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27/07/2022 | FRANCE | N°462338

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 27 juillet 2022, 462338


Vu la procédure suivante :

Mme G... F... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 dans le canton d'Epinay-sous-Sénart (Essonne) en vue de l'élection des conseillers départementaux. Par un jugement n° 2105611 du 15 février 2022, le tribunal administratif a fait droit à cette protestation.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 mars et 23 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... E... et Mme C... H... demanden

t au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la protes...

Vu la procédure suivante :

Mme G... F... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 dans le canton d'Epinay-sous-Sénart (Essonne) en vue de l'élection des conseillers départementaux. Par un jugement n° 2105611 du 15 février 2022, le tribunal administratif a fait droit à cette protestation.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 mars et 23 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... E... et Mme C... H... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la protestation de Mme F... et M. B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. E... et de Mme H... ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 dans le canton d'Epinay-sous-Sénart (Essonne), le binôme constitué par M. E... et Mme H... a obtenu 4 923 voix, soit 50,04 % des suffrages exprimés, contre 4 916 voix, soit 49,96 % des suffrages exprimés, pour le binôme constitué par Mme F... et M. B.... Par un jugement du 15 février 2022, le tribunal administratif de Versailles a, sur la protestation de Mme F... et M. B..., annulé ces opérations électorales au motif que huit des suffrages émis au second tour de scrutin, en nombre supérieur à l'écart de sept voix entre les deux binômes de candidats, devaient être regardés comme irréguliers. M. E... et Mme H... relèvent appel de ce jugement.

2. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral : " Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l'encre en face de son nom sur la liste d'émargement ". Le second alinéa de l'article L. 64 du même code dispose que : " Lorsqu'un électeur se trouve dans l'impossibilité de signer, l'émargement prévu par le troisième alinéa de l'article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : l'électeur ne peut signer lui-même ". Il résulte de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l'encre, d'un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d'impossibilité dûment mentionnée sur la liste d'émargement.

3. Il résulte de l'instruction que, pour les électeurs ayant voté dans le bureau de vote n° 1 sous le n° 883, les électeurs n°s 678 et 272 du bureau de vote n° 2 et l'électeur n° 85 du bureau de vote n° 5, il existe des différences significatives de signatures des listes d'émargement entre les deux tours de nature à créer un doute sur la régularité de l'expression du suffrage. Par suite, ces quatre suffrages doivent être regardés comme irréguliers. En revanche, s'agissant des électeurs ayant voté dans le bureau de vote n° 1 sous les n°s 501 et 615 et des électeurs n°s 666 et 1145 du bureau de vote n° 2, les différences, résultant essentiellement du fait que les intéressés ont signé de leur nom entier à un tour et par leurs initiales à un autre, ne sont pas significatives, alors en outre que ces derniers attestent avoir voté et que leurs signatures sont cohérentes avec celle figurant sur leur carte nationale d'identité, produite à l'appui de l'attestation.

4. Il suit de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé, pour annuler les opérations électorales, sur le motif tiré de ce que devait être regardé comme irréguliers un nombre de suffrages supérieur à l'écart de sept voix existant entre les deux binômes de candidats à l'issue du second tour de scrutin.

5. Il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs soulevés par Mme F... et M. B... à l'appui de leur protestation devant le tribunal administratif de Melun.

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les signatures correspondant aux électeurs ayant voté sous le n° 200 dans le bureau de vote n° 1, sous le n° 288 dans le bureau de vote n° 4, sous les n°s 589, 747 et 918 dans le bureau de vote n° 5 et sous le n° 373 du bureau de vote n° 5 de Boussy Saint-Antoine, ne présentent pas d'irrégularité ou de différences manifestes entre les deux tours de scrutin ou sont conformes, pour le second tour, à la signature présente sur la copie de carte nationale d'identité produite à l'appui de l'attestation par laquelle les électeurs intéressés assurent être l'auteur de leur vote. Les signatures correspondant aux électeurs ayant voté sous les n°s 501, 714 et 815 dans le bureau de vote n° 6, qui sont en réalité des croix, correspondent à un vote par procuration dont le mandataire a signé le registre des procurations plutôt que la liste d'émargement, de sorte que la réalité du vote est établie. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les électeurs n°s 42 et 44 du bureau de vote n° 1 auraient une signature identique.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 30 du code électoral : " Les bulletins doivent être imprimés en une seule couleur sur papier blanc, d'un grammage compris entre au moins 70 et au plus 80 grammes au mètre carré et avoir les formats suivants : / -105 x148 mm au format paysage pour les bulletins comportant de un à quatre noms (...) ". Les protestataires soutiennent que la commission de propagande aurait refusé de procéder à l'envoi, aux électeurs et aux mairies, de leurs bulletins de vote au motif que leur format était inférieur d'un millimètre à celui fixé par l'article R. 30 du code électoral, alors même qu'elle aurait accepté de diffuser d'autres bulletins aux mêmes dimensions, ce qui aurait rompu l'égalité entre les candidats. Dès lors toutefois que les professions de foi ont été adressées aux électeurs et que des bulletins étaient à la disposition des électeurs dans les bureaux de vote, le grief ne peut en tout état de cause qu'être écarté.

8. En troisième lieu, le second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral dispose que : " A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du même code : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. (...) "

9. D'une part, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la fête de la musique annoncée a en définitive été annulée, de sorte qu'en tout état de cause le choix allégué de l'avancer du 21 au 19 juin 2021 n'a pu méconnaître les dispositions citées au point précédent. D'autre part, la distribution, par la commune, comme l'année précédente, de quelques plantes au marché dans le cadre du concours " Balcons et jardins fleuris ", n'a pas méconnu ces mêmes dispositions. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que le lancement par la municipalité, en juin 2021, de la " Bourse initiative jeune " puisse être regardé, en l'espèce, comme constituant une participation au financement de la campagne électorale de son maire dans le cadre de sa candidature aux élections départementales. Enfin, eu égard à son contenu, la diffusion par le magazine municipal d'Epinay-sous-Sénart d'informations relatives aux actions de la commune et de photos du maire ne peut être regardée comme ayant constitué, de la part de M. E..., une campagne de promotion publicitaire en violation de l'article L. 52-1 du code électoral et de nature à influencer la sincérité du scrutin, pas davantage qu'une participation illicite de la commune au financement de sa campagne électorale, en méconnaissance de l'article L. 52-8 du même code.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... et Mme H... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé les opérations électorales qui ont eu lieu dans le canton d'Epinay-sous-Sénart les 20 et 27 juin 2021.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par Mme F... et M. B....

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 15 février 2022 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : L'élection de M. E... et Mme H... est validée.

Article 3 : La protestation de Mme F... et M. B... est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme F... et M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. D... E..., Mme C... H..., Mme G... F..., M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la Commission nationale des comptes de campagne et financements politiques.

Délibéré à l'issue de la séance du 30 juin 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat-rapporteure

Rendu le 27 juillet 2022.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Lazar Sury

La secrétaire :

Signé : Mme Sinem Varis


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 462338
Date de la décision : 27/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2022, n° 462338
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Lazar Sury
Rapporteur public ?: M. Arnaud Skzryerbak
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:462338.20220727
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