Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de fautes commises par cette région dans le traitement de ses demandes de réintégration à l'issue de ses deux périodes de disponibilité s'achevant le 1er février 2010 puis le 14 octobre 2012. Par un jugement n° 1600978 du 27 juin 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 18BX03267 du 30 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de Mme B..., annulé ce jugement en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions à fin d'injonction tendant à la régularisation de ses cotisations de retraite et à la reconstitution de sa carrière, rejeté ces conclusions et le surplus de la requête.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 janvier et 29 avril 2021 et le 13 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 2 de cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la région Nouvelle-Aquitaine la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de Mme A... B... et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la région Nouvelle-Aquitaine ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., ingénieure territoriale principale de la région Poitou-Charentes, placée en disponibilité pour convenances personnelles, pour une durée de deux ans et six mois à compter du 1er août 2007, a sollicité sa réintégration à compter du 1er février 2010. Elle a été maintenue d'office en disponibilité jusqu'au 31 août 2010 avant d'être réintégrée, le 1er septembre 2010, sur un poste d'ingénieur architecte programmiste du service " programmation environnement énergies maitrise d'œuvre " de la direction de l'éducation. Elle a de nouveau été placée sur sa demande en disponibilité pour convenances personnelles pour une durée de deux ans à compter du 15 octobre 2010. Ayant sollicité sa réintégration à compter du 15 octobre 2012, Mme B... a été maintenue d'office en disponibilité avant d'être réintégrée, le 14 février 2015, sur un poste de chargée de mission au sein de la mission " évaluation contrôle de la dépense régionale ". Par un jugement du 27 juin 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de Mme B... tendant à la condamnation de la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de fautes commises par la région dans le traitement de ses demandes de réintégration à l'issue de ces deux périodes de disponibilité. Mme B... se pourvoit contre l'article 2 de l'arrêt du 30 novembre 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé ce jugement en tant qu'il a omis de statuer sur ses conclusions à fin d'injonction tendant à la régularisation de ses cotisations de retraite et à la reconstitution de sa carrière, a rejeté ces conclusions et le surplus de la requête.
2. En premier lieu, aux termes, d'une part, de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable en l'espèce, repris aux articles L. 514-6 et L. 514-7 du code général de la fonction publique : " (...) Le fonctionnaire mis en disponibilité, soit d'office à l'expiration des congés institués par les 2°, 3° et 4° de l'article 57 de la présente loi, soit de droit, sur demande, pour raisons familiales, est réintégré à l'expiration de sa période de disponibilité dans les conditions prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article 67 de la présente loi. Dans les autres cas, si la durée de la disponibilité n'a pas excédé trois années, une des trois premières vacances dans la collectivité ou l'établissement d'origine doit être proposée au fonctionnaire ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 26 du décret du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration : " (...) Le fonctionnaire qui a formulé avant l'expiration de la période de mise en disponibilité une demande de réintégration est maintenu en disponibilité jusqu'à ce qu'un poste lui soit proposé dans les conditions prévues à l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 (...) ". Les auteurs du décret du 13 janvier 1986 ont seulement entendu se référer aux conditions dans lesquelles des emplois sont proposés aux agents par leur collectivité ou établissement d'origine ainsi que par le centre national de la fonction publique territoriale ou par le centre de gestion, à l'exclusion des règles relatives au maintien en surnombre et à la prise en charge par le centre national de la fonction publique territoriale ou par le centre de gestion. Aux termes du III de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984, repris aux articles L. 542-13 et L. 542-22 du code général de la fonction publique : " Après trois refus d'offre d'emploi correspondant à son grade, à temps complet ou à temps non complet selon la nature de l'emploi d'origine, transmise par une collectivité ou un établissement au Centre national de la fonction publique territoriale ou au centre de gestion, le fonctionnaire est licencié ou, lorsqu'il peut bénéficier de la jouissance immédiate de ses droits à pension, admis à faire valoir ses droits à la retraite ; cette dernière disposition n'est pas opposable aux mères de famille ayant élevé au moins trois enfants. / L'offre d'emploi doit être ferme et précise, prenant la forme d'une proposition d'embauche comportant les éléments relatifs à la nature de l'emploi et à la rémunération. Le poste proposé doit correspondre aux fonctions précédemment exercées ou à celles définies dans le statut particulier du cadre d'emplois de l'agent ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions, d'une part, que le fonctionnaire territorial ayant bénéficié d'une disponibilité pour convenances personnelles d'une durée de moins de trois ans, a le droit, sous réserve de la vacance d'un emploi correspondant à son grade, d'être réintégré à l'issue de sa disponibilité, et que la collectivité est tenue de lui proposer l'un des trois premiers emplois devenus vacants, d'autre part, que si le fonctionnaire territorial n'a droit à réintégration à l'issue d'une disponibilité pour convenances personnelles d'une durée de moins de trois ans qu'à l'occasion de l'une des trois premières vacances d'emploi, la collectivité doit néanmoins justifier son refus de réintégration sur les deux premières vacances par un motif tiré de l'intérêt du service et, enfin, que les propositions formulées par la collectivité en vue de satisfaire à son obligation de réintégration sur l'une des trois premières vacances d'emploi doivent être fermes et précises quant à la nature de l'emploi et la rémunération et notamment ne pas subordonner le recrutement à la réalisation de conditions soumises à l'appréciation de la collectivité.
5. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a retenu que, parmi les cinq propositions d'emploi faites à Mme B... par courriels des 3 et 8 février 2010 figuraient, d'une part, au moins l'un des trois premiers emplois vacants correspondant à son grade et, d'autre part, une offre ferme et définitive pour le poste de responsable du pôle " analyse et prospective territoriale " auprès de l'institut atlantique d'aménagement du territoire Poitou-Charentes. En se déterminant de la sorte, sans rechercher si, comme l'y invitait l'argumentation de l'appelante, l'une au moins des propositions d'emploi correspondant aux trois premières vacances présentait un caractère ferme et précis, la cour a commis une erreur de droit.
6. En second lieu, pour écarter le moyen de Mme B... qui soutenait que les emplois d'architecte programmiste et de chargé de mission sur lesquels elle a été réintégrée respectivement en 2010 et 2015 ne correspondaient pas aux fonctions susceptibles de lui être confiées, la cour a retenu qu'elle avait accepté ces emplois, sans alléguer y avoir été contrainte. En statuant ainsi, alors que l'acceptation de l'offre par l'agent ne suffit pas à établir que la réintégration était légale, la cour, qui s'est abstenue de rechercher si ces postes correspondaient au grade d'ingénieur territorial principal de Mme B..., a commis une erreur de droit.
7. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que Mme B... est fondée à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt attaqué.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la région Nouvelle-Aquitaine une somme de 3 000 euros à verser à Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 30 novembre 2020 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : La région Nouvelle-Aquitaine versera à Mme B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la région Nouvelle-Aquitaine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à la région Nouvelle-Aquitaine
Délibéré à l'issue de la séance du 20 juin 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Christian Fournier, M. Mathieu Herondart, M. Hervé Cassagnabère, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 7 juillet 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Mathieu Le Coq
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin