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25/11/2022 | FRANCE | N°449001

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 25 novembre 2022, 449001


Vu la procédure suivante :



Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 janvier et 8 juillet 2021 et le 8 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D. D... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du comité de sélection du 9 avril 2020 fixant la liste des candidats auditionnés dans le cadre du concours de recrutement d'un professeur des universités en psychopathologie et psychologie clinique ouvert par l'université de Pica

rdie Jules Verne, les délibérations du conseil d'administration et du conseil académiqu...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 janvier et 8 juillet 2021 et le 8 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D. D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du comité de sélection du 9 avril 2020 fixant la liste des candidats auditionnés dans le cadre du concours de recrutement d'un professeur des universités en psychopathologie et psychologie clinique ouvert par l'université de Picardie Jules Verne, les délibérations du conseil d'administration et du conseil académique relatives à ce concours, la décision du 22 juillet 2020 par laquelle le président de l'université de Picardie Jules Verne l'a informée que sa candidature n'avait pas été retenue par le comité de sélection, la décision implicite, née le 23 septembre 2020, par laquelle le président de l'université de Picardie Jules Verne a rejeté son recours gracieux tendant à l'annulation de l'ensemble de ces décisions et le décret du Président de la République du 9 décembre 2020 en tant qu'il prononce la nomination et l'affectation de M. C..... en qualité de professeur des universités à l'université d'Amiens au titre de la 16ème section du Conseil national des universités ;

2°) d'enjoindre à l'université de Picardie Jules Verne, à son président, à son conseil d'administration et à son conseil académique de statuer à nouveau sur ce recrutement et de transmettre au ministre en charge de l'enseignement supérieur leurs délibérations en vue d'une nomination par le Président de la République, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'université de Picardie Jules Verne la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Balat, avocat de l'université de Picardie Jules Verne ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que le conseil académique et le conseil d'administration de l'université de Picardie Jules Verne ont, par des délibérations en date, respectivement, des 1er et 6 juin 2016, décidé de ne pas donner suite au concours, ouvert par cette université, de recrutement d'un professeur des universités en psychologie clinique et psychopathologie sur le poste " 16PR0984 " relevant de la 16ème section du Conseil national des universités. A la suite de ces décisions, l'université de Picardie Jules Verne a organisé un nouveau concours de recrutement au cours du printemps 2017 en vue de pourvoir ce poste, auquel était associée une nouvelle fiche de poste. Par une décision n°s 415314, 416560 du 27 janvier 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, faisant droit aux requêtes de Mme D..., maître de conférences, candidate aux concours de recrutement d'un professeur des universités en psychopathologie et psychologie clinique ainsi ouverts en 2016 puis en 2017 par l'université de Picardie Jules Verne, a annulé, s'agissant du concours organisé en 2017, les délibérations du comité de sélection de l'université de Picardie Jules Verne des 9 et 23 mai 2017, la délibération du conseil académique du 1er juin 2017 et la délibération du conseil d'administration du 9 juin 2017 se prononçant sur le recrutement en cause, la décision implicite par laquelle le président de l'université avait rejeté son recours gracieux tendant au retrait de l'ensemble de ces décisions ainsi que le décret du Président de la République du 25 octobre 2017 en tant qu'il avait nommé M. C..... en qualité de professeur des universités affecté à l'université de Picardie Jules Verne, et a enjoint au comité de sélection de se prononcer à nouveau sur les candidatures au poste de professeur des universités en psychologie clinique et psychopathologie " 16PR0984 " relevant de la 16ème section du Conseil national des universités dans un délai de trois mois à compter de la notification de sa décision. Mme D... demande l'annulation pour excès de pouvoir des délibérations du 9 avril et du 20 mai 2020 par lesquelles le comité de sélection s'est de nouveau prononcé sur les candidatures au concours de recrutement ouvert en 2017 à la suite de la décision du Conseil d'Etat du 27 janvier 2020, ainsi que l'annulation des délibérations du 26 juin 2020 du conseil académique et du 2 juillet 2020 du conseil d'administration de l'université de Picardie Jules Verne se prononçant sur ce recrutement, de la décision du 22 juillet 2020 par laquelle le président de l'université de Picardie Jules Verne l'a informée que sa candidature n'avait pas été retenue, du refus implicite du président de l'université de Picardie Jules Verne opposé à sa demande du 23 septembre 2020 tendant à l'annulation de ces décisions et du décret du Président de la République du 9 décembre 2020 en tant qu'il nomme M. C..... en qualité de professeur des universités et l'affecte à l'université de Picardie Jules Verne.

2. Aux termes de l'article L. 952-6-1 du code de l'éducation : " (...) lorsqu'un emploi d'enseignant-chercheur est créé ou déclaré vacant, les candidatures des personnes dont la qualification est reconnue par l'instance nationale prévue à l'article L. 952-6 sont soumises à l'examen d'un comité de sélection créé par délibération du conseil académique ou, pour les établissements qui n'en disposent pas, du conseil d'administration, siégeant en formation restreinte aux représentants élus des enseignants-chercheurs, des chercheurs et des personnels assimilés. / (...) / Au vu de son avis motivé, le conseil académique ou, pour les établissements qui n'en disposent pas, le conseil d'administration, siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs et personnels assimilés de rang au moins égal à celui postulé, transmet au ministre compétent le nom du candidat dont il propose la nomination ou une liste de candidats classés par ordre de préférence (...) ". Aux termes du premier, du huitième et du neuvième alinéas de l'article 9-2 du décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences, dans sa rédaction applicable au litige : " Le comité de sélection examine les dossiers des maîtres de conférences ou professeurs postulant à la nomination dans l'emploi par mutation et des candidats à cette nomination par détachement et par recrutement au concours parmi les personnes inscrites sur la liste de qualification aux fonctions, selon le cas, de maître de conférences ou de professeur des universités. Au vu de rapports pour chaque candidat présenté par deux de ses membres, le comité établit la liste des candidats qu'il souhaite entendre. Les motifs pour lesquels leur candidature n'a pas été retenue sont communiqués aux candidats qui en font la demande. (...) Le comité de sélection émet un avis motivé unique portant sur l'ensemble des candidats ainsi qu'un avis motivé sur chaque candidature. Ces deux avis sont communiqués aux candidats sur leur demande. (...) Dès lors que le comité de sélection a rendu un avis sur le ou les emplois pour lesquels il a été constitué, il met fin à son activité ".

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, si le comité de sélection chargé de se prononcer sur les candidatures au concours ouvert par l'université de Picardie Jules Verne en 2016 en vue de recruter un professeur des universités en psychologie clinique et psychopathologie sur le poste " 16PR0984 " relevant de la 16ème section du Conseil national des universités avait classé la candidature de Mme D... en première position dans sa délibération du 23 mai 2016, le conseil académique et le conseil d'administration de cette université ont, par des délibérations en date, respectivement, des 1er et 6 juin 2016, décidé de ne pas donner suite à ce concours, et que l'université de Picardie Jules Verne a organisé un nouveau concours de recrutement en 2017 en vue de pourvoir ce poste, auquel était associée une nouvelle fiche de poste. Par suite, Mme D... ne saurait utilement soutenir que les décisions qu'elle attaque, prises à la suite de l'annulation contentieuse des décisions intervenues dans le cadre du concours de recrutement d'un professeur des universités en psychologie clinique et psychopathologie ouvert en 2017, distinct du concours ouvert en 2016 et auquel il n'avait pas été donné suite, seraient entachées d'erreur de droit en ce qu'elles méconnaîtraient le principe de souveraineté du jury et l'autorité de la " chose décidée " tenant à l'existence de la délibération du comité de sélection du 23 mai 2016 classant en première position sa candidature , alors qu'au demeurant que, par sa décision du 27 janvier 2020, le Conseil d'Etat a jugé que l'annulation des décisions attaquées impliquait la reprise des opérations du concours pour ce même poste et non que la candidature de Mme D... soit nécessairement retenue.

4. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 3, il ressort des pièces du dossier que l'université de Picardie Jules Verne a ouvert en 2016, puis en 2017, deux concours distincts de recrutement d'un professeur des universités en psychologie clinique et psychopathologie sur le poste " 16PR0984 " relevant de la 16ème section du Conseil national des universités, le profil recherché, tel qu'exposé dans la fiche de poste, ayant, d'ailleurs, évolué entre les deux procédures de recrutement. Par suite, le moyen tiré de ce que les délibérations attaquées seraient entachées d'un vice de procédure tiré de ce que la composition du comité de sélection chargé de se prononcer sur les candidatures au titre de chacun de ces concours était différente ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, d'une part, Mme D... ne saurait utilement soutenir que les délibérations attaquées sont entachées d'un vice de procédure du fait de l'absence de communication, par l'université de Picardie Jules Verne, des termes de la délibération du comité de sélection du 9 avril 2020, au demeurant produite par cette université en réponse à la mesure d'instruction diligentée par la 4ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat. D'autre part, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées seraient entachées d'un vice de procédure en ce qui concerne les modalités de saisine du conseil d'administration et du conseil académique à l'issue des délibérations du comité de sélection, n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

6. En quatrième lieu, d'une part, si Mme D... soutient que la délibération du comité de sélection du 9 avril 2020 ne comporte aucune mention des suffrages exprimés, ni les dispositions de l'article 9-2 du décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences, citées au point 2, ni aucune autre disposition, ni encore aucun principe n'imposent une telle obligation, alors au demeurant que figurent dans la délibération les noms des membres du comité de sélection ayant participé à la délibération, la mention selon laquelle " la décision est acquise à la majorité des membres présents, c'est-à-dire si les " oui " (votes favorables) représentent plus de la moitié des membres présents " et les motifs pour lesquels la candidature de la requérante n'a pas été retenue. D'autre part, il résulte des termes mêmes de l'article 9-2 du décret du 6 juin 1984 qu'il appartient au comité de sélection d'établir, lors de sa première réunion, la liste des candidats qu'il souhaite entendre, sans que cette liste n'ait, à ce stade, à être motivée. Il doit en revanche, lorsqu'un candidat qui n'a pas été retenu pour l'audition le lui demande, communiquer à ce dernier les motifs pour lesquels sa candidature n'a pas été retenue. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'un courrier du 22 janvier 2020 a précisé à Mme D... les motifs pour lesquels le comité de sélection n'avait pas retenu sa candidature en vue d'une audition. Par suite, le moyen tiré de ce que la délibération du comité de sélection du 9 avril 2020 serait entachée de vices de procédure au regard des dispositions de l'article 9-2 du décret du 6 juin 1984 citées au point 2 ne peut qu'être écarté.

7. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier adressé à Mme D... le 22 juillet 2020, l'intéressée a été informée que sa candidature n'avait pas été retenue par le comité de sélection le 9 avril 2022 en vue d'une audition, au motif que l'adéquation de son expérience au profil attendu pour les fonctions d'enseignement était partielle compte tenu de son expérience d'enseignement très importante en psychologie clinique et psychopathologie de l'adulte et de son absence d'enseignements portant sur la dimension interculturelle, que ses thématiques de recherche se situaient essentiellement dans une perspective psychanalytique, sans projet de recherche en lien avec une intégration dans l'équipe d'accueil, que son dossier ne montrait pas de sollicitations de l'intéressée pour participer à des jurys de thèse, des expertises de projet de recherche ou encore à des relectures d'articles et enfin que son dossier était faible concernant les responsabilités pédagogiques ou administratives exercées au sein de l'université d'affectation. Par suite, les moyens tirés de ce que la délibération du 9 avril 2020 du comité de sélection est entachée, d'insuffisance de motivation et de méconnaissance de l'article 9-2 du décret du 6 juin 1984 ne peuvent être qu'écartés. Il en va de même, en tout état de cause, du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le comité de sélection.

8. En sixième lieu, le détournement de pouvoir et la rupture d'égalité subséquente alléguée ne sont pas établis.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme D... tendant à l'annulation des décisions attaquées doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'université de Picardie Jules Verne au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'université de Picardie Jules Verne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme D. D..., à l'université de Picardie Jules Verne, à M. C....., à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et à la Première ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 22 septembre 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; M. Alban de Nervaux, conseiller d'Etat et M. Edouard Solier, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 25 novembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

Le rapporteur :

Signé : M. Edouard Solier

Le secrétaire :

Signé : M. Jean-Marie Baune


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 449001
Date de la décision : 25/11/2022
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 nov. 2022, n° 449001
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Solier
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:449001.20221125
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