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23/11/2022 | FRANCE | N°452646

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 23 novembre 2022, 452646


Vu la procédure suivante :

La société Aéroport de Tahiti a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de lui accorder la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre de la contribution des patentes pour les années 2012 à 2016. Par un jugement n° 1800408, 1800409, 1800410 du 25 avril 2019, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19PA02434 du 17 février 2021, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Aéroport de Tahiti

contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistr...

Vu la procédure suivante :

La société Aéroport de Tahiti a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de lui accorder la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre de la contribution des patentes pour les années 2012 à 2016. Par un jugement n° 1800408, 1800409, 1800410 du 25 avril 2019, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19PA02434 du 17 février 2021, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Aéroport de Tahiti contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai et 17 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Aéroport de Tahiti demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christelle Thomas, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Aéroport de Tahiti et à la SCP Doumic-Seiller, avocat de la Présidence de la Polynésie française ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Aéroport de Tahiti, qui est bénéficiaire d'une convention de concession pour la construction, l'entretien et l'exploitation de l'aérodrome de Tahiti Faa'a, exploite à ce titre, sur le domaine public de l'Etat, des installations du service public aéroportuaire parmi lesquelles figurent notamment la piste d'atterrissage et des parcs de stationnement payants. A la suite d'un contrôle, cette société a été assujettie à des suppléments d'imposition au titre de la contribution des patentes pour les années 2012 à 2016. Par un jugement du 25 avril 2019, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande de décharge de ces suppléments d'imposition. La société Aéroport de Tahiti se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 février 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement.

2. D'une part, le code des impôts de la Polynésie française a institué une contribution des patentes acquittée par toute personne qui exerce une activité autre que salariée. Cette imposition comporte un droit fixe et un droit proportionnel. En vertu de l'article LP. 214-1 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige, le droit proportionnel à la contribution des patentes " est établi sur la valeur locative des magasins, boutiques, usines, ateliers, hangars, remises, chantiers et autres locaux servant à l'exercice des professions imposables, y compris les installations de toute nature passibles de l'impôt foncier des propriétés bâties (...) ". Aux termes de son article 214-2, " La valeur locative est déterminée soit au moyen des baux sous seing privé, soit au moyen de baux authentiques ou de déclarations de locations verbales dûment enregistrées, soit par comparaison avec d'autres locaux dont le loyer aura été régulièrement constaté ou sera notoirement connu et, à défaut de ces bases, par voie d'appréciation ".

3. D'autre part, l'article 221-1 du code des impôts de la Polynésie française a institué un impôt foncier sur les propriétés bâties qui est établi annuellement notamment à raison de " toutes installations commerciales ou industrielles assimilables à des constructions ". L'article 222-1 du même code exempte toutefois de cet impôt, notamment, " les immeubles propriété de l'Etat (...) lorsqu'ils sont affectés à un service public, ou s'ils sont reconnus d'utilité générale et improductifs de revenus ". Pour cet impôt, l'article LP. 225-2 du même code dispose que : " (...) La valeur locative est déterminée au moyen des baux authentiques ou des locations verbales passées dans les conditions normales. En l'absence d'actes de l'espèce, la valeur locative est déterminée soit par la méthode par comparaison, soit par la méthode d'évaluation directe. La méthode de l'évaluation directe est mise en œuvre selon la procédure suivante : / - évaluation de la valeur vénale foncière du bien ; / - détermination du taux d'intérêt, pour chaque nature de propriété dans la région considérée ; - application du taux d'intérêt à la valeur vénale (...) ". Pour l'application de la méthode d'évaluation directe, ce même article prévoit que la valeur vénale foncière des installations commerciales ou industrielles est égale à la valeur d'acquisition et de pose et que leur valeur locative est déterminée en appliquant à la valeur vénale de ces biens des taux d'intérêts qui diffèrent selon la localisation des biens concernés, et fixés à 4 % pour les biens situés dans les îles du Vent.

4. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que sont soumises au droit proportionnel à la contribution des patentes, en application de l'article LP. 214-1 du code des impôts de la Polynésie française, les installations de toute nature passibles de l'impôt foncier des propriétés bâties, alors même qu'elles bénéficieraient d'une exemption de cet impôt en application de l'article 222-1 du même code. Par suite, en jugeant que les dispositions de l'article 222-1 qui exemptent d'impôt foncier sur les propriétés bâties certains immeubles propriété de l'Etat n'avaient ni pour objet, ni pour effet de placer les installations commerciales ou industrielles assimilables à de telles constructions hors du champ de l'article LP. 214-1, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.

5. Toutefois, d'une part, il ressort des motifs de l'arrêt attaqué que la cour a jugé que la Polynésie française pouvait déterminer la valeur locative de la piste d'atterrissage de l'aéroport de Tahiti Faa'a, exploitée par la société requérante, en l'absence de baux de référence ou de biens comparables, selon la méthode de l'évaluation directe en appliquant à la valeur d'acquisition du bien figurant dans le contrat de concession un coefficient de 4 %. Or il résulte des dispositions, citées aux points 2 et 3, que les modalités de détermination de la valeur locative des propriétés bâties prévues par l'article LP. 225-2 du code des impôts de la Polynésie française, applicables à l'impôt foncier des propriétés bâties, ne sont pas, en l'absence de tout renvoi à ces dispositions par l'article 214-2, applicables à la contribution des patentes. Il s'ensuit que si la cour a pu, sans erreur de droit, se référer à la méthode d'appréciation directe pour déterminer la valeur locative de la piste d'atterrissage en l'absence d'autre méthode pertinente, elle a commis une erreur de droit en s'estimant tenue de faire application de la méthode d'évaluation directe donnée par l'article LP. 225-2 pour l'impôt foncier alors qu'était en cause le calcul du droit proportionnel à la contribution des patentes.

6. D'autre part, il ressort des motifs de l'arrêt attaqué que la cour a jugé que la Polynésie française pouvait déterminer la valeur locative du parc de stationnement exploité par la société requérante à partir du prix payé par ses usagers, soit par des abonnements mensuels, soit à l'heure. Toutefois, en assimilant les recettes ainsi tirées par la société requérante de son exploitation commerciale du parc de stationnement aux " déclarations de locations verbales dûment enregistrées " mentionnées par les dispositions de l'article 214-2 du code des impôts de la Polynésie française, la cour a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société Aéroport de Tahiti est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 3 000 euros à verser à la société Aéroport de Tahiti au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Aéroport de Tahiti qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 17 février 2021 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : La Polynésie française versera une somme de 3 000 euros à la société Aéroport de Tahiti au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées par la Polynésie française au titre de ces mêmes dispositions sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Aéroport de Tahiti et à la Polynésie française.

Délibéré à l'issue de la séance du 9 novembre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, Mme Isabelle Lemesle, M. Nicolas Polge, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat et Mme Christelle Thomas, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 23 novembre 2022.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Christelle Thomas

La secrétaire :

Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 452646
Date de la décision : 23/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 nov. 2022, n° 452646
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Christelle Thomas
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SCP DOUMIC-SEILLER ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:452646.20221123
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