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10/10/2022 | FRANCE | N°457303

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 10 octobre 2022, 457303


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le numéro 457303, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 7 octobre 2021 et le 20 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1251 du 29 septembre 2021 fixant la date d'entrée en vigueur de certaines dispositions du régime d'assurance chômage ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice admi

nistrative.

2° Sous le numéro 457309, par une requête, enregistrée le 7 octobre 202...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le numéro 457303, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 7 octobre 2021 et le 20 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1251 du 29 septembre 2021 fixant la date d'entrée en vigueur de certaines dispositions du régime d'assurance chômage ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le numéro 457309, par une requête, enregistrée le 7 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale du travail (CGT), l'Union syndicale Solidaires et la Fédération syndicale unitaire (FSU) demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1251 du 29 septembre 2021 fixant la date d'entrée en vigueur de certaines dispositions du régime d'assurance chômage ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le numéro 457336, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 octobre 2021 et 24 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1251 du 29 septembre 2021 fixant la date d'entrée en vigueur de certaines dispositions du régime d'assurance chômage ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

4° Sous le numéro 457341, par une requête, enregistrée le 8 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des guides interprètes et conférenciers (FNGIC), le Syndicat professionnel des guides interprètes conférenciers (SPGIC), l'Association nationale des guides-conférenciers des villes et pays d'art et d'histoire (ANCOVART) et le Syndicat national des guides conférenciers (SNGC) demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1251 du 29 septembre 2021 fixant la date d'entrée en vigueur de certaines dispositions du régime d'assurance chômage ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

5° Sous le numéro 457344, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 8 octobre 2021 et le 31 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération française démocratique du travail et la Confédération française des travailleurs chrétiens demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1251 du 29 septembre 2021 fixant la date d'entrée en vigueur de certaines dispositions du régime d'assurance chômage ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 ;

- le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 ;

- le décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 ;

- le décret n° 2021-843 du 29 juin 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'Union nationale des syndicats autonomes, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la Confédération générale du travail, de l'Union syndicale Solidaires, de la Fédération syndicale unitaire, de la Fédération nationale des guides interprètes et conférenciers, du Syndicat professionnel des guides interprètes conférenciers, de l'Association nationale des guides-conférenciers des villes et pays d'art et d'histoire et du Syndicat national des guides conférenciers, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la Confédération française démocratique du travail et de la Confédération française des travailleurs chrétiens ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers qu'à la suite de l'échec des négociations entre organisations représentatives de salariés et d'employeurs, engagées sur le fondement des articles 57 de la loi du 5 septembre 2018 relative à la liberté de choisir son avenir professionnel et L. 5422-20 du code du travail, en vue de conclure un accord déterminant les mesures d'application des dispositions de ce code relatives à l'assurance chômage, le Premier ministre a pris le décret du 26 juillet 2019 relatif au régime d'assurance chômage, sur le fondement du dernier alinéa de l'article L. 5422-20 du code du travail qui prévoit qu'en l'absence d'accord, ces mesures d'application sont déterminées par décret en Conseil d'État. Ce décret, d'une part, abroge les arrêtés portant agrément de la convention du 14 avril 2017 relative à l'assurance chômage, de ses textes associés et de ses avenants et, d'autre part, fixe, dans ses annexes, les mesures d'application du régime d'assurance chômage. Par une décision du 25 novembre 2020, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a notamment annulé les dispositions de l'article 13 du règlement d'assurance chômage annexé à ce décret relatives au salaire journalier de référence, au motif que ses modalités de calcul portaient atteinte au principe d'égalité, ainsi que les dispositions qui en étaient indivisibles.

2. À la suite de cette annulation, le Premier ministre a pris le décret du 30 mars 2021 insérant dans le décret du 26 juillet 2019 de nouvelles dispositions relatives notamment au calcul du salaire journalier de référence. Le 22 juin 2021, le juge des référés du Conseil d'État a suspendu l'exécution de la date d'entrée en vigueur, fixée au 1er juillet 2021 par le décret du 30 mars 2021, des dispositions de ce décret relatives à la détermination du salaire journalier de référence. Par un décret du 29 juin 2021, le Premier ministre a abrogé les dispositions du décret du 30 mars 2021 relatives à cette date d'entrée en vigueur, prévu qu'une nouvelle date d'entrée en vigueur serait fixée par un décret en Conseil d'Etat et que les dispositions relatives au salaire journalier de référence de la convention du 14 avril 2017 relative à l'assurance chômage seraient maintenues jusqu'au 30 septembre 2021. Enfin, par un décret du 29 septembre 2021, le Premier ministre a rendu applicable les dispositions du décret du 26 juillet 2019 relatives aux modalités de calcul du salaire journalier de référence, telles que modifiées par le décret du 30 mars 2021, aux travailleurs privées d'emploi dont la fin de contrat de travail intervient à compter du 1er octobre 2021, à l'exception de ceux d'entre eux ayant fait l'objet d'une procédure de licenciement engagée avant cette date. Les cinq requêtes visées ci-dessus tendent à l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret du 29 septembre 2021. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur la légalité externe du décret attaqué :

3. En premier lieu, en vertu de l'article L. 5422-20 du code du travail, les mesures d'application des dispositions de ce code relatives au régime d'assurance chômage font l'objet d'accords conclus entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés et agréés dans les conditions définies aux articles L. 5422-20-1 à L. 5422-24 du code, le dernier alinéa de l'article L. 5422-20 prévoyant qu'" en l'absence d'accord ou d'agrément de celui-ci, les mesures d'application sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ". L'article L. 5422-20-1, inséré dans ce code par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dispose que, préalablement à la négociation de ces accords et après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, le Premier ministre transmet à ces organisations un document de cadrage qui " précise les objectifs de la négociation en ce qui concerne la trajectoire financière, le délai dans lequel cette négociation doit aboutir et, le cas échéant, les objectifs d'évolution des règles du régime d'assurance chômage. / Il détaille les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles se fonde la trajectoire financière, ainsi que le montant prévisionnel, pour les trois exercices à venir, du produit des impositions de toute nature mentionnées au 5° de l'article L. 5422-9 [c'est-à-dire celles qui sont affectées en tout ou partie à l'organisme chargé de la gestion du régime d'assurance chômage, notamment pour le financement de l'allocation des travailleurs indépendants], sans préjudice des dispositions des prochaines lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale (...) ". En vertu du second alinéa de l'article L. 5422-22 du même code, l'agrément de l'accord est subordonné, d'une part, à sa conformité aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur et, d'autre part, à sa compatibilité avec la trajectoire financière et, le cas échéant, les objectifs d'évolution des règles du régime d'assurance chômage définis dans le document de cadrage. L'article L. 5422-25 du code, dans sa rédaction résultant de la loi du 5 septembre 2018, prévoit que, dans certaines hypothèses, le Premier ministre peut demander aux partenaires sociaux de prendre les mesures nécessaires pour corriger un écart significatif entre la trajectoire financière du régime d'assurance chômage et la trajectoire prévue, ou celle que décide le législateur, en modifiant l'accord précédemment agréé et qu'à défaut, le Premier ministre peut mettre fin à l'agrément de l'accord dont il avait demandé la modification et mettre en œuvre le dernier alinéa de l'article L. 5422-20 de ce code pour déterminer ces mesures par décret en Conseil d'Etat.

4. Il résulte de ces dispositions que les organisations représentatives d'employeurs et de salariés sont en principe compétentes pour déterminer, par voie d'accord, les mesures d'application des dispositions du code du travail relatives au régime d'assurance chômage et que le Premier ministre ne peut se substituer aux partenaires sociaux qu'en cas d'échec de la négociation ou d'impossibilité, pour l'un des motifs prévus à l'article L. 5422-22 de ce code, d'agréer leur accord. Par suite, les mesures qu'il adopte doivent rester compatibles avec les objectifs impartis aux partenaires sociaux pour cette négociation en ce qui concerne la trajectoire financière et, le cas échéant, les objectifs d'évolution des règles du régime d'assurance chômage, définis dans le document de cadrage mentionné à l'article L. 5422-20-1 du même code. Il ne peut adopter ou modifier de telles mesures, pendant la période que l'accord devait couvrir, si les objectifs et la trajectoire financière ainsi fixés par le document de cadrage pour la négociation ne s'appliquent plus ou ne sont plus susceptibles d'être mis en œuvre.

5. En l'espèce, les objectifs impartis par le document de cadrage communiqué le 25 septembre 2018 aux partenaires sociaux en ce qui concerne l'évolution des règles du régime d'assurance chômage et la trajectoire financière, qui avaient été définis par ce document pour être appliqués pendant une période de trois ans, avaient commencé à être mis en œuvre par le décret du 26 juillet 2019, aux illégalités duquel le décret du 30 mars 2021 a entendu remédier, à la suite de son annulation partielle, pour sa période d'application restant à courir. En application de l'article 57 de la loi du 5 septembre 2018, ces objectifs incluaient notamment, en ce qui concerne l'évolution des règles de l'assurance chômage, la modification de la formule de calcul du salaire journalier de référence et des règles de cumul de l'allocation d'aide au retour à l'emploi avec les revenus issus de la reprise d'une activité réduite, et la trajectoire financière consistait à réaliser entre 1 et 1,3 milliard d'euros d'économies en moyenne annuelle pendant une période de trois ans. Il ne ressort pas des pièces des dossiers que ces objectifs n'étaient plus susceptibles d'être mis en œuvre à la date du décret contesté, lequel se borne à déterminer la date d'entrée en vigueur des nouvelles modalités de calcul du salaire journalier de référence, sans les modifier. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que, faute que les partenaires sociaux aient été préalablement saisis d'un document de cadrage mis à jour pour tenir compte des conséquences sur l'activité économique de la crise sanitaire ou appelés à négocier sur le fondement d'un nouveau document de cadrage, le décret serait entaché d'incompétence ou aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière.

6. En deuxième lieu, il ressort de la copie de la minute de la section sociale du Conseil d'Etat, versée aux dossiers par la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, que le texte publié ne comporte pas de dispositions qui différeraient à la fois du projet initial du Gouvernement et du texte adopté par le Conseil d'État. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des règles qui gouvernent l'examen par le Conseil d'Etat des projets de décret ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle est chargée, en application du 2° de l'article L. 2271-1 du code du travail, " d'émettre un avis sur les projets de (...) décret relatifs aux règles générales portant sur les relations individuelles et collectives du travail (...) ainsi que dans le domaine de la politique de l'emploi, de l'orientation et de la formation professionnelle initiale et continue " et, en application du 10° de cet article, " d'émettre un avis sur : / (...) b) l'agrément des accords d'assurance chômage mentionnés à l'article L. 5422-20 ". S'il résulte de ces dispositions que cette commission devait être consultée, comme elle l'a été, préalablement à l'adoption du décret en litige, ni ces dispositions ni aucune autre n'imposaient qu'elle rende son avis au vu d'une étude d'impact. Il ne ressort pas des pièces des dossiers que la circonstance qu'elle n'aurait été saisie que du projet de décret, sans qu'il soit accompagné de tels éléments, aurait fait obstacle à ce qu'elle soit mise à même d'émettre son avis en toute connaissance de cause, étant au demeurant précisé qu'il ressort en l'espèce des pièces des dossiers que le Gouvernement a accompagné le projet de décret soumis à la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle d'une note explicitant les raisons du choix de la date retenue. Par suite, cette circonstance n'entache pas d'irrégularité l'avis qu'elle a émis le 21 septembre 2021.

Sur la légalité interne du décret attaqué :

8. En premier lieu, en application de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais. " Aux termes de l'article L. 521-1 du même code : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. " En vertu de l'article L. 521-4 du même code : " Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin. "

9. Si, eu égard à leur caractère provisoire, les décisions du juge des référés n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée, elles sont néanmoins, conformément au principe rappelé à l'article L. 11 du code de justice administrative, exécutoires et, en vertu de l'autorité qui s'attache aux décisions de justice, obligatoires. Il en résulte notamment que, lorsque le juge des référés a prononcé la suspension d'une décision administrative et qu'il n'a pas été mis fin à cette suspension - soit par l'aboutissement d'une voie de recours, soit dans les conditions prévues à l'article L. 521-4 du code de justice administrative, soit par l'intervention d'une décision au fond -, l'administration ne saurait légalement reprendre une même décision sans qu'il ait été remédié au vice que le juge des référés avait pris en considération pour prononcer la suspension.

10. D'une part, il en résulte que les requérants ne peuvent utilement soutenir que le décret contesté ne respecterait pas l'autorité de la chose jugée par l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 22 juin 2021, cette ordonnance ne revêtant pas une telle autorité. D'autre part, cette ordonnance a suspendu l'exécution des dispositions du règlement d'assurance chômage relatives au salaire journalier de référence figurant à l'annexe A du décret du 26 juillet 2019, dans leur rédaction résultant du décret du 30 mars 2021, ainsi que celles de l'article 1er du décret du 30 mars 2021 en tant seulement qu'il fixe dès le 1er juillet 2021 l'entrée en vigueur de ces dispositions. Le décret contesté fixe au 1er octobre 2021 l'entrée en vigueur de ces dispositions. Par suite, les requérants ne sont fondés à soutenir ni qu'il reprendrait la même décision que celle suspendue par le juge des référés et, à ce titre, serait entaché d'un détournement de pouvoir ou de procédure, ni qu'il méconnaîtrait, pour ce motif, l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En deuxième lieu, il ressort des pièces des dossiers, notamment des estimations publiées par l'UNEDIC en avril 2021, dans le document intitulé " Réforme de l'assurance chômage. Effets au 1er juillet 2021 du décret du 30 mars 2021 portant diverses mesures relatives au régime d'assurance chômage ", que la réforme du calcul du salaire journalier de référence est susceptible de conduire à des économies pour l'assurance chômage de l'ordre de 940 millions d'euros en 2022, le montant total des économies produites la même année par la réforme étant estimé entre 1,19 et 1,93 milliard d'euros. Il ressort par ailleurs du document de l'UNEDIC intitulé " Analyse du projet de décret relatif à la réforme d'assurance chômage du 1er octobre 2021 " que l'étude réalisée en avril 2021 demeurait valable et que " l'amélioration conjoncturelle constatée ces derniers mois, un peu plus rapide qu'anticipée au printemps, ne modifie pas les ordres de grandeur de l'étude d'impact en matière d'économies générées ou de personnes concernées ". Dans ces conditions, le pouvoir réglementaire ne peut être regardé comme ayant, en fixant la date d'entrée en vigueur des nouvelles modalités de calcul du salaire journalier de référence au 1er octobre 2021, adopté des dispositions incompatibles avec la trajectoire financière et les objectifs d'évolution des règles du régime d'assurance chômage qui avaient été fixés par le document de cadrage communiqué le 25 septembre 2018, lesquels, contrairement à ce qui est soutenu, ne portaient pas uniquement sur l'alternance de périodes de chômage avec des contrats très courts.

12. En troisième lieu, il ressort des pièces des dossiers que le marché du travail a connu une amélioration conjoncturelle au premier semestre 2021, caractérisée par une forte augmentation des déclarations d'embauche à compter de la fin du mois d'avril 2021, par un plus faible nombre de défaillances d'entreprises et par une progression de l'emploi salarié, les déclarations préalables à l'embauche en contrat à durée déterminée de plus d'un mois et en contrat à durée indéterminée étant à un niveau supérieur à leur niveau d'avant la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19. Par ailleurs, le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A a connu une baisse au second semestre 2020 et au premier semestre 2021, même s'il demeurait à un niveau supérieur à celui de l'année 2019. Enfin, à la date du décret attaqué, la reprise de l'activité des entreprises se confirmait, y compris dans les secteurs les plus touchés par la crise sanitaire, et les difficultés liées au manque de personnel s'intensifiaient dans plusieurs secteurs. Dans ces conditions, et alors même que les modalités de mise en œuvre de la réforme diffèrent entre les salariés et les employeurs, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le choix du 1er octobre 2021 comme date d'entrée en vigueur des nouvelles modalités de calcul du salaire journalier de référence serait, eu égard à la teneur de ces règles, entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

13. En dernier lieu, ainsi qu'il a été dit, le décret attaqué a pour seul objet de modifier le décret du 26 juillet 2019 pour fixer la date d'entrée en vigueur des dispositions de ce dernier, qu'il laisse inchangées, relatives au salaire journalier de référence. Par suite, les autres moyens des requêtes, qui se rapportent, non au choix de la date ainsi fixée, mais à la teneur même de ces dispositions laissées inchangées par le décret attaqué, sont inopérants.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret qu'elles attaquent.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de l'Union nationale des syndicats autonomes, de la Confédération générale du travail et autres, de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres, de la Fédération nationale des guides interprètes et conférenciers et autres, et de la Confédération française démocratique du travail et autre sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union nationale des syndicats autonomes, à la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres, à la Confédération générale du travail, représentant unique désigné pour l'ensemble des requérants sous le numéro 457309, à la Fédération nationale des guides interprètes et conférenciers, représentant unique désigné pour l'ensemble des requérants sous le numéro 457341, à la Confédération française démocratique du travail, première dénommée, pour l'ensemble des requérants sous le numéro 457344, à la Première ministre et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré à l'issue de la séance du 26 septembre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire et M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 10 octobre 2022.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Eric Buge

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 457303
Date de la décision : 10/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 oct. 2022, n° 457303
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Eric Buge
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:457303.20221010
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