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10/11/2022 | FRANCE | N°456661

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 10 novembre 2022, 456661


Vu la procédure suivante :



La société Electricité de France (EDF) a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de condamner l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon-Saint-Tropez à lui verser la somme de 207 801,95 euros TTC en règlement des consommations d'énergie impayées au titre des exercices 2012 à 2014, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date des mises en demeure de payer adressées à l'association et, à titre subsidiaire, de désigner un expert en vue d'évaluer le montant de ces consomm

ations. Par un jugement n° 1507269 du 22 novembre 2017, le tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

La société Electricité de France (EDF) a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de condamner l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon-Saint-Tropez à lui verser la somme de 207 801,95 euros TTC en règlement des consommations d'énergie impayées au titre des exercices 2012 à 2014, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date des mises en demeure de payer adressées à l'association et, à titre subsidiaire, de désigner un expert en vue d'évaluer le montant de ces consommations. Par un jugement n° 1507269 du 22 novembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18MA00274 du 21 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a, avant de statuer sur la requête d'appel de la société EDF, demandé un avis technique à un consultant, sur le fondement des dispositions des articles R. 621-3 à R. 621-6, R. 621-10 à R. 621-12-1, R. 621-14 et R. 625-2 du code de justice administrative. Ce dernier a rendu son avis le 25 février 2021.

Par un second arrêt n° 18MA00274 du 12 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a, en premier lieu, annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille, en deuxième lieu, condamné l'association syndicale autorisée du canal Ventavon-Saint-Tropez à verser la somme de 185 385,41 euros TTC à la société EDF, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en troisième lieu, mis à la charge de cette association les frais exposés au titre de l'établissement de l'avis technique pour une somme de 5 808 euros TTC, en dernier lieu, rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 septembre et 7 décembre 2021 et le 5 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon-Saint-Tropez demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 12 juillet 2021 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses écritures devant les juges du fond ;

3°) de mettre à la charge de la société EDF la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le décret n° 55-178 du 2 février 1955 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Mélanie Villiers, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon-Saint-Tropez et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société EDF ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association syndicale autorisée (ASA) du canal de Ventavon-Saint-Tropez a conclu avec Electricité de France (EDF), le 24 janvier 1972, une convention relative au rétablissement de son réseau d'irrigation à la suite des aménagements effectués par EDF sur la chute de Sisteron. L'article 4 de cette convention prévoyait, dans certaines limites, une obligation de fourniture gratuite d'énergie par EDF au bénéfice de l'association. Le 25 avril 2012, la société EDF, venant aux droits de l'établissement public EDF, a indiqué à l'association qu'ayant identifié une anomalie de tarification, elle entendait lui facturer un surcroît de consommation. En dépit d'échanges intervenus entre 2012 et 2014 entre les parties, celles-ci ne sont pas parvenues à s'accorder sur l'interprétation de l'article 4 de la convention du 24 janvier 1972 et l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon-Saint-Tropez n'a pas réglé le montant de 207 801,95 euros hors taxes réclamé par EDF. Par un jugement du 22 novembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande d'EDF tendant, à titre principal, à ce que l'ASA soit condamnée à lui verser cette somme TTC, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date des mises en demeure de payer ou, à titre subsidiaire, qu'un expert soit désigné en vue d'évaluer le montant de ces consommations. Par un premier arrêt du 21 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a, avant de statuer sur la requête d'appel de la société EDF, demandé, sur le fondement des dispositions de l'article R. 625-2 du code de justice administrative, un avis technique à un consultant. Ce dernier a rendu son avis le 25 février 2021. L'association syndicale autorisée du canal de Ventavon-Saint-Tropez se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 juillet 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille, l'a condamnée à verser à la société EDF une somme de 185 385,41 euros TTC, assortie des intérêts et de leur capitalisation, a mis à sa charge les frais exposés au titre de l'établissement de l'avis technique pour une somme de 5 808 euros TTC et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

2. Aux termes des dispositions de l'article R. 625-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'une question technique ne requiert pas d'investigations complexes, la formation de jugement peut charger la personne qu'elle commet de lui fournir un avis sur les points qu'elle détermine. Elle peut, à cet effet, désigner une personne figurant sur l'un des tableaux établis en application de l'article R. 221-9. Elle peut, le cas échéant, désigner toute autre personne de son choix. Le consultant, à qui le dossier de l'instance n'est pas remis, n'a pas à opérer en respectant une procédure contradictoire à l'égard des parties. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que si le consultant désigné par le juge n'est pas tenu d'élaborer son avis dans le cadre d'une procédure contradictoire, il doit, dès lors qu'il est amené à entendre l'une des parties au procès ou à examiner des pièces produites par elle, associer en principe l'autre partie au procès à ces auditions ou examens, dans toute la mesure où le respect d'un secret, tel que le secret médical ou le secret des affaires, ne s'y oppose pas. Par suite, en jugeant, pour écarter le moyen tiré de ce que l'avis technique avait été irrégulièrement émis faute pour le consultant, qui avait pris connaissance de pièces transmises par la société EDF et avait entendu des représentants de cette société, d'associer l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon-Saint-Tropez, que les dispositions précitées de l'article R. 625-2 du code de justice administrative n'imposaient pas au consultant de respecter une procédure contradictoire entre les parties, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit. Il suit de là, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon-Saint-Tropez est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur le montant dû en application du contrat :

5. En premier lieu, si l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon-Saint-Tropez est fondée à soutenir que l'avis technique émis par M. A... B... a été rendu irrégulièrement faute pour celui-ci, dont il résulte de l'instruction qu'il avait pris connaissance de pièces fournies par EDF et participé à une réunion avec des représentants de cette société, de l'avoir associée à ces auditions et examens, cette irrégularité ne fait pas obstacle à ce que la teneur des informations contenues dans cet avis puisse être prise en compte, les parties ayant pu formuler leurs observations au cours de la procédure qui a suivi le versement au dossier de cet avis.

6. En second lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de l'avis technique émis par M. B..., dont les conclusions ne sont pas utilement contestées par l'association syndicale autorisée que la somme due par l'association à EDF s'élève à la somme de 185 385,41 euros toutes taxes comprises, qu'elle n'a pas acquittée. La société EDF est dès lors et par suite fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 novembre 2017 rejetant sa demande.

Sur les intérêts :

7. En vertu de l'article 1231-6 du code civil, les intérêts au taux légal courront sur la somme due par l'association au titre de l'exercice 2012 à compter du 23 décembre 2013, date de réception par celle-ci de la réclamation de la société EDF. Les sommes dues au titre des exercices 2013 et 2014 porteront intérêts respectivement à compter du 22 juin 2014 et du 25 avril 2015, dates de réception par l'association des réclamations de la société EDF relatives à ces deux exercices.

Sur les frais engendrés par l'établissement de l'avis technique :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais exposés au titre de l'établissement de l'avis technique, taxés et liquidés à la somme de 5 808 euros TTC par une ordonnance de la présidente de la cour en date du 12 avril 2021, à la charge de l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon-Saint-Tropez.

Sur les frais de l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon-Saint-Tropez sur leur fondement soit mise à la charge de la société EDF, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre sur le même fondement et pour l'ensemble de la procédure une somme de 5 000 euros à la charge de l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon-Saint-Tropez, à verser à la société EDF.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 12 juillet 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille et le jugement du 22 novembre 2017 du tribunal administratif de Marseille sont annulés.

Article 2 : L'association syndicale autorisée du canal de Ventavon-Saint-Tropez est condamnée à verser la somme de 185 385,41 euros toutes taxes comprises à la société EDF. La part de cette somme due au titre de l'année 2012 portera intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2013, la part due au titre de l'année 2013 portera intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2014 et la part de cette somme due au titre de l'exercice 2014 portera intérêts à compter du 25 avril 2015.

Article 3 : Les frais exposés au titre de l'établissement de l'avis technique, taxés et liquidés à la somme de 5 808 euros toutes taxes comprises, sont mis à la charge de l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon-Saint-Tropez.

Article 4 : L'association syndicale autorisée du canal de Ventavon-Saint-Tropez versera une somme de 5 000 euros à la société EDF en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon-Saint-Tropez et à la société EDF.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 octobre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Géraud Sajust de Bergues, Mme Anne Courrèges, M. Benoît Bohnert, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et Mme Mélanie Villiers, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 10 novembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

La rapporteure :

Signé : Mme Mélanie Villiers

La secrétaire :

Signé : Mme Nadine Pelat


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 456661
Date de la décision : 10/11/2022
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-04-02 PROCÉDURE. - INSTRUCTION. - MOYENS D'INVESTIGATION. - DEMANDE D’AVIS TECHNIQUE (ART. R. 625-2 DU CJA) – OBLIGATIONS DU CONSULTANT – 1) SOUMISSION DE L’ÉLABORATION DE L’AVIS À PROCÉDURE CONTRADICTOIRE – ABSENCE – 2) AUDITION D’UNE PARTIE OU EXAMEN DES PIÈCES PRODUITES PAR ELLE – CONSÉQUENCE – ASSOCIATION DE L’AUTRE PARTIE, SOUS RÉSERVE DU RESPECT D’UN SECRET.

54-04-02 Il résulte de l’article R. 625-2 du code de justice administrative (CJA) que 1) si le consultant désigné par le juge n’est pas tenu d’élaborer son avis dans le cadre d’une procédure contradictoire, 2) il doit, dès lors qu’il est amené à entendre l’une des parties au procès ou à examiner des pièces produites par elle, associer en principe l’autre partie au procès à ces auditions ou examens, dans toute la mesure où le respect d’un secret, tel que le secret médical ou le secret des affaires, ne s’y oppose pas.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 nov. 2022, n° 456661
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Mélanie Villiers
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 07/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:456661.20221110
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