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14/10/2022 | FRANCE | N°445873

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 14 octobre 2022, 445873


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 2 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Section française de l'Observatoire international des prisons demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de refus résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant à l'abrogation des articles D. 49-27 et D. 119 du code de procédure pénale ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger ces dispositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 eu

ros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pi...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 2 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Section française de l'Observatoire international des prisons demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de refus résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant à l'abrogation des articles D. 49-27 et D. 119 du code de procédure pénale ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger ces dispositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 62,

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de procédure pénale,

- la loi n° 2021-403 du 8 avril 2021 ;

- la décision n° 2021-898 QPC du 16 avril 2021 du Conseil constitutionnel statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Section française de l'Observatoire international des prisons ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la Section française de l'Observatoire international des prisons ;

Considérant ce qui suit :

1. La Section française de l'Observatoire international des prisons demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande d'abrogation des articles D. 49-27 et D. 119 du code de procédure pénale.

2. L'article D. 49-27 du code de procédure pénale dispose que : " Le juge de l'application des peines fixe les principales modalités d'exécution des peines privatives de liberté ou de certaines peines restrictives de libertés en orientant et en contrôlant les conditions de leur exécution, conformément aux principes fixés par l'article 707. (...) " L'article D. 119 du même code précise les modalités de mise en œuvre des mesures d'aménagement de la peine.

3. A l'appui de sa demande, la Section française de l'Observatoire international des prisons soutient que ces dispositions ont été prises pour l'application de l'article 707 du code de procédure pénale, lequel méconnaît les droits et libertés garantis par la Constitution ainsi que le droit à un recours effectif garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'il ne prévoit pas qu'une personne condamnée puisse obtenir un aménagement de peine au motif que ses conditions de détention sont indignes et en ce qu'il n'organise aucun recours lui permettant de saisir le juge judiciaire pour qu'il soit mis fin à cette situation par une autre mesure.

4. Lorsqu'il est saisi de conclusions à fin d'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir est amené à contrôler la légalité de ce refus en appréciant celle de l'acte réglementaire dont l'abrogation a été demandée au regard des règles applicables à la date de sa décision.

5. A la date de la présente décision, les dispositions contestées de l'article 707 du code de procédure pénale ne sont plus en vigueur. Ainsi, le paragraphe III de l'article 707 a été modifié par la loi du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention et dispose désormais que : " Toute personne condamnée incarcérée en exécution d'une peine privative de liberté bénéficie, chaque fois que cela est possible, d'un retour progressif à la liberté (...). Le droit de cette personne d'être incarcérée dans des conditions respectant sa dignité est garanti par l'article 803-8 ". L'article 803-8 du même code, créé par la loi du 8 avril 2021 précédemment citée, confie, respectivement, au juge des libertés et de la détention et au juge de l'application des peines l'examen des requêtes formées par les personnes prévenues et les personnes condamnées et tendant à faire cesser des conditions de détention contraires à la dignité humaine. Le juge peut ordonner à l'administration de mettre fin, par tout moyen, à ces conditions de détention dans un délai maximum d'un mois. Passé ce délai, si ces conditions perdurent, le juge ordonne soit le transfèrement de la personne, soit sa mise en liberté immédiate, le cas échéant sous contrôle judiciaire ou assignation à résidence, soit une autre mesure prévue au paragraphe III de l'article 707. Ces nouvelles dispositions définissent également les voies et délais de recours permettant aux personnes prévenues ou détenues de faire appel d'une décision de rejet opposée à leur requête.

6. Il résulte de cette modification de la loi que les moyens tirés de ce que les dispositions antérieurement en vigueur de l'article 707 du code de procédure pénale méconnaissaient les droits et libertés garantis par la Constitution et les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'elles ne permettaient pas à une personne condamnée d'obtenir un aménagement de peine au seul motif qu'elle était détenue dans des conditions indignes, ou de saisir le juge judiciaire pour qu'il soit mis fin à cette situation par une autre mesure, ne peuvent qu'être écartés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la Section française de l'Observatoire international des prisons doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de Section française de l'Observatoire international des prisons est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Section française de l'Observatoire international des prisons, à la Première ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 septembre 2022 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et Mme Pauline Hot, auditrice-rapporteure.

Rendu le 14 octobre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Pauline Hot

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 445873
Date de la décision : 14/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 oct. 2022, n° 445873
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Hot
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:445873.20221014
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