Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 juillet 2019 par laquelle la ministre du travail a autorisé la société " centre d'hémodialyse - MG Durieux " à la licencier pour inaptitude. Par un jugement n° 1901228 du 10 mai 2021, le tribunal administratif de La Réunion a annulé cette décision.
Par une ordonnance n° 21BX03090 du 8 novembre 2021, le président de la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de la société " centre d'hémodialyse - MG Durieux " tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 novembre et 9 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société " centre d'hémodialyse - MG Durieux " demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de faire droit à sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de La Réunion du 10 mai 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Vaiss, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société " centre d'hémodialyse - MG Durieux " et à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme A... B..., recrutée par la société " centre d'hémodialyse - MG Durieux " en qualité d'aide-soignante, bénéficiait de la protection attachée aux anciens représentants du personnel. Par une décision du 15 février 2016, l'inspecteur du travail a autorisé son employeur à la licencier pour inaptitude. Par décision du 23 août 2016, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, saisie d'un recours hiérarchique par Mme B..., a annulé la décision de l'inspecteur du travail puis considéré qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement. Par jugement du 17 décembre 2018, devenu définitif, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision de la ministre du travail en ce qu'elle avait dit qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur la demande d'autorisation de licenciement de Mme B.... La ministre du travail a ensuite autorisé le licenciement de Mme B... par décision du 4 juillet 2019. Par un jugement du 10 mai 2021, le tribunal administratif de La Réunion, sur la demande de Mme B..., a annulé cette décision. La société " centre d'hémodialyse - MG Durieux " se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 8 novembre 2021 par laquelle le président de la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes. ". L'article R. 222-1 du même code dispose que : " Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours, ainsi que les autres magistrats ayant le grade de président désignés à cet effet par le président de la cour peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme B... a produit le 4 novembre 2021 un mémoire en défense dans le cadre de l'instance introduite par la société " centre d'hémodialyse - MG Durieux " le 26 juillet 2021 devant la cour administrative d'appel de Bordeaux aux fins qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 10 mai 2021 du tribunal administratif de La Réunion. Par lettre du 4 novembre 2021, le greffe de cette cour a communiqué le mémoire en défense de Mme B... à la société " centre d'hémodialyse - MG Durieux ", qui l'a reçu le 9 novembre 2021, en lui impartissant un délai de quinze jours pour présenter ses observations. Par suite, en statuant sur la demande de sursis à exécution présentée par la société " centre d'hémodialyse - MG Durieux " par une ordonnance du 8 novembre 2021, le président de la sixième chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux, a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure et a entaché sa décision d'irrégularité. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, cette ordonnance doit être annulée.
4. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par la société " centre d'hémodialyse - MG Durieux " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise sur ce fondement à la charge de l'Etat qui n'est pas partie à la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 8 novembre 2021 du président de la sixième chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la société " centre d'hémodialyse - MG Durieux " est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société " centre d'hémodialyse - MG Durieux " et à Mme A... B....
Copie en sera adressée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 juillet 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Carine Soulay, conseillère d'Etat et M. Pierre Vaiss, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 10 octobre 2022.
La présidente :
Signé : Mme Maud Vialettes
Le rapporteur :
Signé : M. Pierre Vaiss
La secrétaire :
Signé : Mme Romy Raquil