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21/07/2022 | FRANCE | N°459550

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 21 juillet 2022, 459550


Vu la procédure suivante :

Par un jugement du 15 novembre 2021, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a sursis à statuer et saisi le tribunal administratif de Marseille de la question de la légalité de l'article R. 2-2 du code des postes et des communications électroniques, dans sa rédaction issue du décret n° 2006-1020 du 11 août 2006 pris pour l'application des articles L. 7 et L. 8 du code des postes et des communications électroniques et relatif au régime de responsabilité applicable aux prestataires de services postaux, au regard du principe de réparation intégral

e du préjudice

Par une ordonnance n° 2110732 du 15 décembre 2021, ...

Vu la procédure suivante :

Par un jugement du 15 novembre 2021, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a sursis à statuer et saisi le tribunal administratif de Marseille de la question de la légalité de l'article R. 2-2 du code des postes et des communications électroniques, dans sa rédaction issue du décret n° 2006-1020 du 11 août 2006 pris pour l'application des articles L. 7 et L. 8 du code des postes et des communications électroniques et relatif au régime de responsabilité applicable aux prestataires de services postaux, au regard du principe de réparation intégrale du préjudice

Par une ordonnance n° 2110732 du 15 décembre 2021, la présidente du tribunal administratif de Marseille a transmis cette question au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 21 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Loureyl conclut à ce que le Conseil d'Etat déclare illégal l'article R. 2-2 du code des postes et des communications électroniques et mette à la charge de la société La Poste la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des postes et des communications électroniques ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Clément Tonon, auditeur,

- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société Loureyl, et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de La Poste ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement en date du 15 novembre 2021, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a saisi le tribunal administratif de Marseille de la question de la légalité de l'article R. 2-2 du code des postes et des communications électroniques au regard du principe de réparation intégrale du préjudice. En application des dispositions de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la présidente du tribunal administratif de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, la question posée par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence.

2. En premier lieu, en vertu des principes généraux relatifs à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, il n'appartient pas à la juridiction administrative, lorsqu'elle est saisie d'une question préjudicielle en appréciation de validité d'un acte administratif, de trancher d'autres questions que celle qui lui a été renvoyée par l'autorité judiciaire. Il suit de là que, lorsque la juridiction de l'ordre judiciaire a énoncé dans son jugement le ou les moyens invoqués devant elle qui lui paraissent justifier ce renvoi, la juridiction administrative doit limiter son examen à ce ou ces moyens et ne peut connaître d'aucun autre, fût-il d'ordre public, que les parties viendraient à présenter devant elle à l'encontre de cet acte. Ce n'est que dans le cas où, ni dans ses motifs ni dans son dispositif, la juridiction de l'ordre judiciaire n'a limité la portée de la question qu'elle entend soumettre à la juridiction administrative, que cette dernière doit examiner tous les moyens présentés devant elle, sans qu'il y ait lieu alors de rechercher si ces moyens avaient été invoqués dans l'instance judiciaire.

3. Par son jugement du 15 novembre 2021, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a sursis à statuer sur le litige opposant la société Loureyl à la société La Poste jusqu'à ce que la juridiction administrative compétente se soit définitivement prononcée sur la question de la licéité du plafond de garantie fixé par l'article R. 2-2 du code des postes et des communications électroniques au regard du principe général du droit de la réparation intégrale du préjudice. Le tribunal a ainsi défini et limité l'étendue de la question qu'il entendait soumettre à la juridiction administrative. Dès lors, il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître d'autres questions que de celle définie ci-dessus, qui lui a été renvoyée. Il en résulte que la société Loureyl n'est pas recevable à soumettre au juge administratif le moyen tiré de ce que le critère d'indemnisation retenu par l'article R.2-2 serait inadéquat.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 7 du code des postes et des communications électroniques : " La responsabilité des prestataires de services postaux au sens de l'article L. 1 est engagée dans les conditions prévues par les articles 1103, 1104, 1193 et suivants, et 1240 et suivants du code civil à raison des pertes et avaries survenues lors de la prestation. / Toutefois, cette responsabilité tient compte des caractéristiques des envois et des tarifs d'affranchissement selon des modalités fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine des plafonds d'indemnisation. " Aux termes de l'article R. 2-2 du même code : " Les indemnités susceptibles, en application de l'article L. 7, d'être mises à la charge des prestataires de services postaux du fait de la perte ou de l'avarie des colis postaux qui leur ont été confiés ne peuvent excéder 23 euros par kilogramme de poids brut de marchandises manquantes ou avariées ; le poids brut s'entend du poids des marchandises augmenté de celui de leur emballage. "

5. Il résulte des dispositions de l'article L. 7 du code des postes et des communications électroniques citées ci-dessus que, si le législateur a fixé le principe de l'indemnisation des pertes et avaries subies lors d'une prestation de service postal selon les conditions mentionnées par les dispositions citées du code civil, il a expressément prévu que cette indemnisation serait plafonnée, à charge pour le décret en Conseil d'Etat auquel renvoie cet article de déterminer les critères et plafonds d'indemnisation. Par suite, la société Loureyl ne peut utilement invoquer le principe de réparation intégrale du préjudice à l'encontre des dispositions règlementaires en litige, prises pour l'application de l'article L. 7 du code, lequel a dérogé explicitement au principe de la réparation intégrale du préjudice.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Loureyl à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société La Poste au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il est déclaré que l'exception d'illégalité de l'article R. 2-2 du code des postes et des communications électroniques n'est pas fondée.

Article 2 : Les conclusions de la société Loureyl et de la société La Poste tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Loureyl, à la société Miamian Auctions House Corp, à M. B... A..., à la société La Poste, au tribunal de commerce d'Aix-en-Provence et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 459550
Date de la décision : 21/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2022, n° 459550
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Clément Tonon
Rapporteur public ?: M. Philippe Ranquet
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:459550.20220721
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