Vu la procédure suivante :
La société Josselin Porc Abattage a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer, à titre principal, la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016 à raison des locaux à usage industriel qu'elle exploite sur le territoire de la commune de Josselin (Morbihan) et, à titre subsidiaire, sa réduction. Par un jugement n° 1701330 du 24 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes a prononcé la réduction de l'imposition en litige et rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société.
Par un arrêt n° 19NT03189 du 25 février 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement.
Par un pourvoi, enregistré le 22 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Josselin Porc Abattage ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Josselin Porc Abattage qui avait repris en octobre 2014 l'exploitation d'un fonds de commerce d'abattage de porcs, de découpe et d'expédition de viande de porc dont l'acte d'acquisition n'avait été signé qu'en mai 2015, a demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal, la décharge et, à titre subsidiaire, la réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2016, calculée sur la base de de la valeur locative des biens passibles de taxe foncière dont la société avait disposé au 31 décembre 2014. Par un jugement du 24 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes a réduit le montant de l'imposition en litige à raison de la prise en compte de la valeur locative des biens passibles de taxe foncière dont la société a disposé au 31 décembre 2015 et prononcé la décharge correspondant à cette réduction d'assiette. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande l'annulation de l'arrêt du 25 février 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article 1478 du code général des impôts : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due pour l'année entière par le redevable qui exerce l'activité le 1er janvier. / Toutefois le contribuable qui cesse toute activité dans un établissement n'est pas redevable de la cotisation foncière des entreprises pour les mois restant à courir, sauf en cas de cession de l'activité exercée dans l'établissement ou en cas de transfert d'activité. / (...) / II. - En cas de création d'un établissement autre que ceux mentionnés au III, la cotisation foncière des entreprises n'est pas due pour l'année de la création. / Pour les deux années suivant celle de la création, la base d'imposition est calculée d'après les biens passibles de taxe foncière dont le redevable a disposé au 31 décembre de la première année d'activité. / En cas de création d'établissement, la base du nouvel exploitant est réduite de moitié pour la première année d'imposition. / (...) / IV. - En cas de changement d'exploitant, la base d'imposition est calculée pour les deux années suivant celle du changement, dans les conditions définies au deuxième alinéa du II. / Si le changement d'exploitant prend effet le 1er janvier, le nouvel exploitant est imposé pour l'année du changement sur les bases relatives à l'activité de son prédécesseur (...) ".
3. Il résulte des dispositions des II et IV de l'article 1478 du code général des impôts citées au point 2 qu'en cas de changement d'exploitant, la base d'imposition de la cotisation foncière des entreprises est calculée, pour les deux années suivant celle du changement, d'après les biens passibles de taxe foncière dont le redevable a disposé au 31 décembre de la première année d'activité.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en application d'un jugement du tribunal de commerce de Rennes du 16 octobre 2014, la société Josselin Porc Abattage a été agréée en tant que repreneur de la société Gad qui exploitait, jusqu'à sa mise en liquidation judiciaire, un établissement d'abattage de porcs, de découpe et d'expédition de viande de porc dans un ensemble immobilier industriel appartenant à un tiers, avec entrée en jouissance du fonds de commerce dès le 20 octobre 2014. En vertu d'une convention d'occupation temporaire, mais non précaire, et gratuite signée avec le propriétaire des murs, la société Josselin Porc Abattage a occupé, dès le même jour, les locaux et commencé l'exploitation de ce fonds de commerce, dont l'acte de cession n'a cependant été signé que le 22 mai 2015.
5. En jugeant que la première année d'activité de la société au sens et pour l'application des dispositions du IV de l'article 1478 du code général des impôts était l'année 2015, et non, comme l'avait estimé l'administration fiscale, l'année 2014, et que, par suite, il convenait de prendre en compte, pour déterminer l'assiette de la cotisation foncière des entreprises due au titre de l'année 2016, la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière dont la société avait disposé au 31 décembre 2015, la cour a retenu comme date de changement d'exploitant, la date de cession du fonds de commerce, soit le 22 mai 2015. En statuant ainsi, alors que la société est, en application d'un jugement du tribunal de commerce de Rennes, entrée en jouissance de ce fonds de commerce le 20 octobre 2014 et qu'elle pouvait, dès cette date, occuper les locaux conformément à une convention d'occupation temporaire, mais non précaire, afin de commercer l'exploitation, la cour a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, le ministre est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 25 février 2021 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Josselin Porc Abattage au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société Josselin Porc Abattage.
Délibéré à l'issue de la séance du 19 septembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Thomas Andrieu, M. Nicolas Polge, M. Alexandre Lallet, M. Alain Seban conseillers d'Etat et M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 30 septembre 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Lionel Ferreira
La secrétaire :
Signé : Mme Ismahane Karki