Vu la procédure suivante :
M. A... B... a formé devant le tribunal administratif de Nîmes opposition à la contrainte émise par Pôle emploi le 23 janvier 2020 en recouvrement d'une somme de 9 944,71 euros correspondant à un indu d'allocation de solidarité spécifique au titre de la période du 1er juin 2015 au 31 janvier 2018. Par un jugement n° 2000567 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 10 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de Pôle emploi la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure civile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de M. A... B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Pôle emploi a, le 31 janvier 2020, signifié par acte d'huissier de justice à M. B... une contrainte émise le 23 janvier 2020 pour la récupération d'une somme de 9 944,71 euros, correspondant à un indu d'allocation de solidarité spécifique pour la période du 1er juin 2015 au 31 octobre 2018. Par un jugement du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a jugé que l'opposition à cette contrainte, formée le 17 février 2020 au greffe de ce tribunal par M. B..., était tardive et l'a, en conséquence, rejetée.
2. Aux termes de l'article R. 5426-21 du code du travail : " La contrainte est notifiée au débiteur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou lui est signifiée par acte d'huissier de justice (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 5426-22 du même code : " Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la notification ".
3. Sauf texte contraire, les délais de recours devant les juridictions administratives sont, en principe, des délais francs, leur premier jour étant le lendemain du jour de leur déclenchement et leur dernier jour étant le lendemain du jour de leur échéance, et les recours doivent être enregistrés au greffe de la juridiction avant l'expiration du délai. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article R. 5426-22 du code du travail, applicables également aux oppositions formées par un allocataire à l'encontre d'une contrainte émise par Pôle emploi aux fins d'obtenir le remboursement d'une prestation servie au titre du régime d'assurance chômage qu'il estime avoir indûment versée, qui relèvent des juridictions judiciaires, que, ainsi que cela est le cas devant ces juridictions en vertu des articles 642 et 668 du code de procédure civile, l'opposition à contrainte doit seulement être " adressée " à la juridiction compétente, c'est-à-dire expédiée en cas d'envoi postal, avant le terme du délai de quinze jours à compter de la signification de la contrainte, qui n'est pas un délai franc mais est seulement susceptible de prorogation jusqu'au premier jour ouvrable suivant s'il expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé.
4. Il ressort des mentions du jugement attaqué que M. B... s'est vu signifier la contrainte litigieuse à son domicile par acte d'huissier de justice le 31 janvier 2020. Par suite, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le délai de quinze jours prévu à l'article R. 5426-22 du code du travail expirait normalement le samedi 15 février 2020 à minuit de sorte qu'il était, en application de l'article 642 du code de procédure civile, prorogé jusqu'au lundi 17 février 2020 à minuit. Il résulte également de ce qui a été dit ci-dessus qu'en se fondant, pour rejeter comme tardive l'opposition de M. B... à la contrainte décernée le 31 janvier 2020, sur la circonstance qu'elle n'avait été enregistrée au greffe du tribunal que le lundi 17 février 2020, alors, d'une part, que le délai d'opposition n'était en tout état de cause, compte tenu de cette prorogation, pas expiré à cette date et, d'autre part, qu'il lui incombait seulement de rechercher à quelle date le pli contenant l'opposition à contrainte avait été adressé au tribunal, le tribunal administratif de Nîmes a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement du 10 juin 2021 du tribunal administratif de Nîmes.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Pôle emploi une somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 10 juin 2021 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Nîmes.
Article 3 : Pôle emploi versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B....
Copie en sera adressée à Pôle emploi.
Délibéré à l'issue de la séance du 1er juin 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; Mme Carine Soulay, Mme Sophie-Justine Lieber, M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, et M. Damien Botteghi, conseillers d'Etat ; Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 24 juin 2022.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Anne Lazar Sury
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber