Vu la procédure suivante :
Par un mémoire enregistré le 13 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. A... D... demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision du 6 février 2020 de la Chambre nationale de discipline près le Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles 49 et 50 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables, dans leur rédaction antérieure à leur modification par l'article 13 de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l'activité professionnelle indépendante.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Calothy, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. D..., à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de M. C... et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat du Conseil national de l'Ordre des experts-comptables ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes de l'article 49 de l'ordonnance du 19 septembre 1945, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " Il est institué auprès de chaque conseil régional de l'ordre une chambre régionale de discipline. / La chambre régionale de discipline est composée : / 1° D'un président désigné par le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle est situé le conseil régional parmi les magistrats du siège de cette cour ; / 2° De deux membres du conseil régional de l'ordre, élus par ce conseil lors de chaque renouvellement. / Un président et des membres suppléants sont désignés dans les mêmes conditions ".
3. Aux termes de l'article 50 de l'ordonnance du 19 septembre 1945, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " Il est institué auprès du conseil supérieur de l'ordre une chambre nationale de discipline. / La chambre nationale de discipline est composée : / 1° D'un président désigné par le garde des sceaux, ministre de la justice, parmi les présidents de chambre de la cour d'appel de Paris ; /2° D'un conseiller référendaire à la Cour des comptes et d'un fonctionnaire, désignés par le ministre de l'économie et des finances ; / 3° De deux membres du conseil supérieur de l'ordre, élus par ce conseil lors de chaque renouvellement. / La chambre nationale de discipline statue en appel sur les décisions prises par la commission mentionnée à l'article 49 bis. Dans ce cas, un des membres du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables est remplacé par un représentant des associations de gestion et de comptabilité désigné par les fédérations mentionnées au 3° de l'article 49 bis. / Un président et des membres suppléants sont désignés dans les mêmes conditions. "
4. Ces dispositions sont applicables au litige et n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elles méconnaîtraient le principe d'impartialité des juridictions garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 au motif qu'elles ne garantissent pas la séparation entre les fonctions d'accusation, d'instruction et de jugement soulève une question présentant un caractère sérieux. Il y a lieu, dès lors, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionalité soulevée par le requérant.
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des articles 49 et 50 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 est transmise au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. D... jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... D..., à M. B... C..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la Première ministre et au Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables.
Délibéré à l'issue de la séance du 30 juin 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Catherine Calothy, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 27 juillet 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Catherine Calothy
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain