La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/07/2022 | FRANCE | N°452868

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 21 juillet 2022, 452868


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 8 novembre 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin au statut de réfugié qui lui avait été reconnu.

Par une décision n° 19057404 du 23 mars 2021, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et renvoyé à l'OFPRA l'examen de la situation de M. B....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mai et 2 août 2021 au secréta

riat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Office français de protection des réfugiés et ap...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 8 novembre 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin au statut de réfugié qui lui avait été reconnu.

Par une décision n° 19057404 du 23 mars 2021, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et renvoyé à l'OFPRA l'examen de la situation de M. B....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mai et 2 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 relatifs aux réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme C... de Margerie, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'OFPRA, et à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que M. A... B..., de nationalité kosovare, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 9 novembre 2015. Par une décision du 8 novembre 2019, prise sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 711-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'OFPRA a mis fin au statut de réfugié de M. B..., au motif qu'il s'était volontairement réclamé de la protection du pays dont il a la nationalité. Par une décision du 23 mars 2021, contre laquelle l'Office se pourvoit en cassation, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et renvoyé l'examen de la situation de M. B... à l'OFPRA.

2. Aux termes du 2° du paragraphe A de l'article 1er de la convention de Genève, la qualité de réfugié est notamment reconnue à " toute personne (...) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait (...) de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (...) ". Aux termes du paragraphe C de l'article 1er de la même convention : " Cette convention cessera, dans les cas ci-après d'être applicable à toute personne visée par les dispositions de la section A ci-dessus : / 1° Si elle s'est volontairement réclamée à nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité ; (...) ". En vertu de l'article L. 711-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 511-8, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides met fin, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au statut de réfugié lorsque la personne concernée relève de l'une des clauses de cessation prévues à la section C de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951.

3. Aux termes de l'article L. 724-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 561-1 : " Lorsque l'Office français de protection des réfugiés et apatrides envisage de mettre fin au statut de réfugié en application des articles L. 711-4 ou L. 711-6 ou au bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-3, il en informe par écrit la personne concernée, ainsi que des motifs de l'engagement de cette procédure ". L'article L. 724-2 du même code, devenu l'article L. 561-2, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " La personne concernée est mise à même de présenter par écrit ses observations sur les motifs de nature à faire obstacle à la fin du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire. Si l'office estime toutefois nécessaire de procéder à un entretien personnel, celui-ci se déroule dans les conditions prévues à l'article L. 723-6 ". Il résulte de ces dernières dispositions que si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il envisage de mettre fin au statut de réfugié en application de l'article L. 711-4 du code, doit mettre l'intéressé à même de présenter par écrit ses observations, il n'est pas tenu de le convoquer pour procéder à un entretien personnel.

4. Par ailleurs, aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 733-5, devenus l'article L. 532-2 et le premier alinéa de l'article L. 532-3 du même code : " Saisie d'un recours contre une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, la Cour nationale du droit d'asile statue, en qualité de juge de plein contentieux, sur le droit du requérant à une protection au titre de l'asile au vu des circonstances de fait dont elle a connaissance au moment où elle se prononce. / La cour ne peut annuler une décision du directeur général de l'office et lui renvoyer l'examen de la demande d'asile que lorsqu'elle juge que l'office a pris cette décision sans procéder à un examen individuel de la demande ou en se dispensant, en dehors des cas prévus par la loi, d'un entretien personnel avec le demandeur et qu'elle n'est pas en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection au vu des éléments établis devant elle ".

5. En l'espèce, la Cour nationale du droit d'asile a retenu que l'OFPRA avait omis de prendre en compte les observations écrites que M. B... avait présentées après qu'il avait été informé que l'Office envisageait de mettre fin au statut de réfugié qui lui avait été reconnu et a jugé que, de ce fait, M. B... avait été privé d'une garantie essentielle justifiant l'annulation de la décision de l'OFPRA et le renvoi de l'examen de la situation de l'intéressé devant l'Office.

6. En statuant ainsi, alors qu'il appartenait à la Cour en sa qualité de juge de plein contentieux de se prononcer sur le droit de l'intéressé au maintien de la protection qui lui avait été accordée, au vu des observations écrites produites devant l'OFPRA ainsi que de l'ensemble des éléments recueillis dans le cadre de l'instruction menée devant elle, la Cour a méconnu son office et commis une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'OFPRA est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font alors obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFPRA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 23 mars 2021 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : Les conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. A... B....


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 452868
Date de la décision : 21/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RECOURS DIRIGÉ CONTRE UNE DÉCISION DE RETRAIT DE LA QUALITÉ DE RÉFUGIÉ (ART - L - 711-4 DU CESEDA) – OFFICE DU JUGE DE PLEIN CONTENTIEUX DE LA CNDA – OFPRA AYANT OMIS DE PRENDRE EN COMPTE LES OBSERVATIONS ÉCRITES DE L’INTÉRESSÉ (ART - L - 724-2 DU CESEDA) – MOTIF DE NATURE À JUSTIFIER L'ANNULATION DE SA DÉCISION – ABSENCE [RJ1].

095-04-02-01 Cour nationale du droit d’asile (CNDA) ayant retenu que l’OFPRA avait omis de prendre en compte les observations écrites que l’intéressé avait présentées après qu’il avait été informé que l’Office envisageait, sur le fondement de l’article L. 711-4, devenu l’article L. 511-8, du code de l’entrée et du séjour des étrangers (CESEDA), de mettre fin au statut de réfugié qui lui avait été reconnu et ayant jugé que, de ce fait, l’intéressé avait été privé d’une garantie essentielle justifiant l’annulation de la décision de l’OFPRA et le renvoi de l’examen de la situation de l’intéressé devant l’Office....En statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait en sa qualité de juge de plein contentieux de se prononcer sur le droit de l’intéressé au maintien de la protection qui lui avait été accordée, au vu des observations écrites produites devant l’OFPRA ainsi que de l’ensemble des éléments recueillis dans le cadre de l’instruction menée devant elle, la Cour a méconnu son office et commis une erreur de droit.

- RECOURS DIRIGÉ CONTRE UNE DÉCISION DE RETRAIT DE LA QUALITÉ DE RÉFUGIÉ (ART - L - 711-4 DU CESEDA) – OFFICE DU JUGE – OFPRA AYANT OMIS DE PRENDRE EN COMPTE LES OBSERVATIONS ÉCRITES DE L’INTÉRESSÉ (ART - L - 724-2 DU CESEDA) – MOTIF DE NATURE À JUSTIFIER L'ANNULATION DE SA DÉCISION – ABSENCE [RJ1].

095-08-05-02 Cour nationale du droit d’asile (CNDA) ayant retenu que l’OFPRA avait omis de prendre en compte les observations écrites que l’intéressé avait présentées après qu’il avait été informé que l’Office envisageait, sur le fondement de l’article L. 711-4, devenu l’article L. 511-8, du code de l’entrée et du séjour des étrangers (CESEDA), de mettre fin au statut de réfugié qui lui avait été reconnu et ayant jugé que, de ce fait, l’intéressé avait été privé d’une garantie essentielle justifiant l’annulation de la décision de l’OFPRA et le renvoi de l’examen de la situation de l’intéressé devant l’Office....En statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait en sa qualité de juge de plein contentieux de se prononcer sur le droit de l’intéressé au maintien de la protection qui lui avait été accordée, au vu des observations écrites produites devant l’OFPRA ainsi que de l’ensemble des éléments recueillis dans le cadre de l’instruction menée devant elle, la Cour a méconnu son office et commis une erreur de droit.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - POUVOIRS DU JUGE DE PLEIN CONTENTIEUX - RECOURS DIRIGÉ CONTRE UNE DÉCISION DE RETRAIT DE LA QUALITÉ DE RÉFUGIÉ (ART - L - 711-4 DU CESEDA) – OFFICE DU JUGE DE PLEIN CONTENTIEUX DE LA CNDA – OFPRA AYANT OMIS DE PRENDRE EN COMPTE LES OBSERVATIONS ÉCRITES DE L’INTÉRESSÉ (ART - L - 724-2 DU CESEDA) – MOTIF DE NATURE À JUSTIFIER L'ANNULATION DE SA DÉCISION – ABSENCE [RJ1].

54-07-03 Cour nationale du droit d’asile (CNDA) ayant retenu que l’OFPRA avait omis de prendre en compte les observations écrites que l’intéressé avait présentées après qu’il avait été informé que l’Office envisageait, sur le fondement de l’article L. 711-4, devenu l’article L. 511-8, du code de l’entrée et du séjour des étrangers (CESEDA), de mettre fin au statut de réfugié qui lui avait été reconnu et ayant jugé que, de ce fait, l’intéressé avait été privé d’une garantie essentielle justifiant l’annulation de la décision de l’OFPRA et le renvoi de l’examen de la situation de l’intéressé devant l’Office....En statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait en sa qualité de juge de plein contentieux de se prononcer sur le droit de l’intéressé au maintien de la protection qui lui avait été accordée, au vu des observations écrites produites devant l’OFPRA ainsi que de l’ensemble des éléments recueillis dans le cadre de l’instruction menée devant elle, la Cour a méconnu son office et commis une erreur de droit.


Références :

[RJ1]

Comp., s’agissant de l’absence d’audition du demandeur d’asile, CE, 10 octobre 2013, OFPRA c/ M. Yarici, n°s 362798 362799, p. 254.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2022, n° 452868
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: M. Philippe Ranquet
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:452868.20220721
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award