La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2022 | FRANCE | N°440778

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 20 juin 2022, 440778


Vu la procédure suivante :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir le rapport d'inspection du 3 décembre 2015, la décision du 18 décembre 2015 par laquelle le proviseur du lycée du Parc a modifié ses enseignements à compter du 4 janvier 2016 et les décisions des 12 février et 18 mars 2016 par lesquelles la rectrice de l'académie de Lyon a rejeté ses recours hiérarchiques, d'autre part, de condamner l'Etat au versement de la somme de 8 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'i

llégalité de ces décisions. Par un jugement n° 1602263 du 21 mars 201...

Vu la procédure suivante :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir le rapport d'inspection du 3 décembre 2015, la décision du 18 décembre 2015 par laquelle le proviseur du lycée du Parc a modifié ses enseignements à compter du 4 janvier 2016 et les décisions des 12 février et 18 mars 2016 par lesquelles la rectrice de l'académie de Lyon a rejeté ses recours hiérarchiques, d'autre part, de condamner l'Etat au versement de la somme de 8 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de ces décisions. Par un jugement n° 1602263 du 21 mars 2018, le tribunal administratif a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 18LY01882 du 30 janvier 2020, la cour administrative d'appel de Lyon, annulant partiellement ce jugement, a annulé la décision du 18 décembre 2015 ainsi que les décisions des 12 février et 18 mars 2016 et rejeté le surplus des conclusions de l'appel de Mme A....

Par un pourvoi, enregistré le 22 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er à 3 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter l'appel de Mme A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le décret n° 50-581 du 25 mai 1950 ;

- le décret n° 68-503 du 30 mai 1968 ;

- l'arrêté du 9 août 2004 portant délégation de pouvoirs du ministre chargé de l'éducation aux recteurs d'académie en matière de gestion des personnels enseignants, d'éducation, d'information et d'orientation de l'enseignement du second degré ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de Mme B... A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., professeure agrégée de sciences industrielles de l'ingénieur, devenue professeure de chaire supérieure le 1er octobre 2015, a été affectée au lycée du Parc à Lyon à compter du 1er septembre 2015 par un arrêté du 10 septembre 2015 de la rectrice de l'académie de Lyon afin d'assurer un service d'enseignement en classe préparatoire. Au vu notamment des conclusions d'un rapport d'inspection relatif aux enseignements dispensés par Mme A..., le proviseur du lycée du Parc a, par une décision du 18 décembre 2015, modifié le service d'enseignement assuré par l'intéressée à compter du 4 janvier 2016, en lui attribuant des enseignements de sa discipline en classe préparatoire de première année de physique et sciences de l'ingénieur (PSI) et en lui retirant certains des enseignements qu'elle assurait en classe de 2PSI " étoile ". Cette décision a eu pour effet de réduire les heures d'enseignement accomplies par Mme A... au-delà de ses obligations statutaires et ainsi sa rémunération effective. Par un jugement du 21 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation du rapport d'inspection, de la décision du 18 décembre 2015 et des décisions des 12 février et 18 mars 2016 par lesquelles la rectrice de l'académie de Lyon a rejeté ses recours hiérarchiques ainsi que ses conclusions indemnitaires tendant à la réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis. Toutefois, par un arrêt du 30 janvier 2020, la cour administrative d'appel de Lyon, annulant partiellement ce jugement, sauf en ce qu'il portait sur le rapport d'inspection précité, a annulé les décisions litigieuses. Le ministre de l'éducation et de la jeunesse se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a partiellement fait droit aux conclusions de l'appel de Mme A....

2. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du décret du 30 mai 1968 portant statut particulier des professeurs de chaires supérieures des établissements classiques, modernes et techniques : " Il est constitué un corps de professeurs de chaires supérieures. Ses membres ont vocation à être affectés, pour y assurer les enseignements prévus, dans les chaires supérieures créées, dans la limite des emplois figurant au budget, dans les classes préparatoires aux grandes écoles des établissements de second degré. / Un arrêté conjoint du ministre chargé de l'éducation nationale, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget fixe la liste des disciplines pour lesquelles peuvent être créées des chaires supérieures ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Les professeurs de chaire supérieure sont nommés par arrêté du ministre de l'éducation parmi les candidats inscrits sur une liste d'aptitude. / Il est établi une liste d'aptitude pour chacune des disciplines auxquelles sont réservées des chaires supérieures. (...) . ". Aux termes de l'article 6 du même décret : " Les professeurs de chaires supérieures sont soumis, en matière d'obligations de service, aux décrets n° 50-581 et n° 50-582 du 25 mai 1950. (...) ". Aux termes de l'arrêté du 24 octobre 1994 du ministre de l'éducation nationale, du ministre du budget, porte-parole du Gouvernement et du ministre de la fonction publique fixant la liste des disciplines pour lesquelles peuvent être créées des chaires supérieures instituées par le décret n° 68-503 du 30 mai 1968 modifié portant statut particulier des professeurs de chaires supérieures des établissements classiques, modernes et techniques : " Des chaires supérieures peuvent être créées pour les disciplines suivantes : arts plastiques, biochimie, biologie, chimie, économie et gestion, français, géographie, géologie, histoire, informatique, langues anciennes, langues vivantes étrangères, mathématiques, musique, philosophie, physique, sciences économiques et sociales, sciences et technologies industrielles ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-10 du code de l'éducation : " En qualité de représentant de l'Etat au sein de l'établissement, le chef d'établissement : / 1° A autorité sur l'ensemble des personnels affectés ou mis à disposition de l'établissement. Il désigne à toutes les fonctions au sein de l'établissement pour lesquelles aucune autre autorité administrative n'a reçu de pouvoir de nomination. Il fixe le service des personnels dans le respect du statut de ces derniers ; (...) ".

4. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 2 et de celles de l'article R. 421-10 du code de l'éducation que le proviseur du lycée du Parc était compétent pour fixer et, le cas échéant, modifier le service d'enseignement assuré dans sa discipline par Mme A... au lycée du Parc à Lyon, dans le respect de son statut de professeure de chaire supérieure. En jugeant qu'en retirant à l'intéressée les enseignements magistraux qu'assurait celle-ci dans la classe 2PSI " étoile " en physique et sciences de l'ingénieur et en lui attribuant, toujours en classe préparatoire, des enseignements en première année de physique et sciences de l'ingénieur, le proviseur avait " modifié la chaire " sur laquelle l'intéressée avait été affectée et ainsi incompétemment modifié son affectation, alors qu'il s'était borné à lui attribuer un nouveau service d'enseignement dans sa discipline, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il a annulé la décision du 18 décembre 2015 du proviseur du lycée du Parc ainsi que, par voie de conséquence, les décisions des 12 février et 18 mars 2016 de la rectrice de l'académie de Lyon.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er à 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 30 janvier 2020 sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à Mme B... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 25 mai 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, Mme Carine Soulay, Mme Fabienne Lambolez, M. Jean-Luc Nevache, conseillers d'Etat ; Mme Françoise Tomé, conseillère d'Etat-rapporteure et M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat.

Rendu le 20 juin 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Françoise Tomé

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Alleil


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 440778
Date de la décision : 20/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

30-02-02-02 ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE. - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ENSEIGNEMENT. - ENSEIGNEMENT DU SECOND DEGRÉ. - PERSONNEL ENSEIGNANT. - PROFESSEUR DE CHAIRE SUPÉRIEURE – DÉCISION DU PROVISEUR DU LYCÉE D’AFFECTATION MODIFIANT SON SERVICE D’ENSEIGNEMENT EN CLASSE PRÉPARATOIRE – 1) DÉCISION MODIFIANT LA CHAIRE D’AFFECTATION – ABSENCE – 2) INCOMPÉTENCE – ABSENCE.

30-02-02-02 Décision d’un proviseur de lycée ayant modifié le service d’enseignement assuré par un professeur agrégé, en lui attribuant des enseignements de sa discipline en classe préparatoire de première année de physique et sciences de l’ingénieur (PSI) et en lui retirant certains des enseignements qu’elle assurait en classe de 2PSI « étoile ». Décision ayant eu pour effet de réduire les heures d’enseignement accomplies par l’intéressé au-delà de ses obligations statutaires et ainsi sa rémunération effective....Il résulte des articles 1er, 2 et 6 du décret n° 68-503 du 30 mai 1968, de l’arrêté du 24 octobre 1994 fixant la liste des disciplines pour lesquelles peuvent être créées des chaires supérieures instituées par le décret n° 68-503 du 30 mai 1968 et de l’article R. 421-10 du code de l’éducation que le proviseur du lycée où est affecté un professeur de chaire supérieure est compétent pour fixer et, le cas échéant, modifier le service d’enseignement assuré dans sa discipline par ce professeur dans le lycée, dans le respect de son statut de professeur de chaire supérieure. En retirant à celui-ci les enseignements magistraux qu’il assurait dans une classe 2PSI « étoile » et en lui attribuant, toujours en classe préparatoire, des enseignements en première année, le proviseur n’a pas 1) « modifié la chaire » sur laquelle l’intéressé avait été affecté et 2) ainsi incompétemment modifié son affectation, mais s’est borné à lui attribuer un nouveau service d’enseignement dans sa discipline.


Publications
Proposition de citation : CE, 20 jui. 2022, n° 440778
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Françoise Tomé
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:440778.20220620
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award