Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 30 juin et 9 août 2021 et les 3 janvier et 29 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 3 juin 2021 par lequel le président de la République lui a infligé la sanction de la mise à la retraite d'office ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pearl Nguyên Duy, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. A....
Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 mai 2022, présentée par M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. Illy, commissaire général de police, a notamment exercé les fonctions de directeur départemental de la sécurité publique dans les départements du Bas-Rhin et des Alpes-Maritimes, entre 2013 et 2019. A la suite d'une enquête réalisée en 2019 par l'inspection générale de la police nationale, le Président de la République a prononcé à son encontre la sanction de mise à la retraite d'office, par un décret du 3 juin 2021 dont M. A... demande l'annulation.
Sur la légalité externe du décret attaqué :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la lettre convoquant M. A... à la réunion du conseil de discipline du 7 octobre 2010 lui indiquait qu'il était susceptible de faire l'objet de l'une des sanctions disciplinaires prévues à l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que, faute que lui ait été spécifiquement indiqué la possibilité qu'il lui soit infligé une sanction du quatrième groupe, cette information ne l'aurait pas mis en mesure de présenter utilement sa défense.
3. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de la réunion du conseil de discipline du 7 octobre 2010, que les membres représentant l'administration auraient manifesté une animosité ou un parti pris à l'égard de l'intéressé révélant un défaut d'impartialité, ou que les deux suspensions de séance établiraient l'existence d'une irrégularité de la délibération. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance qu'un des membres du conseil de discipline venait d'être nommé sur un poste auquel M. A... avait également candidaté ne saurait par elle-même caractériser un vice dans la composition de cette instance.
Sur la légalité interne du décret :
4. En premier lieu, aux termes des dispositions du deuxième alinéa de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction ".
5. Il ressort des pièces du dossier que la procédure disciplinaire ayant conduit à la sanction attaquée a été engagée en 2020, à la suite de l'enquête effectuée en 2019 par l'inspection générale de la police nationale portant sur des faits commis entre 2013 et 2019 dans les postes occupés par l'intéressé dans le Bas-Rhin et les Alpes-Maritimes, soit des faits pour partie antérieurs de plus de trois ans à l'engagement de la procédure disciplinaire. Mais il ressort également des pièces du dossier que, à supposer même, comme le soutient l'intéressé, que ces faits auraient été connus, dès avant l'année 2017, de certains agents placés sous son autorité, ses propres responsables hiérarchiques n'ont eu une connaissance effective de la nature et de l'ampleur des irrégularités commises par lui qu'à compter de l'année 2019, à la suite notamment du contrôle des dépenses de la direction départementale de la sécurité publique du Bas-Rhin réalisée par l'inspection générale de la police nationale.
6. M. A... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que certains des faits qui lui sont reprochés seraient prescrits.
7. En second lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
8. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a, au cours de la période indiquée ci-dessus, utilisé de façon régulière, pour des dépenses sans lien avec le service, les cartes de paiement mises à la disposition de la direction départementale de sécurité publique. Il a également sollicité, à plusieurs reprises, les collaborateurs placés sous sa responsabilité à des fins étrangères au service, a signé à plusieurs reprises des attestations de renonciation à l'attribution d'un véhicule de fonction tout en utilisant à des fins privées le véhicule de service mis à sa disposition, sans déclarer à l'administration fiscale cet avantage en nature et en tentant, postérieurement à l'ouverture de l'enquête administrative dont il a fait l'objet, de corriger cette situation en produisant une attestation antidatée. Il a également déclaré, pour les besoins d'une procédure de concession de logement, un nombre d'enfants supérieur à celui des enfants à sa charge, lui permettant de bénéficier d'un logement d'une surface supérieure à celle à laquelle il pouvait prétendre. Il ressort également des pièces du dossier que M. A... a demandé aux agents placés sous son autorité de modifier son compte " géopol " afin d'obtenir l'annulation de jours de congés qui avaient été pris ou l'inscription sur son compte épargne-temps de jours qui n'y étaient pas éligibles. Il ressort enfin des pièces du dossier que, par son comportement autoritaire, l'intéressé a créé parmi ses collaborateurs un climat faisant obstacle à toute opposition ou dénonciation de ces pratiques irrégulières. L'ensemble de ces faits, qui ne sauraient être justifiés par les difficultés personnelles ou de santé rencontrées par le requérant au cours de l'année 2015, constitue un manquement aux obligations statutaires de loyauté, de probité et de dignité dans les fonctions de nature à justifier une sanction disciplinaire.
9. Compte tenu, d'une part de la gravité et du caractère systématique et répété, au cours de plusieurs années, des manquements commis et, d'autre part, des importantes responsabilités exercées par l'intéressé, membre d'un corps de direction de la police nationale, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'a pas, alors même que la manière opérationnelle de servir de M. A... aurait, au cours des mêmes années, donné pleine satisfaction, prononcé une sanction disproportionnée en lui infligeant la sanction de mise à la retraite d'office.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 3 juin 2021 prononçant sa mise à la retraite d'office. Sa requête doit dès lors être rejetée, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2022 où siégeaient : M. Denis Piveteau, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et Mme Pearl Nguyên Duy, maître des requêtes-rapporteure.
Rendu le 31 mai 2022.
Le président :
Signé : M. Denis Piveteau
La rapporteure :
Signé : Mme Pearl Nguyên Duy
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras