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05/12/2022 | FRANCE | N°462577

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 05 décembre 2022, 462577


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1702327 du 25 juin 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19VE03048 du 25 janvier 2022, la cour administrative

d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

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Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1702327 du 25 juin 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19VE03048 du 25 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 23 mars, 15 juin et 8 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Griel, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de la comptabilité de l'activité individuelle d'installation de systèmes thermiques et climatiques de M. A..., portant sur les exercices 2010 et 2011 en matière d'impôt sur le revenu et sur la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2012 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fiscale lui a notifié un rehaussement de ses bases d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, et de taxe sur la valeur ajoutée. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 25 janvier 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'il avait formé contre le jugement du 25 juin 2019 du tribunal administratif de Versailles rejetant ses demandes tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises en recouvrement en conséquence de ce contrôle. Eu égard à l'argumentation qu'il soulève, M. A... doit être regardé comme contestant l'arrêt qu'il attaque en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011.

Sur la déductibilité de certaines factures de sous-traitance :

2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 2 bis. Pour [le calcul du bénéfice net imposable], les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. / Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : / a. Pour les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers et pour les prestations discontinues mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, au fur et à mesure de l'exécution ; (...) ". Aux termes du 1 de l'article 39 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) ". Les dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts s'entendent, eu égard au principe de l'indépendance des exercices, comme autorisant la déduction des charges exposées par l'entreprise au cours de l'exercice dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, à l'exception de celles " constatées d'avance ", c'est-à-dire correspondant à la livraison d'un bien ou à la fourniture d'une prestation de service n'intervenant qu'au cours d'un exercice ultérieur, sur les résultats duquel il y aura lieu de l'imputer. Au nombre de ces charges constatées d'avance figurent notamment les charges correspondant à des achats de prestations de services continues ou discontinues mais à échéances successives, au sens des dispositions du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, pour la partie de ces prestations fournies au cours d'exercices ultérieurs.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration fiscale a remis en cause la déduction des bénéfices de l'activité de M. A..., au titre de 2011, pour un montant total de 298 091 euros, de charges correspondant à des factures de sous-traitance au motif que les prestations afférentes n'avaient pas été réalisées au cours cette année. En se fondant, pour écarter le moyen soulevé devant elle par M. A..., tiré de ce que ces factures constituaient des acomptes versés pour la réalisation de prestations discontinues à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, sur ce que l'intéressé n'établissait pas l'exécution effective, au cours de l'exercice 2011, de prestations individualisables à son bénéfice en se bornant à faire valoir que les activités de construction s'organisent nécessairement en phases successives et distinctes, la cour n'a ni commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. Si M. A... soutient en outre que la cour aurait entaché son arrêt d'erreur de droit en se fondant sur l'absence de paiement des acomptes en cause en 2011, ce moyen est dirigé contre un motif surabondant de l'arrêt et revêt par suite un caractère inopérant.

Sur la déductibilité des charges afférentes à la location de mobil-homes :

4. Aux termes de l'article 54 bis du code général des impôts : " Les contribuables visés à l'article 53 A (...) doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel ". A défaut du respect d'une telle obligation, les sommes correspondantes constituent des avantages occultes au sens du c de l'article 111 du code général des impôts, imposables entre les mains du bénéficiaire dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et non déductibles du bénéfice de l'entreprise.

5. Pour contester la qualification de rémunérations occultes versées à ses salariés des montants correspondant aux frais de location de plusieurs mobil-homes, enregistrés dans les comptes de l'entreprise sans avoir fait l'objet d'une inscription explicite en tant qu'avantage en nature, et le refus de leur déductibilité en tant que charges des exercices en cause pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, M. A... soutenait en appel, notamment, que ces logements, qui étaient partagés dans des conditions précaires et temporaires par plusieurs ouvriers, ne pouvaient être regardés comme destinés à l'usage personnel de ceux-ci. En se fondant, pour refuser la déduction des sommes correspondantes faute de comptabilisation explicite en tant que tels, sur ce que la location de mobil-homes pour les besoins des salariés constituait nécessairement des avantages en nature accordés à ceux-ci, sans rechercher si ces salariés pouvaient, dans les circonstances de l'espèce, être regardés comme bénéficiant de tels avantages du fait de l'occupation, en tout ou partie, de lieux présentant le caractère de véritables logements et non d'hébergements professionnels à caractère temporaire, la cour a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi relatifs à ce chef de redressement, que M. A... n'est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque qu'en tant qu'il statue sur la déductibilité des charges afférentes à la location des mobil-homes en litige pour l'établissement de ses cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 2010 et 2011.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 25 janvier 2022 de la cour administrative de Versailles est annulé en tant qu'il statue, pour le calcul de l'impôt sur le revenu dû par M. A... au titre des années 2010 et 2011, sur la déductibilité des charges qu'il a exposées pour la location de mobil-homes.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus du pourvoi de M. A... est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 23 novembre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 5 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Ophélie Champeaux

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 462577
Date de la décision : 05/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-06 CONTRIBUTIONS ET TAXES. - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX. - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET. - AVANTAGES EN NATURE ALLOUÉS AU PERSONNEL. - FRAIS EXPOSÉS POUR LA LOCATION DE LOGEMENTS POUR LES BESOINS DES SALARIÉS – CRITÈRE – OCCUPATION, EN TOUT OU PARTIE, DE LIEUX PRÉSENTANT LE CARACTÈRE DE VÉRITABLES LOGEMENTS.

19-04-02-01-04-06 Pour déterminer si les frais exposés pour la location de logements pour les besoins des salariés constituent des avantages en nature accordés à ces derniers, il appartient au juge de l’impôt de rechercher si ces salariés peuvent, dans les circonstances de l’espèce, être regardés comme bénéficiant de tels avantages du fait de l’occupation, en tout ou partie, de lieux présentant le caractère de véritables logements et non d’hébergements professionnels à caractère temporaire.


Publications
Proposition de citation : CE, 05 déc. 2022, n° 462577
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ophélie Champeaux
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP LE GRIEL

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:462577.20221205
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