La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2022 | FRANCE | N°452762

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 29 novembre 2022, 452762


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 452762, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 19 mai et 19 août 2021 et le 28 janvier 2022, la société Diversité TV demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 2020-975 du 16 décembre 2020 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) l'a mise en demeure de se conformer à ses obligations et la décision du 19 mars 2021 rejetant son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge du CS

A la somme de 6000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 452762, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 19 mai et 19 août 2021 et le 28 janvier 2022, la société Diversité TV demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 2020-975 du 16 décembre 2020 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) l'a mise en demeure de se conformer à ses obligations et la décision du 19 mars 2021 rejetant son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 6000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 452763, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 19 mai et 19 août 2021 et le 28 janvier 2022, la société Radio Monte Carlo (RMC) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 2020-974 du 16 décembre 2020 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) l'a mise en demeure de se conformer à ses obligations et la décision du 19 mars 2021 rejetant son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 6000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- la délibération du CSA n° 2018-11 du 18 avril 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Diversité TV et de la société Radio Monte Carlo- (RMC).

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes visées ci-dessus de la société Diversité TV et de la société RMC présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier que, par deux décisions n° 2020-974 et 2020-975 du 16 décembre 2020, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), devenu l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) à compter du 1er janvier 2022, a mis en demeure respectivement les sociétés Radio Monte Carlo (RMC) et Diversité TV France de respecter leurs obligations résultant de leurs conventions ainsi que de l'article 1er de la délibération du 18 avril 2018 relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent. Ces mises en demeure font suite à la diffusion, dans l'émission " Les Grandes gueules ", le 31 août 2020, sur le service de radio RMC, édité par la société RMC, et sur le service de télévision " RMC Story ", diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique et édité par la société Diversité TV, d'une séquence intitulée " Le grand oral " ayant pour invité M. B... A..., professeur de médecine, infectiologue et auteur d'un ouvrage publié peu de temps auparavant critiquant la gestion de la pandémie de Covid-19. Les sociétés RMC et Diversité TV demandent au Conseil d'Etat l'annulation de ces mises en demeure.

3. Aux termes de l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication visée ci-dessus : " Le Conseil supérieur de l'audiovisuel garantit l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information et des programmes qui y concourent, sous réserve de l'article 1er de la présente loi. (...) " Aux termes de l'article 1er de la délibération du CSA du 18 avril 2018 relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent : " L'éditeur d'un service de communication audiovisuelle doit assurer l'honnêteté de l'information et des programmes qui y concourent. (...) / Il fait preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information. / Il veille au respect d'une présentation honnête des questions prêtant à controverse, en particulier en assurant l'expression des différents points de vue par les journalistes, présentateurs, animateurs ou collaborateurs d'antenne. "

4. Aux termes de l'article 2-3-8 de la convention conclue le 3 juillet 2012 entre la société Diversité TV et le CSA concernant le service RMC Story : " L'éditeur respecte la délibération du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent. " Aux termes de l'article 2-2-1 de la même convention : " L'éditeur est responsable du contenu des émissions qu'il diffuse. Il conserve en toutes circonstances la maîtrise de son antenne. " Aux termes de l'article 2-2 des conventions conclues le 2 octobre 2012 et 23 septembre 2020 entre la société RMC et le CSA concernant le service RMC : " L'exigence d'honnêteté s'applique à l'ensemble des programmes. L'éditeur respecte la délibération du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent. " Aux termes de l'article 2-10 de ces conventions : " Le titulaire met en œuvre les procédures nécessaires pour assurer, y compris dans le cadre des interventions des auditeurs, la maîtrise de l'antenne et le respect des principes définis aux articles 2-2 à 2-9. " Ces stipulations ne font pas obstacle à la définition par l'éditeur du service conventionné d'une ligne éditoriale qui peut le conduire à faire intervenir à l'antenne des personnalités développant les thèses les plus controversées, dont les propos ne sauraient être regardés comme relevant par eux même de la présentation et du traitement de l'information par l'éditeur du service. Elles lui imposent cependant, y compris dans les programmes qui, sans avoir pour seul objet la présentation de l'information, concourent à son traitement, même sous l'angle de la polémique, de n'aborder les questions prêtant à controverse qu'en veillant à une distinction entre la présentation des faits et leur commentaire et à l'expression de points de vue différents.

5. Dans l'émission litigieuse, le seul invité appelé à s'exprimer, M. A..., professeur de médecine, a affirmé de façon péremptoire que l'épidémie de Covid-19 connaissait alors un fort recul, alors que cette affirmation supposait d'être replacée dans le contexte d'une pandémie toujours active et des risques d'une nouvelle vague de contamination dont faisaient état les données épidémiologiques disponibles à la date de l'émission et que l'invité ne pouvait ignorer. Il a également affirmé que l'efficacité de l'hydroxychloroquine dans le traitement de la Covid-19 était largement démontrée, en contradiction avec les données scientifiques disponibles, a soutenu avec force la thèse, sans le moindre fondement scientifique, d'une origine humaine du germe pathogène à l'origine de la maladie de Lyme, et dénoncé un " complot mondial conduit dans l'intérêt de l'industrie pharmaceutique " pour empêcher l'utilisation de tisanes d'artemisia contre le paludisme. Alors que M A... était le seul membre du corps médical présent sur le plateau, et même s'il n'était pas lui-même tenu par les obligations qui s'imposent à la chaîne, les collaborateurs de l'émission, s'ils ont occasionnellement mis en doute ses propos, ne leur ont pas apporté une contradiction suffisante et, à plusieurs occasions, se sont au contraire attachés à l'encourager à développer sur ces sujets de santé publique, dans un contexte de pandémie qui appelait pourtant de leur part une vigilance particulière, des thèses très controversées et non conformes aux données de la science, dont il était connu comme l'un des principaux porte-parole. En estimant que ces faits justifiaient que les éditeurs des services concernés soient mis en demeure de se conformer à l'avenir à leur obligation d'honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information ainsi qu'à leur obligation de veiller à l'expression des différents points de vue sur les questions prêtant à controverse, le CSA n'a pas fait une inexacte application des pouvoirs qu'il tient des articles 42 de la loi du 30 septembre 1986 ainsi que des stipulations conventionnelles rappelées ci-dessus en matière d'expression des différents points de vue sur les questions prêtant à controverse. Il a également estimé à juste titre que les éditeurs des services concernés avaient manqué à leurs obligations de maîtrise de l'antenne.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Diversité TV et la société RMC ne sont pas fondées à demander l'annulation pour excès de pouvoir des décisions qu'elles attaquent. Leurs requêtes doivent, dès lors, être rejetées, y compris leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de la société Diversité TV et de la société RMC sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Diversité TV, à la société Radio Monte Carlo et à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

Copie en sera adressée à la ministre de la culture.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 novembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et M. Alain Seban, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 29 novembre 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Alain Seban

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 452762
Date de la décision : 29/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 nov. 2022, n° 452762
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain Seban
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:452762.20221129
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award