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29/09/2022 | FRANCE | N°464644

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 29 septembre 2022, 464644


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Versailles, sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, de sa décision du 21 février 2022 rejetant le compte de campagne de M. A... C... et Mme B... D..., candidats dans le canton d'Evry-Courcouronnes (Essonne) pour les élections départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021. Par un jugement n° 2201949 du 26 avril 2022, le tribunal administratif a confirmé le bien-fondé du rejet du compte de campagne et dé

claré M. C... et Mme D... inéligibles pour une durée de six mois....

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Versailles, sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, de sa décision du 21 février 2022 rejetant le compte de campagne de M. A... C... et Mme B... D..., candidats dans le canton d'Evry-Courcouronnes (Essonne) pour les élections départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021. Par un jugement n° 2201949 du 26 avril 2022, le tribunal administratif a confirmé le bien-fondé du rejet du compte de campagne et déclaré M. C... et Mme D... inéligibles pour une durée de six mois.

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 juin, 4 juillet et 24 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'articles L. 52-11-1 du code électoral : " Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable font l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'Etat égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne./ Le remboursement forfaitaire n'est pas versé aux candidats qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin, qui ne se sont pas conformés aux prescriptions de l'article L. 52-11, qui n'ont pas déposé leur compte de campagne dans le délai prévu au II de l'article L. 52-12 ou dont le compte de campagne est rejeté pour d'autres motifs ou qui n'ont pas déposé leur déclaration de situation patrimoniale dans le délai légal et pour le scrutin concerné, s'ils sont astreints à cette obligation. / Dans les cas où les irrégularités commises ne conduisent pas au rejet du compte, la décision concernant ce dernier peut réduire le montant du remboursement forfaitaire en fonction du nombre et de la gravité de ces irrégularités. "

2. Aux termes de l'article L. 52-15 du code électoral : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. / (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection / (...) Le remboursement total ou partiel des dépenses retracées dans le compte de campagne, quand la loi le prévoit, n'est possible qu'après l'approbation du compte de campagne par la commission. (...) "

3. Le second alinéa de l'article L. 118-2 du même code dispose que : " Sans préjudice de l'article L. 52-15, lorsqu'il constate que la commission instituée par l'article L. 52-14 n'a pas statué à bon droit, le juge de l'élection fixe le montant du remboursement dû au candidat en application de l'article L. 52-11-1 " et l'article L. 118-3 du même code que : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : / 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ; / 2° Le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales ; / 3° Le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. / L'inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. / En cas de scrutin binominal, l'inéligibilité s'applique aux deux candidats du binôme. (...) "

4. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 21 février 2022, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. A... C... et Mme B... D..., binôme de candidats ayant recueilli 16,81 % des suffrages exprimés aux élections départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 dans le canton d'Evry-Courcouronnes, au motif que le compte du mandataire financier ne mentionne pas la totalité des dépenses de campagne et que 2 704,50 euros, soit 14 % des dépenses du compte et 5,6 % du plafond légal des dépenses, ont été réglés directement par les candidats entre le 29 décembre 2020 et le 30 mai 2021, en méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 52-4 du code électoral. Saisi par cette commission sur le fondement de l'article L. 52-15 du même code, le tribunal administratif de Versailles a, par un jugement du 26 avril 2022, confirmé le bien-fondé du rejet du compte de campagne des intéressés et les a déclarés inéligibles pour une durée de six mois en application des dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral. M. C... relève appel de ce jugement.

Sur l'appel de M. C... :

5. L'article L. 52-4 du code électoral dispose que : " Tout candidat à une élection déclare un mandataire conformément aux articles L. 52-5 et L. 52-6 au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée. Ce mandataire peut être une association de financement électoral, ou une personne physique dénommée " le mandataire financier. (...) / Le mandataire recueille, pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l'élection et jusqu'à la date du dépôt du compte de campagne du candidat, les fonds destinés au financement de la campagne. / Il règle les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit, ou par l'un des membres d'un binôme de candidats ou au profit de ce membre, font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte de dépôt ". Aux termes de l'article L. 52-6 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Le mandataire financier est tenu d'ouvrir un compte de dépôt unique retraçant la totalité de ses opérations financières. L'intitulé du compte précise que le titulaire agit en qualité de mandataire financier du candidat, nommément désigné. / (...) Les comptes du mandataire sont annexés au compte de campagne du candidat qui l'a désigné ou au compte de campagne du candidat tête de liste lorsque le candidat qui l'a désigné figure sur cette liste. / (...) ". L'obligation de recourir à un mandataire pour toute dépense effectuée en vue de la campagne prévue par l'article L. 52-4 du code électoral constitue une formalité substantielle à laquelle il ne peut être dérogé. Si, par dérogation à cette formalité substantielle, le règlement direct de certaines dépenses par le candidat peut être admis, c'est à la condition que le montant de ces dépenses soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond des dépenses fixé pour la commune où a lieu l'élection.

6. Il résulte de l'instruction que des dépenses de campagne d'un montant de 2 704,50 euros ont été réglées directement par les candidats entre le 29 décembre 2020 et le 30 mai 2021, en méconnaissance des règles rappelées au point précédent. Toutefois, d'une part, la somme de 2 315 euros, réglée directement avant la désignation du mandataire financier, alors en outre que le binôme candidat éprouvait de grandes difficultés à ouvrir un compte auprès d'un établissement bancaire, a été régularisée par leur mandataire financier le 15 septembre 2021, la somme apparaissant sur le relevé de compte bancaire et figurant également à l'annexe du comptage de campagne. D'autre part, la somme de 386 euros restant en litige, réglée directement après la désignation du mandataire financier, représente 1,99 % du montant total des dépenses du compte et 0,80 % du plafond légal. Elle correspond à de menues dépenses et ne saurait davantage être regardée comme une irrégularité. Par suite, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n'était pas fondée à rejeter le compte de campagne de M. C... et Mme D... pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a jugé que leur compte de campagne avait été rejeté à bon droit et les a, par suite, déclarés inéligibles.

Sur le remboursement des dépenses électorales dû par l'Etat :

8. Il résulte des dispositions, citées au point 1, de l'article L. 52-11-1 du code électoral que les candidats ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin ont droit à un remboursement forfaitaire de la part de l'Etat égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses, sans que ce remboursement ne puisse excéder le montant des dépenses réglées sur leur apport personnel et retracées dans leur compte de campagne.

9. Il résulte de l'instruction que M. C... et Mme D..., dont le compte de campagne n'a pas été rejeté à bon droit comme il a été dit ci-dessus, ont obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin. Ils ont droit, en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral, à un remboursement forfaitaire égal à 47,5% du plafond légal des dépenses, soit une somme de 22 849 euros, le remboursement ne pouvant toutefois excéder le montant des dépenses réglées sur son apport personnel et retracées dans leur compte de campagne. Les dépenses des intéressés réglées sur leur apport personnel se sont élevées à 19 311 euros. Ainsi, c'est à cette dernière somme que doit être fixé le montant du remboursement forfaitaire auquel ont droit M. C... et Mme D....

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 26 avril 2022 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est rejetée.

Article 3 : Le montant du remboursement dû par l'Etat à M. C... et Mme D... en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral est fixé à 19 311 euros.

Article 4 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... C... et Mme B... D..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 464644
Date de la décision : 29/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 sep. 2022, n° 464644
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Lazar Sury
Rapporteur public ?: M. Arnaud Skzryerbak
Avocat(s) : SCP GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:464644.20220929
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