈRE (ART - 696-8 ET SUIVANTS DU CPP) – EXISTENCE – B) CONSÉQUENCE – INVOCABILITÉ DE LA PROCÉDURE DE DROIT COMMUN (ART - L - 121-1 DU CRPA) – ABSENCE [RJ1] – 2) A) POSSIBILITÉ POUR L’INTÉRESSÉ DE PRÉSENTER DES OBSERVATIONS JUSQU’À L’INTERVENTION DU DÉCRET – EXISTENCE – B) NON COMMUNICATION DES ASSURANCES DONNÉES PAR L’ETAT REQUÉRANT – MÉCONNAISSANCE DES DROITS DE LA DÉFENSE – ABSENCE.

01-04-03-07-03 1) Si l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) soumet au respect d’une procédure contradictoire préalable les décisions qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2 du même code, cet article, en vertu du 3° de l’article L. 121-2 de ce code, n’est pas applicable aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière....a) En l’absence de stipulations sur ce point dans une convention bilatérale d’extradition, les articles 696-8 et suivants du code de procédure pénale (CPP) régissent la procédure préalable à l’extradition en prévoyant une procédure contradictoire particulière devant la chambre de l’instruction. ...b) Ainsi, les prescriptions de l’article L. 121-1 du CRPA ne peuvent être utilement invoquées par la personne réclamée pour soutenir que le décret d’extradition pris à son encontre l’aurait été à l’issue d’une procédure irrégulière. ...2) a) En outre, la personne réclamée conserve, jusqu’à l’intervention du décret d’extradition, la faculté de faire valoir ses observations auprès de l’autorité administrative. Il appartient alors à cette dernière, pour décider d’accorder l’extradition sollicitée, d’apprécier, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, l’ensemble des circonstances dont elle a connaissance, y compris, le cas échéant, les assurances complémentaires obtenues auprès des autorités de l’Etat requérant. ...b) La seule circonstance que les assurances données par le gouvernement requérant, visées par le décret d’extradition, n’aient pas été communiquées à la personne réclamée n’est pas de nature à établir que ce décret serait intervenu en méconnaissance des droits de la défense.

ÉTRANGERS - EXTRADITION - DÉCRET D'EXTRADITION - LÉGALITÉ EXTERNE - 1) PROCÉDURE CONTRADICTOIRE PRÉALABLE – A) PROCÉDURE PARTICULIÈRE (ART - 696-8 ET SUIVANTS DU CPP) – EXISTENCE – B) CONSÉQUENCE – INVOCABILITÉ DE LA PROCÉDURE DE DROIT COMMUN (ART - L - 121-1 DU CRPA) – ABSENCE [RJ1] – 2) A) POSSIBILITÉ POUR L’INTÉRESSÉ DE PRÉSENTER DES OBSERVATIONS JUSQU’À L’INTERVENTION DU DÉCRET – EXISTENCE – B) NON COMMUNICATION DES ASSURANCES DONNÉES PAR L’ETAT REQUÉRANT – MÉCONNAISSANCE DES DROITS DE LA DÉFENSE – ABSENCE.

335-04-03-01 1) Si l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) soumet au respect d’une procédure contradictoire préalable les décisions qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2 du même code, cet article, en vertu du 3° de l’article L. 121-2 de ce code, n’est pas applicable aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière....a) En l’absence de stipulations sur ce point dans une convention bilatérale d’extradition, les articles 696-8 et suivants du code de procédure pénale (CPP) régissent la procédure préalable à l’extradition en prévoyant une procédure contradictoire particulière devant la chambre de l’instruction. ...b) Ainsi, les prescriptions de l’article L. 121-1 du CRPA ne peuvent être utilement invoquées par la personne réclamée pour soutenir que le décret d’extradition pris à son encontre l’aurait été à l’issue d’une procédure irrégulière. ...2) a) En outre, la personne réclamée conserve, jusqu’à l’intervention du décret d’extradition, la faculté de faire valoir ses observations auprès de l’autorité administrative. Il appartient alors à cette dernière, pour décider d’accorder l’extradition sollicitée, d’apprécier, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, l’ensemble des circonstances dont elle a connaissance, y compris, le cas échéant, les assurances complémentaires obtenues auprès des autorités de l’Etat requérant. ...b) La seule circonstance que les assurances données par le gouvernement requérant, visées par le décret d’extradition, n’aient pas été communiquées à la personne réclamée n’est pas de nature à établir que ce décret serait intervenu en méconnaissance des droits de la défense.


Références :

[RJ1]

Rappr., sous l’empire du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers, CE, Assemblée 8 mars 1985, Garcia Henriquez, n° 64106, p. 70.


Publications
Proposition de citation : CE, 08 déc. 2022, n° 465421
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Trémolière
Rapporteur public ?: M. Philippe Ranquet
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:465421.20221208
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