Vu la procédure suivante :
La société Eurocommercial Properties Taverny a demandé à la cour administrative d'appel de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 décembre 2017 par lequel le maire de Saint-Genis-Pouilly (Ain) a délivré à la société IF Allondon un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un ensemble dénommé " A... " de 39 000 m² de surfaces de vente et d'un parc de stationnement de 2 056 places, sur un terrain de 13,68 hectares situé rue de la Faucille. Par un arrêt n° 18LY00672-18LY00699 du 27 juin 2019, la cour administrative d'appel a sursis à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, durant un délai de huit mois à compter de la notification de cet arrêt, sur cette requête. Par son arrêt du 18 juin 2020, la cour administrative d'appel a rejeté cette requête.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 18 août et 13 novembre 2020 et les 25 janvier et 27 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Eurocommercial Properties Taverny demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ces deux arrêts ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;
3°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Saint-Genis-Pouilly et de la société IF Allodon la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Eurocommercial Properties Taverny, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société If Allondon et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la commune de Saint-Genis-Pouilly ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 mai 2022, présentée par la société IF Allondon ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 mai 2022, présentée par la commune de Saint-Genis-Pouilly ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une décision du 16 juillet 2014, contre laquelle une requête aux fins d'annulation a été rejetée le 12 juillet 2016 par la cour administrative d'appel de Lyon, la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé le projet de la société IF Allondon consistant en la création d'un ensemble commercial de 46 000 m² de surface de vente et 2 056 places de stationnement sur un terrain agricole de 19 hectares appartenant à la commune de Saint-Genis-Pouilly, classé en zone 1AUX1 du plan local d'urbanisme. Le 17 février 2017, la commission départementale d'aménagement commercial de l'Ain a émis un avis défavorable au second projet dit " A... " porté par le même promoteur sur le même site portant sur 39 000 m² de surface de vente et comportant une réduction de 20 % de l'emprise au sol des constructions initialement prévues. Saisie par la société IF Allondon et par la commune de Saint-Genis-Pouilly, la Commission nationale d'aménagement commercial s'est prononcée favorablement le 23 mai 2017 sur ce projet et le maire de Saint-Genis Pouilly, par un arrêté du 22 décembre 2017, a délivré à la société IF Allondon un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, dont la société Eurocommercial Properties Taverny, propriétaire du centre commercial Val Thoiry situé sur la commune voisine de Thoiry, et l'association des exploitants du centre commercial Val Thoiry ont demandé l'annulation à la cour administrative d'appel de Lyon. Par un arrêt du 27 juin 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a sursis à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sur la requête de la société Eurocommercial Properties Taverny pour permettre à la société IF Allondon de notifier à la cour administrative d'appel de Lyon, dans un délai de huit mois, un permis de construire modificatif régularisant le vice relatif à l'appréciation portée par la Commission nationale d'aménagement commercial concernant l'incidence du projet sur l'objectif légal d'aménagement du territoire. Le 3 décembre 2019, la Commission nationale d'aménagement commercial a rendu un avis favorable au projet litigieux. En se fondant sur cet avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial, le maire de Saint-Genis-Pouilly a accordé, le 10 janvier 2020, à la société IF Allondon un permis modificatif valant autorisation d'exploitation commerciale. La société Eurocommercial Properties Taverny se pourvoit en cassation contre, d'une part, l'arrêt du 27 juin 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a prononcé ce sursis à statuer, et, d'autre part, contre l'arrêt du 18 juin 2020 par lequel cette même cour a rejeté sa requête.
Sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 27 juin 2019 :
2. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dans sa version alors en vigueur : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / (...) c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Eurocommercial Properties Taverny soutenait devant la cour que le projet litigieux méconnaissait l'objectif d'aménagement du territoire prévu par les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce, citées au point 3, au regard du critère de l'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral, d'une part, et du critère de l'effet sur les flux de transports, d'autre part. Après avoir estimé que le moyen tiré de l'atteinte du projet à l'objectif d'aménagement du territoire en raison de ses effets sur les flux de transport était fondé, en l'état du dossier qui lui était alors soumis, la cour, faisant usage des pouvoirs qu'elle tenait de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, a décidé de sursoir à statuer par son arrêt du 27 juin 2019, sans toutefois se prononcer préalablement sur le moyen tiré de l'atteinte du projet à l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de constater que les autres moyens invoqués n'étaient pas fondés avant de surseoir à statuer, la cour a insuffisamment motivé cet arrêt et commis une erreur de droit. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés à l'encontre de cet arrêt à l'appui du pourvoi, que la société Eurocommercial Properties Taverny est fondée à en demander l'annulation.
Sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 18 juin 2020 :
5. Lorsque le juge administratif, saisi de conclusions à fin d'annulation d'une autorisation d'urbanisme, estime par une première décision, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de l'acte attaqué est susceptible d'être régularisé et sursoit en conséquence à statuer par application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, les motifs de cette première décision qui écartent les autres moyens sont au nombre des motifs qui constituent le soutien nécessaire du dispositif de la décision qui clôt finalement l'instance, si cette seconde décision rejette les conclusions à fin d'annulation en retenant que le vice relevé dans la première décision a été régularisé, dans le délai imparti, par la délivrance d'une mesure de régularisation. Dans ces conditions, il appartient au juge d'appel ou de cassation, saisi de conclusions dirigées contre ces deux décisions, s'il annule la première décision, d'annuler en conséquence, le cas échéant d'office, la seconde décision.
6. Il résulte de ce qui précède que l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Lyon le 18 juin 2020 doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêt du 27 juin 2019.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par la société IF Allondon et par la commune de Saint-Genis-Pouilly. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des mêmes dispositions par la société Eurocommercial Properties Taverny.
D E C I D E :
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Article 1er : Les arrêts de la cour administrative d'appel de Lyon du 27 juin 2019 et du 18 juin 2020 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Eurocommercial Properties Taverny, par la société IF Allondon et par la commune de Saint-Genis-Pouilly, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Eurocommercial Properties Taverny, à la société IF Allondon, à la commune de Saint-Genis-Pouilly et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Carine Soulay, conseillère d'Etat et M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 15 juin 2022.
La présidente :
Signé : Mme Maud Vialettes
Le rapporteur :
Signé : M. Sylvain Monteillet
La secrétaire :
Signé : Mme Romy Raquil