La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2022 | FRANCE | N°442752

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 30 mai 2022, 442752


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir les décisions des 5 et 10 juillet 2017 par lesquelles, respectivement, le ministre du travail et l'inspecteur du travail de la 11ème section de l'unité départementale du Rhône de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Auvergne-Rhône-Alpes ont autorisé la société Randstad à la licencier. Par un jugement n° 1706642 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif a reje

té sa demande.

Par un arrêt n° 19LY00453 du 15 juin 2020, la cour admi...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir les décisions des 5 et 10 juillet 2017 par lesquelles, respectivement, le ministre du travail et l'inspecteur du travail de la 11ème section de l'unité départementale du Rhône de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Auvergne-Rhône-Alpes ont autorisé la société Randstad à la licencier. Par un jugement n° 1706642 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19LY00453 du 15 juin 2020, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par Mme C... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un autre mémoire, enregistrés les 13 août et 6 novembre 2020 et les 28 et 29 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;

3°) de mettre à la charge, solidairement, de l'Etat et de la société Randstad la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseillère d'Etat ;

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de Mme C... et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Randstat ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme C..., employée par la société Randstad en tant qu'assistante d'agence, était investie des mandats de délégué du personnel titulaire de la zone sud-est industries, de membre du comité d'entreprise, de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail industries sud-est, de membre titulaire du comité d'établissement branche industries et de membre titulaire du comité central de l'unité économique et sociale travail temporaire. Elle a également exercé le mandat de délégué syndical jusqu'au 9 juillet 2014. La société Randstad a, par courrier du 21 juillet 2014, sollicité auprès de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier Mme C... pour motifs disciplinaires. Par décision du 29 août 2014, l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement. Sur recours hiérarchique, le ministre du travail a, par décision du 2 mars 2015, retiré la décision implicite de rejet née le 19 janvier 2015, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 29 août 2014 et refusé d'autoriser le licenciement de Mme C.... Le 20 mai 2015, Mme C... a été réintégrée au sein de l'entreprise et s'est portée candidate, le 11 juin 2015, aux élections du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail industries sud-est. L'entreprise a de nouveau demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de la licencier. Par décision du 5 août 2015, l'inspecteur du travail a refusé cette autorisation. Par jugements n° 1504330 et n° 1508545 du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du ministre du travail du 2 mars 2015 et la décision du 5 août 2015 de l'inspecteur du travail portant refus d'autorisation de licenciement. Par deux décisions prises, respectivement les 5 et 10 juillet 2017, le ministre du travail et l'inspecteur du travail ont autorisé le licenciement de Mme C... qui, le 21 juin 2016, avait été élue membre titulaire du comité d'établissement sud-est et déléguée du personnel sud-est Rhône. Mme C... se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Lyon ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 5 et du 10 juillet 2017.

2. Aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date des décisions en litige : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. (...) ". Dans le cas où l'intéressé, titulaire d'un de ces mandats à la date de la délibération du comité d'entreprise, obtient valablement un mandat différent après cette délibération et avant la décision de l'inspecteur du travail et du ministre sur son licenciement, le comité doit être saisi à nouveau de son cas, alors même qu'il aurait déjà exprimé son désaccord sur le projet de licenciement.

3. En premier lieu, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a relevé que Mme C... disposait d'un mandat de membre du comité d'établissement de la branche " industries " jusqu'à ce que, à la suite d'une réforme des institutions représentatives du personnel de l'entreprise et notamment des comités d'établissement institués au niveau infranational en vue de passer d'une organisation par branche à une organisation par région, elle acquiert, en 2016, un mandat de membre titulaire du comité d'établissement sud-est. En estimant que ces deux mandats successivement détenus par Mme C... pouvaient être regardés comme étant de même nature, compte tenu de la nature des institutions représentatives en cause, de leurs prérogatives, et de leur niveau dans l'entreprise, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit et a porté sur les pièces du dossier une appréciation exempte de dénaturation.

4. En second lieu, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé. Pour opérer les contrôles auxquels elle est tenue de procéder lorsqu'elle statue sur une demande d'autorisation de licenciement, l'autorité administrative doit prendre en compte chacune des fonctions représentatives du salarié. Lorsque l'administration a eu connaissance de chacun des mandats détenus par l'intéressé, la circonstance que la demande d'autorisation de licenciement ou la décision autorisant le licenciement ne fasse pas mention de l'un de ces mandats ne suffit pas, à elle seule, à établir que l'administration n'a pas, comme elle le doit, exercé son contrôle en tenant compte de chacun des mandats détenus par le salarié protégé.

5. Si Mme C... soutient que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que les décisions contestées sont suffisamment motivées, alors même qu'elles ne visent pas les nouveaux mandats qu'elle avait obtenus en juin 2016, il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'une telle circonstance n'est pas de nature à affecter, à elle seule, la légalité des décisions attaquées. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêt attaqué est pour ce motif entaché d'erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon.

7. Il a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... une somme de 3 000 euros à verser à la société Randstad au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Randstad, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme C... est rejeté.

Article 2 : Mme C... versera une somme de 3 000 euros à la société Randstad au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... épouse C... et à la société Randstad.

Copie en sera adressée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré à l'issue de la séance du 31 mars 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Carine Soulay, conseillère d'Etat et Mme Françoise Tomé, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 30 mai 2022.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :

Signé : Mme Françoise Tomé

La secrétaire :

Signé : Mme Romy Raquil


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 442752
Date de la décision : 30/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 mai. 2022, n° 442752
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Françoise Tomé
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:442752.20220530
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award