La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/10/2022 | FRANCE | N°454256

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 07 octobre 2022, 454256


Vu la procédure suivante :

D'une part, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 septembre 2017 de l'inspectrice du travail autorisant son licenciement et la décision implicite de la ministre du travail du 16 février 2018 rejetant son recours hiérarchique. D'autre part, la société Wipelec a demandé au même tribunal d'annuler la décision du 25 avril 2018 par laquelle la ministre du travail, après avoir retiré sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique de Mme B..., a annulé la décision du 28 s

eptembre 2017 et a refusé d'autoriser le licenciement de Mme B.... Par ...

Vu la procédure suivante :

D'une part, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 septembre 2017 de l'inspectrice du travail autorisant son licenciement et la décision implicite de la ministre du travail du 16 février 2018 rejetant son recours hiérarchique. D'autre part, la société Wipelec a demandé au même tribunal d'annuler la décision du 25 avril 2018 par laquelle la ministre du travail, après avoir retiré sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique de Mme B..., a annulé la décision du 28 septembre 2017 et a refusé d'autoriser le licenciement de Mme B.... Par un jugement n°s 1709352, 1803139 et 1805154 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif a, d'une part, constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 28 septembre 2017 de l'inspectrice du travail et de la décision implicite du 16 février 2018 de la ministre du travail et, d'autre part, rejeté la demande de la société Wipelec.

Par un arrêt n° 19PA04092 du 3 mai 2021, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Wipelec contre ce jugement.

Par un pourvoi, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 juillet et 4 octobre 2021 et le 31 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Wipelec demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la société Wipelec et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de Mme B... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 septembre 2022, présentée par la société Wipelec ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Wipelec, spécialisée dans l'usinage de pièces pour appareils électroniques, a sollicité auprès de l'unité département de Seine-et-Marne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Ile-de-France l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire Mme A... B..., salariée de la société, employée en qualité de responsable qualité sécurité et environnement et exerçant, par ailleurs, un mandat de déléguée du personnel. Par une décision du 28 septembre 2017, l'inspectrice du travail a autorisé ce licenciement. La ministre du travail, saisie par un recours hiérarchique formé par Mme B..., a, par une décision du 25 avril 2018, retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur ce recours, annulé la décision de l'inspectrice du travail en date du 28 septembre 2017 et refusé d'autoriser le licenciement de Mme B.... Par un jugement du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Melun, d'une part, a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 28 septembre 2017 de l'inspectrice du travail et la décision implicite de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique et, d'autre part, a rejeté la demande de la société Wipelec tendant à l'annulation de la décision expresse de la ministre du travail du 25 avril 2018. La société Wipelec se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 mai 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement.

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. Lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre chargé du travail doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour autoriser le licenciement de Mme B..., l'inspectrice du travail a estimé, parmi les différents griefs invoqués par la société Wipelec, que le grief tiré de ce que Mme B... avait méconnu son obligation de loyauté, en favorisant, dans l'exercice de ses fonctions, son projet de reprendre l'entreprise à bas coût avec l'aide de l'ancien directeur général caractérisait une faute d'une gravité suffisante pour justifier, à elle seule, son licenciement. Dans sa décision du 25 avril 2018, la ministre du travail a, pour annuler la décision de l'inspectrice du travail puis refuser d'autoriser le licenciement de Mme B..., considéré que ce grief ne pouvait pas être retenu, de même que l'ensemble des autres griefs invoqués par la société.

5. En premier lieu, en relevant que les courriels adressés à l'administration par Mme B... les 27 avril et 27 juin 2017 ne permettaient pas d'établir que l'ancien directeur général de la société Wipelec avait eu pour projet de reprendre cette société, ni que Mme B... aurait fait part de démarches tendant à cette reprise, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui étaient soumis. En en déduisant qu'il ne pouvait être reproché à Mme B... d'avoir à raison de tels agissements manqué à son obligation contractuelle de loyauté, elle n'a pas davantage inexactement qualifié les faits de l'espèce.

6. En deuxième lieu, dès lors qu'elle avait analysé la requête d'appel de la société Wipelec comme ne contestant, par les moyens présentés, que la légalité de la décision par laquelle la ministre du travail avait annulé la décision de l'inspectrice du travail retenant le grief mentionné au point 4, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'argumentation de l'appelante par laquelle elle contestait le bien-fondé des motifs de la décision de la ministre relatifs à d'autres griefs, fondant la décision de refus d'autorisation du licenciement, était inopérante.

7. En dernier lieu, la requérante ne peut utilement contester les motifs par lesquels la cour administrative d'appel a estimé une partie des griefs, autres que celui mentionné au point 4, comme prescrits, dès lors qu'il s'agit d'une motivation surabondante.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Wipelec ne peut qu'être rejeté, y compris en ce qu'il comporte des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Wipelec une somme de 3 000 euros à verser à Mme B... au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Wipelec est rejeté.

Article 2 : La société Wipelec versera une somme de 3 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Wipelec, à Mme A... B... et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 septembre 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Sophie-Justine Lieber, conseillère d'Etat et Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 7 octobre 2022

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :

Signé : Mme Catherine Brouard-Gallet

La secrétaire :

Signé : Mme Romy Raquil


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 454256
Date de la décision : 07/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 oct. 2022, n° 454256
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Brouard-Gallet
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:454256.20221007
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award