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12/07/2022 | FRANCE | N°447143

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 12 juillet 2022, 447143


Vu la procédure suivante :

L'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la préfète d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande du 17 août 2017 tendant à ce qu'elle s'oppose à l'exploitation du débit de boissons de quatrième catégorie dénommé " Rose Bonbon ", dont M. A... B... est propriétaire. Par un jugement n° 1703909 du 25 avril 2019, le tribunal administratif a annulé cette décision et enjoint à la préfète d'Indre-et-Loire de

procéder au retrait du récépissé de déclaration délivré à M. B... dans un dél...

Vu la procédure suivante :

L'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la préfète d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande du 17 août 2017 tendant à ce qu'elle s'oppose à l'exploitation du débit de boissons de quatrième catégorie dénommé " Rose Bonbon ", dont M. A... B... est propriétaire. Par un jugement n° 1703909 du 25 avril 2019, le tribunal administratif a annulé cette décision et enjoint à la préfète d'Indre-et-Loire de procéder au retrait du récépissé de déclaration délivré à M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Par un arrêt n° 19NT02392, 19NT02461 du 2 octobre 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté les appels formés par M. B... et par la préfète d'Indre-et-Loire contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 décembre 2020, 25 février et 15 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Joachim Bendavid, auditeur,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado, Gilbert, avocat de M. B... et à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de l'association habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., propriétaire de l'établissement dénommé " Rose Bonbon ", a présenté au maire de Tours, le 16 février 2017, une déclaration préalable de mutation du gérant et translation d'un débit de boissons de quatrième catégorie. Le maire de Tours lui en a donné récépissé le même jour. Par un jugement du 25 avril 2019, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision implicite par laquelle la préfète d'Indre-et-Loire a rejeté la demande du 17 août 2017 de l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours tendant à ce qu'elle s'oppose à l'exploitation de ce débit de boissons et a enjoint à la même préfète de procéder au retrait du récépissé de déclaration dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 2 octobre 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement.

Sur les conclusions à fins de non-lieu à statuer présentées par l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours :

2. La circonstance que M. B... fasse usage, pour l'exploitation du débit de boissons dénommé " Rose Bonbon ", d'une licence de quatrième catégorie différente de celle mentionnée dans la déclaration, présentée au maire de Tours le 16 février 2017, dont il lui a été donné le récépissé litigieux, n'a pas pour effet de priver d'objet son pourvoi. Par suite, les conclusions à fins de non-lieu à statuer présentées par l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours ne peuvent qu'être rejetées.

Sur le mémoire produit par le ministre de l'intérieur :

3. Le mémoire produit par le ministre de l'intérieur a le caractère d'observations en réponse à la communication qui lui a été faite, par la 5ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat, du pourvoi de M. B.... L'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'il constituerait une intervention irrecevable faute pour le ministre de s'être pourvu en cassation contre l'arrêt attaqué.

Sur le pourvoi de M. B... :

4. Aux termes de l'article L. 3332-3 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : " Une personne qui veut ouvrir un café, un cabaret, un débit de boissons à consommer sur place et y vendre de l'alcool est tenue de faire, quinze jours au moins à l'avance et par écrit, une déclaration indiquant : / 1° Ses nom, prénoms, lieu de naissance, profession et domicile ; / 2° La situation du débit ; / 3° A quel titre elle doit gérer le débit et les nom, prénoms, profession et domicile du propriétaire s'il y a lieu ; / 4° La catégorie du débit qu'elle se propose d'ouvrir ; / 5° Le permis d'exploitation attestant de sa participation à la formation visée à l'article L. 3332-1-1. / La déclaration est faite à Paris à la préfecture de police et, dans les autres communes, à la mairie ; il en est donné immédiatement récépissé. / Dans les trois jours de la déclaration, le maire de la commune où elle a été faite en transmet copie intégrale au procureur de la République ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département ". Aux termes de l'article L. 3332-4 du même code : " Une mutation dans la personne du propriétaire ou du gérant d'un café ou débit de boissons vendant de l'alcool à consommer sur place doit faire, quinze jours au moins à l'avance et par écrit, l'objet d'une déclaration identique à celle qui est requise pour l'ouverture d'un débit nouveau. (...) / Cette déclaration est reçue et transmise dans les mêmes conditions. / Une translation d'un lieu à un autre doit être déclarée quinze jours au moins à l'avance, dans les mêmes conditions ". Aux termes de l'article L. 3332-2 du même code : " L'ouverture d'un nouvel établissement de 4e catégorie est interdite en dehors des cas prévus par l'article L. 3334-1 " et, aux termes de l'article L. 3332-7 : " N'est pas considérée comme ouverture d'un nouveau débit la translation sur le territoire d'une commune d'un débit déjà existant : / 1° Si elle est effectuée par le propriétaire du fonds de commerce ou ses ayants droit et si elle n'augmente pas le nombre des débits existant dans ladite commune ; / 2° Si elle n'est pas opérée dans une zone établie par application des articles L. 3335-1, L. 3335-2, L. 3335-8 ". Enfin, l'article L. 1332-15 du même code prévoit, dans sa rédaction applicable, que : " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. / Cette fermeture doit être précédée d'un avertissement qui peut, le cas échéant, s'y substituer, lorsque les faits susceptibles de justifier cette fermeture résultent d'une défaillance exceptionnelle de l'exploitant ou à laquelle il lui est aisé de remédier. / (...) " et l'article L. 3352-2 prévoit que : " L'ouverture d'un débit de boissons à consommer sur place de 3e ou de 4e catégorie, en dehors des conditions prévues par le présent titre, est punie de 3 750 euros d'amende. / La fermeture du débit est prononcée par le jugement ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'intervention du maire, qui, en ce domaine, agit en qualité d'agent de l'Etat, doit se borner à constater l'accomplissement de la formalité de déclaration d'ouverture d'un débit de boissons, de mutation dans la personne de son propriétaire ou de son gérant ou de translation d'un lieu à un autre qui lui est présentée et à en délivrer récépissé, sans examen de la capacité du requérant, de la situation du débit ou de la régularité de l'opération envisagée et à en transmettre copie intégrale au représentant de l'Etat dans le département, ainsi que, en l'état des textes applicables, au procureur de la République. S'il appartient, le cas échéant, d'une part, au procureur de la République, susceptible d'être à tout moment saisi, de rechercher et de poursuivre les infractions qui pourraient être commises, et, d'autre part, au préfet de faire usage après l'ouverture, la mutation ou la translation du débit de boissons, de ses pouvoirs de police administrative lorsque la situation le justifie, il n'appartient en revanche pas au maire ni, par suite, au préfet, de s'opposer à l'opération envisagée avant sa réalisation.

6. Par suite, en jugeant que la préfète d'Indre-et-Loire n'était pas tenue de rejeter la demande de l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours tendant à ce qu'elle s'oppose à l'exploitation du débit de boissons dénommé " Rose Bonbon ", la cour a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours une somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande, à ce titre, l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 2 octobre 2020 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : L'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours versera à M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 27 juin 2022 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et M. Joachim Bendavid, auditeur-rapporteur.

Rendu le 12 juillet 2022.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Joachim Bendavid

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 447143
Date de la décision : 12/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2022, n° 447143
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Joachim Bendavid
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SARL LE PRADO – GILBERT ; SCP DE NERVO, POUPET

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:447143.20220712
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