La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/05/2022 | FRANCE | N°456078

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 31 mai 2022, 456078


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 novembre 2020 par laquelle le préfet de police a refusé d'échanger son permis de conduire turc contre un permis de conduire français. Par un jugement n° 2103898 du 30 juin 2021, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 août et 23 novembre 2021 et le 18 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'

Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 novembre 2020 par laquelle le préfet de police a refusé d'échanger son permis de conduire turc contre un permis de conduire français. Par un jugement n° 2103898 du 30 juin 2021, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 août et 23 novembre 2021 et le 18 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la route ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les États n'appartenant ni à l'union européenne, ni à l'Espace économique européen ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Charmont, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A... a demandé au préfet de police la délivrance d'un permis de conduire français en échange de son permis de conduire turc. Le préfet de police a, par une décision du 23 novembre 2020, rejeté cette demande en se fondant sur l'absence d'authenticité du titre présenté à l'échange. M. A... se pourvoit en cassation contre le jugement du 30 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article 7 de l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les États n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen : " A. - Avant tout échange, l'autorité administrative compétente s'assure de l'authenticité du titre de conduite et, en cas de doute, de la validité des droits. / B. - Pour vérifier l'authenticité du titre de conduite, l'autorité administrative compétente sollicite, le cas échéant, l'aide d'un service spécialisé dans la détection de la fraude documentaire. (...) / D. - Néanmoins, quand bien même l'authenticité du titre de conduite est établie, l'autorité administrative compétente peut, avant de se prononcer sur la demande d'échange, en cas de doute selon les informations dont elle dispose, consulter l'autorité étrangère ayant délivré le titre afin de s'assurer des droits de conduite de son titulaire. La demande auprès des autorités étrangères est transmise, sous couvert du ministre chargé des affaires étrangères, service de la valise diplomatique, au consulat de France compétent qui la transmet aux autorités compétentes et avise l'autorité administrative compétente de la date de cette transmission. La demande peut être adressée également par courriel soit aux autorités consulaires françaises, soit lorsque les circonstances le permettent, directement aux autorités compétentes de l'État de délivrance. (...) / E.-Si le caractère frauduleux du titre est établi, l'échange n'a pas lieu et le titre est retiré par l'autorité administrative compétente, qui saisit le procureur de la République en le lui transmettant ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de doute sur l'authenticité du titre dont l'échange est demandé, le préfet fait procéder à son analyse avec l'aide d'un service spécialisé dans la détection de la fraude documentaire et peut compléter son analyse en consultant par la voie diplomatique l'autorité étrangère qui a délivré le titre. L'intéressé peut, lors de l'instruction de sa demande par l'administration comme à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre une décision refusant l'échange pour absence d'authenticité du titre, apporter la preuve de son authenticité par tout moyen présentant des garanties suffisantes. Cette possibilité lui est ouverte y compris dans le cas où l'autorité étrangère, consultée par le préfet, n'a pas répondu. Si des documents produits par l'intéressé et présentés comme des attestations de l'autorité étrangère ne peuvent être pris en considération que s'ils présentent eux-mêmes des garanties suffisantes d'authenticité, ils ne sauraient être écartés au seul motif qu'ils n'ont pas été transmis aux autorités françaises par la voie diplomatique.

4. Il ressort des termes du jugement attaqué que, pour juger que le préfet de police avait pu, à bon droit, estimer que le titre présenté à l'échange par M. A... était un document falsifié, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que ce document comportait, selon l'administration, diverses anomalies et sur ce que l'attestation signée de la vice-consule du consulat général de Turquie à Paris ne suffisait pas à en établir l'authenticité. En se prononçant par ces seuls motifs, alors que l'intéressé présentait également une attestation émanant du ministère de l'intérieur de Turquie, revêtue d'une apostille, qui venait au soutien de l'authenticité du même document, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une insuffisance de motivation.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à M. A... de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 juin 2021 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.

Article 3 : L'État versera à M. A... la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré à l'issue de la séance du 18 mai 2022 où siégeaient : M. Denis Piveteau, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. François Charmont, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 31 mai 2022.

Le président :

Signé : M. Denis Piveteau

Le rapporteur :

Signé : M. François Charmont

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 456078
Date de la décision : 31/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 mai. 2022, n° 456078
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Charmont
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:456078.20220531
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award