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28/10/2022 | FRANCE | N°462601

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 28 octobre 2022, 462601


Vu les procédures suivantes :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice a prononcé contre lui la sanction de la révocation. Par une ordonnance n° 2200671 du 1er mars 2022, le juge des référés a fait droit à sa demande.

I. Sous le n° 462601, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, e

nregistrés les 23 mars, 7 avril et 23 septembre 2022 au secrétariat du contentieu...

Vu les procédures suivantes :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice a prononcé contre lui la sanction de la révocation. Par une ordonnance n° 2200671 du 1er mars 2022, le juge des référés a fait droit à sa demande.

I. Sous le n° 462601, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 23 mars, 7 avril et 23 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le CHU de Nice demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. Sous le n° 463013, par une requête enregistrée le 7 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le CHU de Nice demande au Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, le sursis à exécution de la même ordonnance du 1er mars 2022.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat du centre hospitalier universitaire de Nice et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que par une décision du 9 décembre 2021, le directeur général du CHU de Nice a infligé à M. A..., aide-soignant affecté au secteur psychiatrique, la sanction de la révocation. Le CHU de Nice se pourvoit en cassation, sous le n° 462601, contre l'ordonnance du 1er mars 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, saisi par M. A..., a suspendu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de cette décision. Il demande également, sous le n° 463013, qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance sur le fondement de l'article R. 821-5 du code de justice administrative. Il y a lieu de joindre ce pourvoi et cette requête pour statuer par une seule décision.

Sur le pourvoi:

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence.

4. Il résulte des termes mêmes de l'ordonnance attaquée que, pour juger que l'urgence justifiait la suspension de la décision contestée, le juge des référés du tribunal administratif de Nice s'est fondé sur la seule circonstance qu'elle avait pour effet de priver M. A... d'une part substantielle de ses revenus, sans rechercher si, comme le soutenait le CHU en défense, sa réintégration était de nature à causer un risque pour la sécurité des patients et le bon fonctionnement du service. Il a, par suite, entaché son ordonnance d'erreur de droit et d'insuffisance de motivation.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, le CHU de Nice est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'il est reproché à M. A... d'avoir, d'une part, insulté et brutalisé dans la nuit du 20 au 21 septembre 2021 un patient de l'unité de psychiatrie, d'autre part, exprimé son animosité à l'encontre de deux collègues ayant refusé d'attester en sa faveur à la suite de cet incident. Eu égard aux conditions de l'incident, qui a été violent mais bref et s'est conclu par un échange d'excuses réciproques, ainsi qu'au comportement professionnel de l'agent, tel qu'il est attesté par ses notations professionnelles et par les témoignages d'anciens collègues, et à la circonstance que la dernière sanction invoquée par le CHU de Nice pour justifier sa révocation présentait à cette date une ancienneté de vingt-trois ans, le moyen tiré de ce que la sanction de révocation qui a été infligée à M. A... est disproportionnée par rapport aux faits reprochés est de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à sa légalité.

8. En second lieu, il résulte de l'instruction que la décision contestée a pour effet de priver M. A... de son emploi et de son traitement et porte à sa situation financière une atteinte grave et immédiate, alors en revanche que les risques invoqués par son employeur pour la sécurité des patients et le bon fonctionnement du service ne sont pas établis. Dans ces conditions, la condition d'urgence fixée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de sa demande, M. A... est fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision du 9 décembre 2021 du directeur du CHU de Nice.

Sur la requête aux fins de sursis à exécution :

10. La présente décision se prononçant sur le pourvoi formé contre l'ordonnance du 1er mars 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Nice, les conclusions de la requête du CHU tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Nice la somme de 2 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande, à ce titre, le CHU de Nice.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 1er mars 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Nice est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision du 9 décembre 2021 du directeur général du CHU de Nice est suspendue.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête aux fins de sursis à exécution présentée par le CHU de Nice.

Article 4 : Le CHU de Nice versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le CHU de Nice sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier universitaire de Nice et à M. B... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 29 septembre 2022 où siégeaient : M. Jean Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 28 octobre 2022.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

Le rapporteur :

Signé : M. Jean-Dominique Langlais

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 462601
Date de la décision : 28/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 oct. 2022, n° 462601
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:462601.20221028
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