Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 novembre 2021, 23 février 2022 et 24 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° CS 2021-19 du 7 juillet 2021 par laquelle la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), d'une part, lui a interdit, pendant une durée de quatre ans, en premier lieu, de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, et des manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ou par une ligue professionnelle ou l'un des membres de celles-ci, en deuxième lieu, de prendre part à toute autre activité organisée par une fédération sportive, une ligue professionnelle ou l'un de leurs membres, ou le comité national olympique et sportif français, ainsi qu'aux activités sportives impliquant des sportifs de niveau national ou international et financées par une personne publique, à moins que ces activités ne s'inscrivent dans des programmes ayant pour objet la prévention du dopage, et enfin, d'exercer les fonctions définies à l'article L. 212-1 du code du sport, ainsi que toute fonction d'encadrement ou toute activité administrative au sein d'une fédération agréée ou d'une ligue professionnelle, ou d'un de leurs membres, et, d'autre part, a décidé la publication sur le site internet de l'Agence d'un résumé de la décision ;
2°) de mettre à la charge de l'Agence française de lutte contre le dopage la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du sport ;
- le décret n° 2018-1283 du 27 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Paul Bernard, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. A..., et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que M. A..., joueur professionnel de rugby, a fait l'objet d'un contrôle antidopage, le 19 mai 2019, à l'occasion d'un match du championnat de France de rugby professionnel de 1ère division, dénommé Top 14. L'analyse effectuée a fait ressortir la présence dans ses urines de testostérone et de ses métabolites, d'origine exogène, substances non spécifiées de la classe S1 des agents anabolisants figurant sur la liste des substances interdites en permanence annexée au décret du 27 décembre 2018 portant publication de l'amendement à l'annexe I de la convention internationale contre le dopage dans le sport. Par une première décision du 10 juillet 2019, la présidente de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a pris à l'encontre de M. A... une mesure de suspension provisoire à titre conservatoire. Puis, par une décision du 7 juillet 2021, la commission des sanctions de l'AFLD a prononcé une sanction comportant notamment l'interdiction pour l'intéressé de pratiquer diverses activités dans le domaine sportif pendant une durée de quatre ans, l'article 2 de la décision précisant qu'il y a lieu de déduire de cette durée la période pendant laquelle la suspension provisoire a produit ses effets, et a ordonné la publication du résumé de cette décision sur le site internet de l'AFLD pendant toute la durée de l'interdiction. M. A... demande l'annulation de cette seconde décision.
Sur la régularité de la procédure disciplinaire et de la décision :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 232-12-1 du code du sport : " (...) Le président de la commission des sanctions convoque les séances de la commission et de ses sections. Il fixe leur ordre du jour. / La commission des sanctions établit son règlement intérieur (...) ". Selon le premier alinéa de l'article 4 de la délibération n° 2018-01 du 17 septembre 2018 portant règlement intérieur de la commission des sanctions de l'AFLD, prise pour l'application de ces dispositions : " La convocation est adressée par tout moyen aux membres de la commission cinq jours au moins avant la séance, sauf cas d'urgence. Elle est accompagnée de l'ordre du jour ".
3. Il résulte de l'instruction que la convocation à la séance du 7 juillet 2021 a été adressée, par voie électronique, à l'ensemble des membres de la commission des sanctions de l'Agence le 1er juillet 2021, soit dans les délais impartis, et était accompagnée de l'ordre du jour. Par suite, le moyen tiré de ce que les membres de la commission n'auraient pas été régulièrement convoqués manque en fait.
4. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 232-22 du code du sport : " (...) La personne concernée est convoquée à l'audience. Elle peut y présenter ses observations. Un représentant du collège peut également présenter des observations pour le compte de celui-ci. / La commission délibère hors la présence des parties et du représentant du collège ". Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 232-11 du code du sport : " Le collège peut désigner un de ses membres ou un agent de l'agence pour le représenter devant la commission des sanctions ". En vertu de l'article R. 232-95 de ce code : " Le membre du collège ou l'agent de l'agence désigné en application du dernier alinéa de l'article R. 232-11 peut assister à l'audience et présenter des observations. Le cas échéant, le membre du collège peut être assisté par un agent de l'agence ".
5. Il résulte de l'instruction que Mme B..., directrice adjointe des affaires juridiques et institutionnelles de l'Agence française de lutte contre le dopage, a été désignée, le 17 juin 2021, par le collège de l'Agence pour le représenter lors de la séance de la commission des sanctions du 7 juillet 2021. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de sa désignation doit être écarté comme manquant en fait.
Sur les procédures de contrôle et d'analyse :
6. En premier lieu, les stipulations du code mondial antidopage, qui constitue le premier appendice de la convention internationale contre le dopage dans le sport, ne produisent pas d'effets entre les Etats ni, par voie de conséquence, à l'égard des particuliers et ne peuvent donc pas être utilement invoquées, à défaut de tout renvoi du code du sport, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation d'une décision individuelle ou réglementaire. Ainsi que l'a rappelé la commission des sanctions de l'AFLD, M. A... ne peut dès lors utilement se prévaloir des stipulations du code mondial antidopage pour contester la régularité des opérations de contrôle et d'analyse des prélèvements.
7. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 232-11 du code du sport, alors en vigueur : " (...) sont habilités à procéder aux contrôles diligentés par l'Agence française de lutte contre le dopage ou demandés par les personnes mentionnées à l'article L. 232-13 et à rechercher et constater les infractions aux dispositions prévues aux articles L. 232-9 et L. 232-10 les agents relevant du ministre chargé des sports et les personnes agréées par l'agence et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 232-68 du même code : " L'agrément des personnes chargées du contrôle au titre de l'article L. 232-11 est accordé par l'Agence française de lutte contre le dopage dans les conditions qu'elle définit. (...) / L'agrément est donné pour une durée de deux ans renouvelable ". Le moyen selon lequel la procédure serait irrégulière faute pour l'agent préleveur d'être dûment agréé et assermenté ne peut qu'être écarté dès lors qu'il résulte de l'instruction que le médecin chargé du prélèvement a été agréé pour une durée de deux ans par une décision de l'AFLD en date du 4 mai 2018 et que celui-ci a prêté serment devant le tribunal de grande instance de Tarascon le 28 février 2012.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 232-49 du code du sport, alors en vigueur : " Chaque contrôle comprend : / 1° Le cas échéant, l'information de la personne en charge du contrôle de l'utilisation par le sportif des produits de santé définis à l'article L. 5311-1 du code de la santé publique, en particulier de médicaments, qu'ils aient fait ou non l'objet d'une prescription ; / (...) 3° Un ou plusieurs des prélèvements et opérations de dépistage (...) ; / 4° La rédaction et la signature du procès-verbal (...) ". En vertu de l'article R. 232-51 du même code : " Les prélèvements et opérations de dépistage énumérés à l'article R. 232-50 se font sous la surveillance directe de la personne chargée du contrôle. Ils sont effectués dans les conditions suivantes : / 1° Le récipient destiné à recevoir chaque échantillon est adapté à la nature de celui-ci et à celle des analyses. Il est conçu pour éviter tout risque de contamination et de pollution ; / (...) 5° A l'exception de l'échantillon sanguin qui est réparti par la personne chargée du contrôle, chaque échantillon est réparti, soit par l'intéressé sous la surveillance de la personne chargée du contrôle, soit par cette dernière, en deux flacons scellés qui comportent un étiquetage d'identification portant un numéro de code ; chaque flacon contient une quantité suffisante pour permettre la réalisation d'une première analyse et, si nécessaire, d'une seconde (...) ". Enfin, selon l'article R. 232-58 de ce code : " La personne contrôlée doit assister à l'ensemble des opérations de contrôle. / La personne chargée du contrôle dresse sans délai procès-verbal des conditions dans lesquelles elle a procédé aux prélèvements et opérations de dépistage. / Les observations que la personne chargée du contrôle ou le sportif contrôlé souhaite présenter sur les conditions de déroulement du contrôle sont consignées dans le procès-verbal. / Le sportif contrôlé vérifie l'identité entre les numéros de code des échantillons mentionnés au 5°de l'article R. 232-51 et ceux qui sont inscrits sur le procès-verbal. Cette vérification est consignée au procès-verbal ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le sportif contrôlé, qui assiste à l'intégralité des opérations de contrôle jusqu'à la signature du procès-verbal, est mis à même de s'assurer de la régularité des opérations de contrôle et de procéder, à l'issue du prélèvement, à la vérification de l'identité entre les numéros indiqués sur les flacons d'échantillons et ceux retranscrits sur le procès-verbal établi par l'agent chargé du prélèvement. Cette vérification doit être contresignée sur le procès-verbal par le sportif, lequel peut éventuellement y mentionner toute observation relative au déroulement de l'opération de contrôle qu'il estimerait utile.
9. Il résulte de l'instruction que M. A... a signé le formulaire de contrôle du dopage, sans faire d'observation ni exprimer aucune réserve sur l'attribution des échantillons, sur les conditions dans lesquelles ils ont été scellés, ni sur le fait qu'il n'aurait pas assisté à l'ensemble des opérations de contrôle. Ni les allégations du requérant selon lesquelles il aurait laissé hors de sa surveillance les échantillons urinaires prélevés avant qu'ils soient scellés, par les contradictions qu'elles comportent au regard d'autres déclarations de l'intéressé, ce que la commission des sanctions pouvait à bon droit relever pour porter son appréciation, ni les témoignages produits, par leur imprécision, ne sont de nature à remettre en cause les mentions du procès-verbal relatives à la régularité des opérations de recueil et de conservation des échantillons prélevés.
10. En troisième lieu, si M. A... se prévaut de la quantité importante de médicaments qu'il avait prise peu avant le contrôle et des effets secondaires susceptibles d'y être associés, il ne résulte en tout état de cause pas de l'instruction, notamment du formulaire de contrôle, des informations que l'intéressé a lui-même été en mesure de fournir à cette occasion sur les produits absorbés, des témoignages produits et des constatations faites par l'agent de contrôle assermenté, que le discernement de l'intéressé en aurait été affecté, ainsi qu'au demeurant l'a estimé à bon droit la commission des sanctions de l'AFLD.
11. En quatrième et dernier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 232-18 du code du sport, dans sa rédaction applicable au litige : " Les analyses des prélèvements effectués par l'Agence française de lutte contre le dopage sont réalisées, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, par tout laboratoire désigné à cette fin par l'agence et accrédité par l'Agence mondiale antidopage ". Selon l'article R. 232-43 du même code : " (...) Ces analyses sont effectuées conformément aux normes internationales (...) ".
12. Il résulte de l'instruction qu'en se bornant à faire état de contradictions, incohérences et erreurs dans les résultats de l'analyse effectuée à la suite du contrôle antidopage dont il fait l'objet, notamment en invoquant les avis des experts qu'il a consultés, M. A... n'apporte pas d'élément permettant de caractériser une absence de conformité des conditions de réalisation de l'analyse aux exigences techniques définies par l'Agence mondiale antidopage ni de remettre en cause l'origine exogène des substances révélées par l'analyse. Par suite, le moyen tiré de ce que les analyses effectuées sur les échantillons prélevés étaient irrégulières et que la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage ne pouvait s'y référer pour prononcer une sanction à son encontre ne peut qu'être écarté.
Sur la sanction :
13. Aux termes du I de l'article L. 232-9 du code du sport, dans sa rédaction applicable au litige : " Est interdite la présence, dans l'échantillon d'un sportif, des substances figurant sur la liste mentionnée au dernier alinéa du présent article, de leurs métabolites ou de leurs marqueurs. Il incombe à chaque sportif de s'assurer qu'aucune substance interdite ne pénètre dans son organisme. / L'infraction au présent I est établie par la présence, dans un échantillon fourni par le sportif, d'une substance interdite, de ses métabolites ou de ses marqueurs, sans qu'il y ait lieu de rechercher si l'usage de cette substance a revêtu un caractère intentionnel ". Selon le I de l'article L. 232-23 du même code : " La commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage peut prononcer à l'encontre des personnes ayant enfreint les dispositions des articles L. 232-9, L. 232-9-1, L. 232-9-2, L. 232-9-3, L. 232-10, L. 232-14-5 ou L. 232-17 : (...) 2° Une interdiction temporaire ou définitive : / a) De participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, et des manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ou par une ligue sportive professionnelle ainsi qu'aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou une ligue professionnelle ou l'un des membres de celles-ci ; / b) D'exercer les fonctions définies à l'article L. 212-1 ; / c) D'exercer les fonctions de personnel d'encadrement ou toute activité administrative au sein d'une fédération agréée ou d'une ligue professionnelle, ou de l'un de leurs membres ; / d) Et de prendre part à toute autre activité organisée par une fédération sportive, une ligue professionnelle ou l'un de leurs membres, ou le comité national olympique et sportif français, ainsi qu'aux activités sportives impliquant des sportifs de niveau national ou international et financées par une personne publique, à moins que ces activités ne s'inscrivent dans des programmes ayant pour objet la prévention du dopage (...) ". En vertu du I de l'article L. 232-23-3-3 du même code : " La durée des mesures d'interdiction mentionnées au 2° du I de l'article L. 232-23 à raison d'un manquement à l'article L. 232-9 ou au 2° de l'article L. 232-10 : / 1° Est de quatre ans lorsque ce manquement implique une substance non spécifiée. Cette durée est ramenée à deux ans lorsque le sportif démontre qu'il n'a pas eu l'intention de commettre ce manquement (...) ". Aux termes du dernier alinéa du II de l'article L. 232-23-3-10 du même code : " La durée des mesures d'interdiction prévues aux articles L. 232-23-3-3 à L. 232-23-3-8 peut être réduite par une décision spécialement motivée lorsque les circonstances particulières de l'affaire le justifient au regard du principe de proportionnalité ".
14. Il résulte de l'instruction que l'analyse effectuée à la suite du contrôle auquel le requérant a été soumis le 19 mai 2019 a fait ressortir la présence dans ses urines de testostérone et de ses métabolites, d'origine exogène. Si l'intéressé fait valoir les conséquences d'un arrêt brutal du rugby à son jeune âge, le caractère irréprochable jusqu'ici de sa pratique sportive, l'absence de contrôle positif antérieur ainsi que ses difficultés liées à son absence de maîtrise de la langue française et à son isolement, la durée de quatre ans des interdictions prononcées par la commission des sanctions de l'AFLD n'apparaît pas disproportionnée eu égard à la nature des substances détectées, à la gravité du manquement constaté et en l'absence d'élément de nature à justifier son prétendu manque de vigilance quant aux produits consommés, alors qu'il pratique son sport à titre professionnel.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque, qui est suffisamment motivée.
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Agence française de lutte contre le dopage qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros à verser à l'Agence au même titre.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à l'Agence française de lutte contre le dopage une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... et à l'Agence française de lutte contre le dopage.