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28/09/2022 | FRANCE | N°451820

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 28 septembre 2022, 451820


Vu la procédure suivante :

La société Innovation, recherche, automatisme, informatique (IRAI) a demandé au tribunal administratif de Nîmes, par deux requêtes distinctes, de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2012 à raison de la remise en cause du crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elle avait déclarées. Par un jugement n° 1701352, 1800276 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 19MA02814 d

u 18 février 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel form...

Vu la procédure suivante :

La société Innovation, recherche, automatisme, informatique (IRAI) a demandé au tribunal administratif de Nîmes, par deux requêtes distinctes, de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2012 à raison de la remise en cause du crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elle avait déclarées. Par un jugement n° 1701352, 1800276 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 19MA02814 du 18 février 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société IRAI contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 avril et 19 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société IRAI demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2013-116 du 5 février 2013 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Pau, auditeur,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Innovation, recherche, automatisme, informatique (IRAI) ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Innovation, recherche, automatisme, informatique (IRAI), qui exerce une activité de développement et commercialisation de logiciels permettant de simuler le fonctionnement de machines, a fait l'objet, du 16 avril 2015 au 6 janvier 2016, d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause le crédit d'impôt recherche déclaré au titre de l'exercice clos en 2012. La société IRAI se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 18 février 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel formé contre le jugement du 23 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de cette rectification.

2. Aux termes de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie. Un décret fixe les conditions d'application du présent article. ". Selon l'article R. 45 B-1 du même livre, dans sa version issue du décret du 5 février 2013 : " I. - La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article 244 quater B du code général des impôts est vérifiée soit par un agent dûment mandaté par le directeur général pour la recherche et l'innovation, soit par un délégué régional à la recherche et à la technologie ou un agent dûment mandaté par ce dernier. (...) II. - Dans le cadre de cette procédure, l'agent chargé du contrôle de la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses déclarées envoie à l'entreprise contrôlée une demande d'éléments justificatifs. L'entreprise répond dans un délai de trente jours, éventuellement prorogé de la même durée à sa demande. L'entreprise joint à sa réponse les documents nécessaires à l'expertise de l'éligibilité des dépenses dont la liste est précisée dans la demande d'éléments justificatifs (...) L'agent chargé du contrôle peut envoyer à l'entreprise contrôlée une demande d'informations complémentaires à laquelle celle-ci doit répondre dans un délai de trente jours. Si les éléments fournis par l'entreprise en réponse à cette demande ne permettent pas de mener l'expertise à bien, l'agent chargé du contrôle peut envoyer à l'entreprise contrôlée une seconde demande d'informations à laquelle celle-ci doit répondre dans un délai de trente jours. Dans ce délai, l'entreprise a la faculté de demander un entretien afin de clarifier les conditions d'éligibilité des dépenses. L'agent chargé du contrôle peut se rendre sur place après l'envoi d'un avis de visite (...) III. - L'avis sur la réalité de l'affectation des dépenses à la recherche est émis par les agents chargés du contrôle au vu de la réponse de l'entreprise à la demande d'éléments justificatifs qui lui a été adressée, des documents mentionnés au II, et, le cas échéant, des réponses aux demandes d'informations complémentaires et des éléments recueillis à l'occasion des échanges avec l'entreprise lors de l'entretien dans les locaux de l'administration ou de la visite sur place. (...) L'avis est notifié à l'entreprise et communiqué à la direction générale des finances publiques. Il est motivé lorsque la réalité de l'affectation à la recherche de dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt est contestée ".

3. Il résulte de ces dispositions que, dans sa version issue du décret du 5 février 2013, l'article R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales a pour objet d'imposer aux agents du ministère chargé de la recherche d'adresser à l'entreprise contrôlée au titre du crédit d'impôt recherche une demande d'éléments justificatifs, de garantir à cette dernière un délai de trente jours pour y répondre, le cas échéant prorogé de la même durée sur demande, de reconnaître à cette entreprise la faculté de s'entretenir avec l'agent chargé du contrôle lorsque, ne pouvant mener à bien son expertise, ce dernier lui a adressé une seconde demande d'informations complémentaires et, enfin, d'imposer la motivation de l'avis rendu par l'agent du ministère chargé de la recherche lorsque la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses contrôlées est contestée. La méconnaissance par l'administration de ces dispositions ne peut demeurer sans conséquence sur le bien-fondé de l'imposition que s'il est établi que, n'ayant privé l'intéressé d'aucune garantie, elle n'a pas pu avoir d'influence sur le redressement.

4. Ces nouvelles modalités de contrôle de la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt recherche sont entrées en vigueur le 15 février 2013 en vertu de l'article 2 du décret du 5 février 2013 et étaient donc applicables à la vérification de comptabilité menée du 16 avril 2015 au 6 janvier 2016, à l'occasion de laquelle l'administration fiscale a sollicité la délégation régionale à la recherche et à la technologie afin que celle-ci procède au contrôle de la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses déclarées par la société IRAI au titre du crédit d'impôt recherche. Or, il ressort de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Marseille s'est fondée, pour écarter le moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire avec l'agent du ministère chargé de la recherche, sur les dispositions de l'article R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales dans leur rédaction antérieure, qui n'imposait pas un tel débat. La cour a ainsi commis une erreur de droit, qui, s'agissant du champ d'application de la loi, doit être relevée d'office. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens du pourvoi, la société IRAI est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de l'instruction que l'agent du ministère chargé de la recherche, tout en soulignant l'ambiguïté et l'insuffisance des explications fournies par la société pour démontrer le caractère novateur des réponses techniques qu'elle soutenait avoir développées, ne lui a adressé ni demande d'éléments justificatifs, ni demandes d'informations complémentaires qui lui auraient permis de mener son expertise à bien. Cette méconnaissance par l'administration des dispositions de l'article R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales telles qu'elles ont été modifiées par le décret susvisé du 5 février 2013, alors que l'expert indiquait lui-même que de plus amples informations auraient pu modifier le sens de ses conclusions, a privé en l'espèce la société IRAI d'une garantie. Celle-ci est dès lors fondée à obtenir la décharge de la cotisation d'impôt supplémentaire à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2012 à raison de la remise en cause du crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elle avait déclarées.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, une somme globale de 6 000 euros à verser à la société IRAI en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre tant de la présente instance de cassation que de l'instance d'appel et de la première instance.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 18 février 2021 et le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 avril 2019 sont annulés.

Article 2 : La société IRAI est déchargée de la cotisation d'impôt supplémentaire à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2012.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 6 000 euros à la société IRAI au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Innovation, recherche, automatisme, informatique (IRAI) et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 451820
Date de la décision : 28/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 sep. 2022, n° 451820
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Pau
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP LE BRET-DESACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:451820.20220928
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