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10/06/2022 | FRANCE | N°455043

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 10 juin 2022, 455043


1° Sous le n° 455043, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 28 juillet 2021 et 25 janvier 2022, Mme B... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le ministre des solidarités et de la santé a implicitement rejeté sa demande du 26 mars 2021 tendant à la réformation de l'article R. 173-15 du code de la sécurité sociale ;

2°) d'enjoindre au ministre des solidarités et de la santé de réformer l'article R. 173-15 du code de la sécurité socia

le pour le remplacer par les dispositions qu'elle lui a indiquées dans sa demande ...

1° Sous le n° 455043, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 28 juillet 2021 et 25 janvier 2022, Mme B... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le ministre des solidarités et de la santé a implicitement rejeté sa demande du 26 mars 2021 tendant à la réformation de l'article R. 173-15 du code de la sécurité sociale ;

2°) d'enjoindre au ministre des solidarités et de la santé de réformer l'article R. 173-15 du code de la sécurité sociale pour le remplacer par les dispositions qu'elle lui a indiquées dans sa demande préalable et, subsidiairement, pour lui substituer des dispositions de nature à mettre fin à l'illégalité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 455044, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 juillet 2021 et 25 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le ministre des solidarités et de la santé a implicitement rejeté sa demande du 26 mars 2021 tendant à la réformation de l'article R. 173-15 du code de la sécurité sociale ;

2°) d'enjoindre au ministre des solidarités et de la santé de réformer l'article R. 173-15 du code de la sécurité sociale pour le remplacer par les dispositions qu'elle lui a indiquées dans sa demande préalable et, subsidiairement, pour lui substituer des dispositions de nature à mettre fin à l'illégalité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006 du Parlement européen et du Conseil ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de Mme D... et à Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale: " I.- Une majoration de durée d'assurance de quatre trimestres est attribuée aux femmes assurées sociales, pour chacun de leurs enfants, au titre de l'incidence sur leur vie professionnelle de la maternité, notamment de la grossesse et de l'accouchement. / II.- Il est institué au bénéfice de l'un ou l'autre des deux parents assurés sociaux une majoration de durée d'assurance de quatre trimestres attribuée pour chaque enfant mineur au titre de son éducation pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption. (...). / III.- Une majoration de durée d'assurance de quatre trimestres est attribuée, pour chaque enfant adopté durant sa minorité, à ses parents au titre de l'incidence sur leur vie professionnelle de l'accueil de l'enfant et des démarches préalables à celui-ci. (...) ".

2. Pour l'application de ces dispositions, l'article R. 173-15 du code de la sécurité sociale prévoit, pour éviter que les assurés ne bénéficient d'un cumul de majorations de la durée d'assurance pour enfants dans le cas où ils auraient cotisé successivement, alternativement ou simultanément à plusieurs régimes de sécurité sociale, un mécanisme de coordination consistant à attribuer la priorité à l'un des régimes auxquels l'assuré a été affilié, selon trois situations qu'il distingue respectivement à ses trois premiers alinéas. Le premier alinéa prévoit ainsi que lorsque les régimes auxquels l'assuré a été affilié successivement, alternativement ou simultanément incluent le régime général de la sécurité sociale, outre un ou plusieurs autres régimes parmi les régimes de protection sociale agricole, les régimes des travailleurs indépendants non agricoles ou le régime des ministres des cultes et membres des congrégations et collectivités religieuses, les majorations de durée d'assurance sont accordées, par priorité, par le régime général de sécurité sociale. Le deuxième alinéa prévoit que, lorsqu'il s'agit d'un ou plusieurs des mêmes régimes qu'au premier alinéa, à l'exception du régime général, les majorations de durée d'assurance sont accordées par le régime auquel l'assuré a été affilié en dernier lieu et, subsidiairement, en cas d'affiliations simultanées, par le régime susceptible d'attribuer la pension la plus élevée. Enfin, le troisième alinéa prévoit que, lorsqu'il s'agit d'un ou plusieurs des mêmes régimes qu'au premier alinéa, mais que l'intéressé a également été affilié à un régime spécial de retraite prévoyant une majoration de durée d'assurance au titre de l'accouchement, de la grossesse, de l'adoption ou de l'éducation d'un enfant, cette majoration est accordée en priorité par le régime spécial si celui-ci est susceptible d'accorder en vertu de ses propres règles une pension à l'intéressé.

3. Par un courrier du 26 mars 2021, Mme D... et Mme A... ont, chacune, demandé au ministre des solidarités et de la santé de réformer l'article R. 173-15 du code de la sécurité sociale en tant qu'il prévoit que, dans la situation régie par son premier alinéa, les majorations de durée d'assurance prévues à l'article L. 351-4 sont accordées, par priorité, par le régime général. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, elles demandent l'annulation pour excès de pouvoir du refus implicite né du silence opposé à leurs demandes respectives et à ce qu'il soit enjoint à ce même ministre de réformer l'article R. 173-15 du code de la sécurité sociale pour le remplacer par les dispositions qu'elles lui ont suggérées, de façon identique, dans leurs demandes préalables et, subsidiairement, de lui substituer des dispositions de nature à mettre fin à l'illégalité qu'elles dénoncent.

4. En premier lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

5. Ainsi qu'il a été dit au point 2, l'article R. 173-15 du code de la sécurité sociale prévoit, pour éviter que les assurés ne bénéficient d'un cumul de majorations de la durée d'assurance pour enfants dans le cas où ils auraient cotisé successivement, alternativement ou simultanément à plusieurs régimes de sécurité sociale, un mécanisme de coordination consistant à attribuer la priorité à l'un des régimes auxquels l'assuré a été affilié, selon les trois situations qu'il distingue respectivement à ses trois premiers alinéas. Les requérantes soutiennent que ces dispositions créent une différence de traitement injustifiée entre les assurés relevant du premier alinéa, c'est-à-dire ceux qui ont cotisé, outre à l'un des régimes mentionnés au premier alinéa, au régime général et ceux qui, soit ont cotisé seulement à l'un de ces régimes sans avoir cotisé au régime général, relevant ainsi du deuxième alinéa, soit ont cotisé en plus à un régime spécial, tel que décrit au troisième aliéna, dont ils relèvent alors. Toutefois, ces dispositions, dont les effets sur les " coefficients de proratisation " résultant des durées respectives d'affiliation aux différents régimes dépendent des caractéristiques du parcours professionnel de chaque assuré, ne peuvent être regardées comme créant, entre les catégories d'assurés qu'identifient les requérantes, une différence de traitement contraire au principe d'égalité. Les requérantes ne peuvent en outre utilement se prévaloir de ce que d'autres règles ont été fixées par le pouvoir règlementaire pour d'autres types de bonification ou de compensation instaurées par le législateur, notamment celle prévu à l'article L. 161-19 du code de la sécurité sociale, liée au service militaire, aux périodes de mobilisation ou de captivité.

6. En second lieu, les requérantes ne peuvent en tout état de cause soutenir que les dispositions en litige " entérineraient ", au motif qu'elles ne retiennent pas un mécanisme de coordination plus favorable s'agissant d'une majoration de pension ayant vocation à bénéficier davantage aux femmes qu'aux hommes, l'inégalité entre les femmes et les hommes qu'elles seraient, selon elles, destinées à compenser et qu'à ce titre, elles seraient contraires à l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale, au troisième aliéna du Préambule de la Constitution de 1946 garantissant à la femme, dans tous les domaines, de droits égaux à ceux de l'homme, ainsi qu'aux principes du droit de l'Union résultant de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail ainsi que de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux termes duquel : " Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur ".

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... et Mme A... ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision par laquelle le ministre des solidarités et de la santé a implicitement rejeté leur demande du 26 mars 2021 tendant à la réformation de l'article R. 173-15 du code de la sécurité sociale. Par suite, leurs conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être également rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de Mme D... et de Mme A... sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... D..., à Mme C... A... et au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.

Copie en sera adressée à la Première ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2022 où siégeaient : M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 10 juin 2022.

Le président :

Signé : M. Damien Botteghi

Le rapporteur :

Signé : M. Sébastien Jeannard

La secrétaire :

Signé : Mme Sinem Varis


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 455043
Date de la décision : 10/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2022, n° 455043
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sébastien Jeannard
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:455043.20220610
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