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28/09/2022 | FRANCE | N°453580

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 28 septembre 2022, 453580


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 septembre 2016 par lequel le préfet des Yvelines lui a ordonné de remettre les armes, éléments d'armes et munitions en sa possession au commissariat de police d'Elancourt, l'a interdit d'acquisition et de détention de toutes catégories d'armes, d'éléments d'armes et de munitions et l'a informé de son inscription au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes. Par un jugement n° 1700345 du 27 décembre 2018, le t

ribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19VE00733 ...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 septembre 2016 par lequel le préfet des Yvelines lui a ordonné de remettre les armes, éléments d'armes et munitions en sa possession au commissariat de police d'Elancourt, l'a interdit d'acquisition et de détention de toutes catégories d'armes, d'éléments d'armes et de munitions et l'a informé de son inscription au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes. Par un jugement n° 1700345 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19VE00733 du 12 avril 2021, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 juin et 9 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Joachim Bendavid, auditeur,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite du décès de son père le 26 juillet 2012, M. A... a été mis en possession de cinq armes de catégorie B dont son père était détenteur. Par un arrêté du 12 septembre 2016, le préfet des Yvelines a ordonné à M. A... de remettre sans délai ces armes au commissariat de police d'Elancourt, a interdit à l'intéressé d'acquérir ou de détenir des armes et a procédé à son inscription au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes. M. A... demande l'annulation de l'arrêt du 12 avril 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'il a formé contre le jugement du 27 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le sens des conclusions du rapporteur public a été communiqué au requérant dans un délai raisonnable.

3. En deuxième lieu, les moyens tirés de l'irrégularité et de l'insuffisance de motivation de l'arrêt attaqué ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

4. En troisième lieu, d'une part, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 312-4 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction applicable au litige : " Quiconque devient propriétaire par voie successorale ou testamentaire d'une arme de catégorie B, sans être autorisé à la détenir, doit s'en défaire dans un délai de trois mois à compter de la mise en possession, dans les conditions prévues à l'article L. 314-2 ". L'article L. 314-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable, prévoit que : " Une arme de catégorie B ne peut être cédée par un particulier à un autre que dans le cas où le cessionnaire est autorisé à la détenir dans les conditions fixées aux articles L. 312-1 à L. 312-4-3. / Dans tous les cas, les transferts d'armes ou de munitions de la catégorie B sont opérés suivant des formes définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 312-51 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction alors applicable : " Toute personne mise en possession d'une arme, d'un élément d'arme ou de munitions de catégorie B, trouvés par elle ou qui lui sont attribués par voie successorale, sans être autorisée à les détenir, doit faire constater sans délai la mise en possession ou l'attribution par le commissaire de police ou le commandant de brigade de gendarmerie du lieu de domicile, qui en délivre récépissé. / Elle doit s'en dessaisir selon les modalités prévues aux articles R. 312-74 et R. 312-75. / Si la personne souhaite conserver l'arme, l'élément d'arme ou les munitions, elle dispose d'un délai de douze mois à partir de la mise en possession pour remplir les conditions nécessaires à l'obtention de l'autorisation prévue au premier alinéa de l'article R. 312-21 ou pour s'en dessaisir selon les modalités prévues aux articles R. 312-74 et R. 312-75. Durant cette période, l'arme est conservée par un commerçant autorisé et inscrite à ce titre au registre spécial ". L'article R. 312-74 prévoit l'application de l'une des modalités suivantes : " 1° Vente à un armurier ou à un particulier dans les conditions fixées aux articles R. 314-16 et R. 314-17 ; / 2° Neutralisation dans un établissement désigné par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur, du ministre de la défense et des ministres chargés de l'industrie et des douanes ; / 3° Destruction par un armurier dans les conditions prévues par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre de la défense ; / 4° Remise à l'Etat aux fins de destruction dans les conditions prévues par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur, du ministre de la défense, du ministre de la justice et du ministre chargé du budget " et l'article R. 312-75 prévoit que : " Le détenteur apporte la preuve qu'il s'est dessaisi de l'arme, des munitions et de leurs éléments selon l'une des modalités mentionnées à l'article R. 312-74, en adressant au préfet du département de son domicile, au plus tard à l'expiration du délai mentionné à l'article R. 31274, le document justificatif de ce dessaisissement. / A défaut, le préfet informe le procureur de la République ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction applicable au litige : " Sans préjudice des dispositions de la sous-section 1, le représentant de l'Etat dans le département peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme des catégories B, C et D de s'en dessaisir. / Le dessaisissement consiste soit à vendre l'arme à une personne qui fabrique ou fait commerce des armes, mentionnée à l'article L. 2332-1 du code de la défense, ou à un tiers remplissant les conditions légales d'acquisition et de détention, soit à la neutraliser, soit à la remettre à l'Etat. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités du dessaisissement. / Sauf urgence, la procédure est contradictoire. Le représentant de l'Etat dans le département fixe le délai au terme duquel le détenteur doit s'être dessaisi de son arme ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 312-12 du même code, dans sa rédaction applicable : " Lorsque l'intéressé ne s'est pas dessaisi de l'arme dans le délai fixé par le représentant de l'Etat dans le département, celui-ci lui ordonne de la remettre, ainsi que ses munitions, aux services de police ou de gendarmerie ".

6. Il résulte de ces dispositions qu'une personne qui se trouve mise en possession d'une arme de catégorie B, y compris par voie successorale, sans être autorisée à la détenir, après avoir fait constater sans délai cette situation par le commissaire de police ou le commandant de brigade de gendarmerie compétent, est tenue, de ce seul fait, de s'en dessaisir par voie de vente, neutralisation, destruction ou remise à l'Etat puis d'en informer le préfet en lui adressant le document justifiant de ce dessaisissement. Si, toutefois, elle souhaite la conserver, elle doit saisir l'autorité administrative, qui vérifie qu'elle remplit les conditions nécessaires à l'obtention d'une autorisation dans un délai de douze mois et, pendant cette période, déposer l'arme chez un commerçant autorisé qui tient un registre à cet effet et la conserve. Faute pour elle de s'en être dessaisie lorsqu'elle ne peut la conserver, le représentant de l'Etat dans le département informe le procureur de la République et ordonne, sur le fondement de l'article L. 312-12 du code de la sécurité intérieure, à la personne intéressée de remettre l'arme de catégorie B, et ses munitions, aux services de police ou de gendarmerie.

7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par l'arrêté litigieux du 12 septembre 2016, le préfet des Yvelines a ordonné à M. A..., qui n'avait pas satisfait à l'obligation de se dessaisir des cinq armes de catégorie B trouvées dans la succession de son père, de remettre sans délai aux services de police les armes ainsi irrégulièrement détenues. Ainsi, le moyen soulevé par M. A... devant les juges du fond, tiré de ce que l'arrêté litigieux, faute d'avoir été pris au terme d'une procédure contradictoire, méconnaîtrait les dispositions, citées ci-dessus, de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure, lesquelles encadrent seulement la procédure de dessaisissement des armes et non de leur remise, était, en tout état de cause, inopérant. Il y a lieu de substituer ce motif de pur droit, qui justifie sur ce point le dispositif de l'arrêt attaqué, à ceux retenus par la cour pour juger la procédure suivie par le préfet des Yvelines régulière.

8. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la cour, en jugeant que le préfet des Yvelines avait légalement pu, par l'arrêté litigieux du 12 septembre 2016, ordonner à M. A... de remettre sans délai les armes en sa possession aux services de police, alors que le préfet ne lui avait pas préalablement ordonné de s'en dessaisir, n'a pas commis d'erreur de droit.

9. En cinquième lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., la circonstance que les armes qu'il lui a été ordonné de remettre aux services de police n'étaient pas conservées à son domicile mais à celui de sa mère ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce qu'il puisse être regardé comme ayant été mis en possession de ces armes au sens des dispositions, citées ci-dessus, de l'article R. 312-51 du code de la sécurité intérieure. En se fondant, pour juger que M. A... avait été mis en possession de ces armes, sur ce que ce dernier, qui y avait librement accès, avait manifesté son intention de ne pas s'en dessaisir mais de régulariser sa situation afin de les conserver, la cour ne s'est, par suite, pas fondée sur des motifs inopérants.

10. Enfin, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le préfet des Yvelines s'est fondé, pour ordonner à M. A... de remettre aux services de police les armes en sa possession, sur la seule circonstance que l'intéressé ne s'en était pas dessaisi et n'avait pas obtenu l'autorisation de les détenir dans le délai qui lui était imparti. Par suite, c'est à bon droit que la cour a écarté comme inopérant le moyen soulevé par M. A..., tiré de ce qu'il ne présente ni un comportement dangereux ni un état psychologique instable et qu'il n'a jamais commis d'infraction pénale. Le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué est entaché d'erreur de droit en ce qu'il exerce, sur l'appréciation par le préfet de sa dangerosité, un contrôle restreint à l'erreur manifeste étant ainsi dirigé contre un motif surabondant, il est, par suite, inopérant.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Son pourvoi doit par suite être rejeté, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 septembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et M. Joachim Bendavid, auditeur-rapporteur.

Rendu le 28 septembre 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Joachim Bendavid

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 453580
Date de la décision : 28/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 sep. 2022, n° 453580
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Joachim Bendavid
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SARL DELVOLVE ET TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:453580.20220928
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