La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/10/2022 | FRANCE | N°464957

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 14 octobre 2022, 464957


Vu la procédure suivante :



La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, saisi le tribunal administratif de Montpellier de sa décision du 12 janvier 2022 portant rejet du compte de campagne de M. B. D... et Mme C. A., candidats aux élections des conseillers départementaux de l'Hérault dans le canton de Montpellier 4, dont le premier tour de scrutin s'est tenu le 20 juin 2021.



Par un jugement n° 2200306 du 5 avril 2022, ce tribunal

, après avoir jugé que la CNCCFP avait rejeté à bon droit le compte de campagn...

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, saisi le tribunal administratif de Montpellier de sa décision du 12 janvier 2022 portant rejet du compte de campagne de M. B. D... et Mme C. A., candidats aux élections des conseillers départementaux de l'Hérault dans le canton de Montpellier 4, dont le premier tour de scrutin s'est tenu le 20 juin 2021.

Par un jugement n° 2200306 du 5 avril 2022, ce tribunal, après avoir jugé que la CNCCFP avait rejeté à bon droit le compte de campagne de M. D... et Mme A., a déclaré ces derniers inéligibles pour une durée de douze mois.

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 et 28 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 12 janvier 2022 de la CNCCFP ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Me Bertrand, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le décret n° 2018-205 du 27 mars 2018 ;

- le décret n° 2020-1397 du 13 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Bertrand, avocat de M. D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 12 janvier 2022, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rejeté le compte de campagne de M. B. D... et Mme C. A., candidats aux élections des conseillers départementaux de l'Hérault dans le canton de Montpellier 4, dont le premier tour de scrutin s'est tenu le 20 juin 2021, au motif que le mandataire financier des candidats n'avait pas ouvert de compte de dépôt unique retraçant la totalité des opérations financières du compte de campagne, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-6 du code électoral. M. D... relève appel du jugement du 5 avril 2022 par lequel tribunal administratif de Montpellier, après avoir jugé, sur saisine de la CNCCFP, que cette commission avait rejeté à bon droit leur compte de campagne, les a déclarés inéligibles pour une durée de douze mois.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 52-15 du code électoral : " (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. (...) ". Aux termes du deuxième aliéna de l'article L. 52-6 du même code : " Le mandataire financier est tenu d'ouvrir un compte de dépôt unique retraçant la totalité de ses opérations financières. L'intitulé du compte précise que le titulaire agit en qualité de mandataire financier du candidat, nommément désigné ".

3. En raison de la finalité poursuivie par ces dispositions, l'obligation de financer toute dépense effectuée en vue de la campagne exclusivement à partir du compte unique ouvert à cette seule fin par le mandataire financier désigné par le candidat constitue une formalité substantielle à laquelle il ne peut en principe être dérogé, sauf pour le règlement direct de menues dépenses par le candidat ou par toute autre personne participant à sa campagne, ce qui ne peut être admis qu'à la double condition que leur montant soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du code électoral.

4. Il résulte de l'instruction qu'en méconnaissance des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 52-6 du code électoral, le mandataire financier de M. D... et Mme A. s'est abstenu d'ouvrir un compte de dépôt unique retraçant les opérations financières réalisées au titre de la campagne électorale en vue de l'élection des conseillers départementaux de l'Hérault. Les circonstances alléguées que ce mandataire aurait été hospitalisé au cours du mois de mai 2021 et que l'unique demande d'ouverture d'un compte de dépôt effectuée en juin 2021 aurait été rejetée par l'établissement bancaire sollicité ne sauraient exonérer le mandataire des candidats de l'obligation d'ouverture d'un tel compte à laquelle il était tenu, ni, en tout état de cause, être regardées comme constitutives d'un cas de force majeure. Ainsi, et en dépit de la relative modestie du montant de 2 613 euros des dépenses portées dans le compte de campagne, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé sur ce point, le tribunal administratif de Montpellier a jugé que la CNCCFP avait à bon droit rejeté le compte de campagne en cause.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : / 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 (...) ". En application de ces dispositions, en dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne peut prononcer l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement de ces dispositions que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré, en tenant compte de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte et du montant des sommes en cause.

6. Ainsi qu'il résulte de ce qui a été indiqué ci-dessus, le requérant ne justifie, ni même n'allègue, que les candidats ou leur mandataire auraient été dans l'impossibilité de solliciter d'autres établissements financiers que la banque ayant rejeté leur unique demande d'ouverture d'un compte de dépôt de campagne. Le requérant ne justifie pas davantage que les candidats auraient saisi la Banque de France afin qu'elle désigne un établissement de crédit situé dans la circonscription dans laquelle se déroule l'élection comme le prévoit l'article L. 52-6-1 du code électoral en pareil cas, ou qu'ils auraient saisi le médiateur du crédit dans les conditions prévues au chapitre III du décret du 27 mars 2018 relatif au médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques en cas de double refus d'ouverture. Dans ces conditions, l'absence de diligences suffisantes des candidats pour respecter les dispositions impératives de l'article L. 52-6 du code électoral constitue, en dépit de leur inexpérience, un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales justifiant que soit prononcée leur inéligibilité pour une durée de douze mois.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque, lequel est suffisamment motivé sur ce point.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B. D..., Mme C. A., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 septembre 2022 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 14 octobre 2022.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Jean-Marc Vié

La secrétaire :

Signé : Mme Michelle Bailleul


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 464957
Date de la décision : 14/10/2022
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 14 oct. 2022, n° 464957
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Vié
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : BERTRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:464957.20221014
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award