La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/07/2022 | FRANCE | N°454337

France | France, Conseil d'État, Formation spécialisée, 13 juillet 2022, 454337


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juillet et 7 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision, révélée par la lettre du 11 mars 2021 de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui communiquer les informations susceptibles de le concerner figurant dans le traitement automatisé de données à caractère personnel de la direction gén

rale de la sécurité intérieure (DGSI), dénommé CRISTINA ;

2°) d'enjoindre à ce...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juillet et 7 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision, révélée par la lettre du 11 mars 2021 de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui communiquer les informations susceptibles de le concerner figurant dans le traitement automatisé de données à caractère personnel de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), dénommé CRISTINA ;

2°) d'enjoindre à ce ministre de procéder à l'effacement des données illégalement contenues dans ledit fichier ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de la SCP Zribi et Texier, son avocat, le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, modifiée notamment par la loi n° 2018-693 du 20 juin 2018 et l'ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2018-687 du 1er août 2018 ;

- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, M. B... et la SCP Zribi et Texier, son avocat, et, d'autre part, le ministre de l'intérieur et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;

Et après avoir entendu en séance :

- le rapport de M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat,

- et, hors la présence des parties, les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), publié avec l'arrêté autorisant le traitement. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 6 de la même loi doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé de la Commission, publié avec ce décret. Un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant la mise en œuvre de ces traitements. Le sens de l'avis émis par la CNIL est alors publié avec ce décret.

2. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure prévoit que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en œuvre du droit d'accès aux données à caractère personnel et intéressant la sûreté de l'Etat qui sont contenues dans les traitements mis en œuvre pour le compte de l'Etat dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. En vertu de l'article R. 841-2 du même code, figure notamment au nombre de ces traitements le fichier CRISTINA, relevant du ministère de l'intérieur.

3. L'article L. 773-8 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'elle traite des requêtes mentionnées au point 2 : " la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler, ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. / Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en œuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. / Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision révélée par le courrier de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) en date du 11 mars 2021, le ministre de l'intérieur a refusé de communiquer à M. B... les informations susceptibles de le concerner contenues dans le fichier CRISTINA. M. B... demande devant le Conseil d'Etat l'annulation de cette décision, qu'il soit enjoint à ce ministre de procéder à l'effacement des données illégalement contenues dans ledit fichier et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi.

5. Le ministre de l'intérieur a communiqué au Conseil d'Etat, dans les conditions prévues à l'article R. 773-20 du code de justice administrative, les éléments relatifs à la situation de l'intéressé.

6. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative précité, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du code de justice administrative. Lorsqu'il apparaît, soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux, soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité, soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification.

7. La formation spécialisée a procédé à l'examen des éléments fournis par le ministre. Il résulte de cet examen, qui s'est déroulé selon les modalités décrites au point précédent, qui n'ont révélé aucune illégalité, et notamment aucune violation de la loi du 6 janvier 1978 ou de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et alors que M. B... ne peut utilement de prévaloir de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée, que ses conclusions, y compris ses conclusions à fin d'injonction, ses conclusions indemnitaires et, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Délibéré à l'issue de la séance du 4 juillet 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président de la formation spécialisée, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 13 juillet 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Thomas Andrieu

Le secrétaire :

Signé : M. Valéry Cerandon-Merlot


Synthèse
Formation : Formation spécialisée
Numéro d'arrêt : 454337
Date de la décision : 13/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 jui. 2022, n° 454337
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Andrieu
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:454337.20220713
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award