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22/07/2022 | FRANCE | N°452221

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 22 juillet 2022, 452221


Vu les procédures suivantes :

Le président du Conseil national de l'ordre des vétérinaires a porté plainte contre M. I... F..., Mme C... D..., M. G... B... et M. A... E..., vétérinaires, la société B...-E... et la société Lenjou-Demoulin devant la chambre régionale de discipline de Normandie de l'ordre des vétérinaires. Par une décision du 25 janvier 2019, la chambre régionale de discipline a déclaré nulles les poursuites à l'encontre des deux sociétés et infligé la sanction de la suspension temporaire du droit d'exercer la profession de vétérinaire pour une dur

e d'un mois à M. B..., M. E..., Mme D... et M. F....

Par une décision du 5 m...

Vu les procédures suivantes :

Le président du Conseil national de l'ordre des vétérinaires a porté plainte contre M. I... F..., Mme C... D..., M. G... B... et M. A... E..., vétérinaires, la société B...-E... et la société Lenjou-Demoulin devant la chambre régionale de discipline de Normandie de l'ordre des vétérinaires. Par une décision du 25 janvier 2019, la chambre régionale de discipline a déclaré nulles les poursuites à l'encontre des deux sociétés et infligé la sanction de la suspension temporaire du droit d'exercer la profession de vétérinaire pour une durée d'un mois à M. B..., M. E..., Mme D... et M. F....

Par une décision du 5 mars 2021, la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires a, sur appel du président du Conseil national de l'ordre des vétérinaires, infligé à M. B..., M. E..., Mme D... et M. F... ainsi qu'à la société B...-E... et à la société Lenjou-Demoulin la sanction de la suspension temporaire du droit d'exercer la profession sur l'ensemble du territoire national pour une durée de 18 mois, assortie d'un sursis d'un an, et, à titre complémentaire, a, d'une part, infligé à M. B..., M. E..., Mme D... et M. F... la sanction de l'interdiction de faire partie d'un conseil de l'ordre pendant une durée de dix ans et, d'autre part, leur a enjoint de suivre la formation préalable à l'obtention de l'habilitation sanitaire prévue à l'arrêté ministériel du 25 novembre 2013.

1° Sous le n° 452221, par un pourvoi, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 4 mai et 28 juillet 2021 et le 4 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Bozet-Michaux, M. B... et M. E... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision en tant qu'elle les concerne ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des vétérinaires la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 452302, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 mai et 6 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D..., M. F... et la société D...-F... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision en tant qu'elle les concerne ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des vétérinaires la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société B... E..., de M. B... et de M. E..., au cabinet Rousseau, Tapie, avocat du Conseil national de l'ordre des vétérinaires et à la SCP Foussard, Froger, avocat de Mme D..., de M. F... et de la société de vétérinaires Lenjou-Demoulin ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois n° 452221 et n° 452302 visés ci-dessus sont dirigés contre la même décision de la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une plainte du président du Conseil national de l'ordre des vétérinaires contre M. H..., Mme D..., M. B... et M. A... E..., vétérinaires, la société B...-E... et la société D...-F..., la chambre régionale de discipline de Normandie de l'ordre des vétérinaires a, par une décision du 25 janvier 2019, déclaré nulles les poursuites à l'encontre des deux sociétés précitées et infligé la sanction de la suspension temporaire du droit d'exercer la profession de vétérinaire pour une durée d'un mois aux quatre vétérinaires précités. La chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires, par une décision du 5 mars 2021 a, sur appel du président du Conseil national de l'ordre des vétérinaires, aggravé la sanction prononcée en première instance et prononcé à l'encontre de M. B..., M. E..., Mme D... et M. F... ainsi qu'à l'encontre de la société Bozet-Michaux et de la société Lenjou-Demoulin, la sanction de la suspension temporaire du droit d'exercer la profession sur l'ensemble du territoire national pour une durée de 18 mois, assortie d'un sursis d'un an, et, à titre complémentaire, a infligé aux vétérinaires mis en cause la sanction de l'interdiction de faire partie d'un conseil de l'ordre pendant une durée de dix ans, leur enjoignant également de suivre la formation préalable à l'obtention de l'habilitation sanitaire prévue à l'arrêté ministériel du 25 novembre 2013.

3. Aux termes de l'article R. 242-95 du code rural et de la pêche maritime dans sa version applicable au présent litige : " I. - Le rapporteur conduit l'instruction, dans le respect des principes de contradiction et d'impartialité. / II. - Il engage sans délai une procédure de conciliation, sauf s'il dispose d'un procès-verbal constatant l'impossibilité de celle-ci, ou si le plaignant est un président de conseil de l'ordre, le préfet ou le procureur de la République. (...) ". En vertu du III du même article, le rapporteur, qui a qualité pour entendre les parties, recueillir tous témoignages et procéder à toutes constatations utiles à la manifestation de la vérité, rend un rapport qui " mentionne les diligences accomplies, les déclarations des parties, établit un exposé objectif des faits, et souligne les divergences entre les parties ". Aux termes du dernier alinéa du IV de ce même article : " Le rapporteur remet son rapport sur support papier et support dématérialisé au secrétaire général en charge du greffe de la chambre régionale de discipline qui le transmet au président de la chambre régionale de discipline et au président du conseil régional de l'ordre ".

4. Aux termes de l'article R. 242-112 du même code dans sa version applicable au présent litige : " Dès que l'appel est interjeté, le président de la chambre nationale de discipline désigne un rapporteur choisi au sein du conseil national. Le rapporteur exécute sa mission conformément aux règles fixées aux I, III et IV de l'article R. 242-95. Lorsqu'il a terminé son instruction, il transmet le dossier accompagné de son rapport écrit au secrétaire général en charge du greffe de la chambre nationale de discipline, qui l'adresse au président de la chambre nationale de discipline et au président du conseil national de l'ordre des

vétérinaires ". Aux termes de l'article R. 242-113 du même code dans sa version applicable au présent litige : " Il est fait application devant la chambre nationale de discipline des règles de procédure définies à l'article R. 242-96, aux deux premiers alinéas de l'article R. 242-97, à l'article R. 242-99, aux trois premiers alinéas de l'article R. 242-100 et aux articles R. 242-101 à R. 242-108. Pour l'application de ces dispositions devant cette chambre, le président de la chambre régionale de discipline et le secrétaire général en charge du greffe de la chambre régionale de discipline sont remplacés respectivement par le président de la chambre nationale de discipline et le secrétaire général en charge du greffe de la chambre nationale de discipline. ".

5. Il résulte des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 242-95 du code rural et de la pêche maritime précité, aux termes desquelles " le rapporteur transmet son rapport (...) au secrétaire général en charge du greffe de la chambre régionale de discipline qui le transmet au président de la chambre régionale de discipline et au président du conseil régional de l'ordre ", et de celles de l'article R. 242-99 du même code, dont il résulte que le vétérinaire poursuivi n'a la possibilité de consulter le dossier d'instruction déposé au greffe de la chambre régionale de discipline, qui comprend notamment le rapport du rapporteur, qu'après avoir reçu la convocation prévue par ces dispositions, laquelle est susceptible de ne lui être communiquée, si le plus court délai est retenu, que quinze jours avant l'audience, que le président du conseil régional de l'ordre ou le président du Conseil national de l'ordre, alors qu'il peut avoir introduit l'action disciplinaire et qu'il est appelé à faire connaître à l'audience de la juridiction disciplinaire la sanction qui lui paraît devoir être prononcée à raison des faits reprochés, reçoit le rapport du rapporteur antérieurement à la communication de ce rapport aux autres parties et, en particulier, au vétérinaire poursuivi.

6. Il en va de même des dispositions précitées de l'article R. 242-112 du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce, en ce qu'elles prévoient que " Le rapporteur exécute sa mission conformément aux règles fixées aux I, III et IV de l'article R. 242-95. Lorsqu'il a terminé son instruction, il transmet le dossier accompagné de son rapport écrit au secrétaire général en charge du greffe de la chambre nationale de discipline, qui l'adresse au président de la chambre nationale de discipline et au président du conseil national de l'ordre des vétérinaires ".

7. Il en résulte qu'en jugeant que le seul fait que la personne poursuivie par l'ordre n'ait connaissance du rapport qu'après qu'il ait été transmis au président du conseil régional ou du conseil national de l'ordre ne porte aucune atteinte aux droits de la défense et à l'égalité des armes, la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires a commis une erreur de droit.

8. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, les requérants sont fondés à demander l'annulation de la décision de la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires qu'ils attaquent.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des vétérinaires une somme globale de 1 500 euros, à verser, d'une part, à la société Bozet-E..., à M. Bozet et à M. Michaux, dans l'instance n° 452221 et, d'autre part, à Mme D..., à M. F... et à la société Lenjou-Demoulin, dans l'instance n° 452302, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes

dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge des requérants qui ne sont pas, dans les présentes instances, les parties perdantes.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 5 mars 2021 de la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la chambre nationale de discipline de l'ordre des vétérinaires.

Article 3 : Le Conseil national de l'ordre des vétérinaires versera une somme globale de 1 500 euros, d'une part, à la société Bozet-Michaux, à M. B... et à M. E... et, d'autre part, à Mme D..., à M. F... et à la société Lenjou-Demoulin, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des vétérinaires au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Bozet-Michaux, première requérante dénommée dans l'instance n° 452221, à Mme C... D..., première requérante dénommée dans l'instance n° 452302 et au Conseil national de l'ordre des vétérinaires.

Délibéré à l'issue de la séance du 30 juin 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Françoise Tomé, conseillère d'Etat-rapporteure et Mme Sophie-Justine Lieber, conseillère d'Etat.

Rendu le 22 juillet 2022.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :

Signé : Mme Françoise Tomé

Le secrétaire :

Signé : M. Jean-Marie Baune


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 452221
Date de la décision : 22/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2022, n° 452221
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Françoise Tomé
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:452221.20220722
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