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14/10/2022 | FRANCE | N°446531

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 14 octobre 2022, 446531


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Section française de l'Observatoire international des prisons demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à ce qu'il donne instruction aux représentants du ministère public de ne plus faire application des articles 728-10 à 728-22 du code de procédure pénale tant qu'une voie de recours n'aura pas été prévue par l

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Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Section française de l'Observatoire international des prisons demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à ce qu'il donne instruction aux représentants du ministère public de ne plus faire application des articles 728-10 à 728-22 du code de procédure pénale tant qu'une voie de recours n'aura pas été prévue par la loi contre les procédures de transfèrement international décidées sans l'accord de la personne détenue et contre les décisions de rejet des demandes de transfèrement présentées par une personne détenue ;

2°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de donner une telle instruction aux magistrats du ministère public ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 62 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 ;

- la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 ;

- la décision n° 2021-905 QPC du 7 mai 2021 du Conseil constitutionnel statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Section française de l'Observatoire international des prisons ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la Section française de l'Observatoire international des prisons ;

Considérant ce qui suit :

1. La Section française de l'Observatoire international des prisons demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice, sur sa demande tendant à ce qu'il donne instruction aux magistrats du ministère public de ne plus faire application des articles 728-10 à 728-22 du code de procédure pénale tant qu'une voie de recours n'aura pas été prévue par la loi contre les procédures de transfèrement international décidées sans l'accord de la personne détenue et contre les décisions de rejet des demandes de transfèrement présentées par une personne détenue.

2. A l'appui de sa demande, la Section française de l'Observatoire international des prisons fait valoir que ces dispositions ne prévoient aucune modalité de recours permettant à une personne intéressée de contester une décision qui lui est défavorable en matière de transfèrement international, en méconnaissance du droit à un recours effectif garanti par la Constitution et par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, de ne pas donner instruction aux magistrats du ministère public de ne plus faire application des articles 728-10 à 728-22 du code de procédure pénale tant qu'une voie de recours n'aura pas été prévue par la loi contre les décisions défavorables relatives aux procédures de transfèrement international réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de donner une telle instruction. Il s'ensuit que lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation d'une telle décision, le juge de l'excès de pouvoir est en tout état de cause conduit à apprécier sa légalité au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.

4. A la date de la présente décision, les articles 728-15 et 728-22 ont été modifiés par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire. Ainsi modifié, l'article 728-15 dispose, dans sa version issue de cette loi : " Le représentant du ministère public près la juridiction ayant prononcé la décision de condamnation est compétent pour transmettre à l'autorité compétente d'un autre Etat membre de l'Union européenne, aux fins qu'elle reconnaisse cette décision et la ramène à exécution, une copie de celle-ci et, après l'avoir établi et signé, le certificat prévu à l'article 728-12. / Il peut procéder à cette transmission à la demande de l'autorité compétente de l'Etat d'exécution. / Sous réserve de l'article 728-22-1, il peut également procéder à cette transmission d'office ou à la demande de la personne concernée. / Il peut décider la transmission lorsque les conditions prévues à l'article 728-11 sont réunies et qu'il a acquis la certitude que l'exécution de la condamnation sur le territoire de l'autre Etat membre facilitera la réinsertion sociale de l'intéressé ". Aux termes du premier alinéa de l'article 728-22 dans sa rédaction issue de cette même loi : " Tant que l'exécution de la peine n'a pas commencé, le représentant du ministère public peut, à tout moment, décider de retirer le certificat, sous réserve de l'article 728-22-1. Il indique à l'autorité compétente de l'Etat d'exécution le motif de ce retrait ". La loi du 22 décembre 2021 a également créé un article 728-22-1 qui dispose : " La personne condamnée peut contester devant le président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel la décision du représentant du ministère public : / 1° De transmission d'office à l'autorité compétente d'un autre Etat membre de l'Union européenne d'une décision de condamnation aux fins d'exécution en application du troisième alinéa de l'article 728-15 ; / 2° De refus de transmettre une telle décision en application du même troisième alinéa, malgré la demande en ce sens du condamné ; / 3° De retrait du certificat pris en application du premier alinéa de l'article 728-22. / Ce recours est suspensif. / Le dossier ou sa copie est alors transmis par le représentant du ministère public au président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel dans le ressort de laquelle se trouve la juridiction ayant prononcé la décision de condamnation. / Le président statue, après avoir recueilli les observations écrites du représentant du ministère public et de la personne condamnée, par une ordonnance motivée qui n'est pas susceptible de recours ".

5. Ces nouvelles dispositions définissent les voies et modalités de recours contre les décisions défavorables aux personnes concernées en matière de transfèrement international de détenus. Par suite, à la date de la présente décision, les moyens tirés de ce que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la demande tendant à ce qu'il donne instruction aux magistrats du ministère public de ne plus faire application des articles 728-10 à 728-22 du code de procédure pénale tant qu'une voie de recours n'aura pas été prévue par la loi contre les procédures de transfèrement international décidées sans l'accord de la personne détenue et contre les décisions de rejet des demandes de transfèrement présentées par une personne détenue méconnaîtrait les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en privant de garanties légales la protection constitutionnelle du droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction, ne peuvent qu'être écartés.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de sa requête, que la Section française de l'Observatoire international des prisons n'est en tout état de cause pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice de refuser de prendre une instruction afin de demander à ses services de ne pas faire application des dispositions contestées.

7. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la Section française de l'Observatoire international des prisons est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Section française de l'Observatoire international des prisons et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 septembre 2022 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et Mme Pauline Hot, auditrice-rapporteure.

Rendu le 14 octobre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Pauline Hot

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 446531
Date de la décision : 14/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 oct. 2022, n° 446531
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Hot
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:446531.20221014
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