Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 28 mai 2019 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1904357 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 20LY00434 du 30 avril 2020, la présidente-assesseure de la cinquième chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. B... A... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juin et 17 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'intérieur relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Vaullerin, maître des requêtes
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. B... A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant djiboutien né en 1946, est entré régulièrement en France, le 9 août 2013. Le 19 septembre 2016, il a sollicité un titre de séjour, en qualité d'étranger malade, sur le fondement des dispositions du 11° de 1'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, au vu de l'avis émis le 12 avril 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui relevait notamment que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le préfet du Rhône, par des décisions du 28 mai 2019, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... A... a relevé appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces décisions. Par une ordonnance du 30 avril 2020, contre laquelle M. A... se pourvoit en cassation, la présidente-assesseure de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions attaquées : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Selon l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ( ...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) " L'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'intérieur relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. " Enfin, l'article 6 du même arrêté dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) ".
3. En vertu des dispositions citées au point précédent, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue au 11° de l'article L. 313-11, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 cité au point précédent, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
4. Il résulte de ce qui précède qu'en estimant, pour confirmer le jugement du 31 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande d'annulation du requérant de l'arrêté du préfet du Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile, que le secret médical s'oppose à la communication à l'intéressé du rapport médical sur le fondement duquel le collège de médecins émet un avis, alors qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant avait levé le secret médical le concernant en faisant état des pathologies l'affectant, et qu'il avait formulé une demande auprès du juge d'appel tendant à ce que lui soit communiqué ce rapport médical, l'ordonnance attaquée est entachée d'une erreur de droit.
5. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le requérant est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 30 avril 2020 de la présidente-assesseure de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. B... A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'Intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée pour information à l'office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré à l'issue de la séance du 29 juin 2022 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, Mme Carine Chevrier, conseillers d'Etat et Mme Cécile Vaullerin, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 28 juillet 2022.
La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
La rapporteure :
Signé : Mme Cécile Vaullerin
La secrétaire :
Signé : Mme Valérie Peyrisse