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24/05/2022 | FRANCE | N°454720

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 24 mai 2022, 454720


Vu la procédure suivante :

M. A... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 9 avril 2021 par laquelle le préfet de police a refusé de renouveler son habilitation pour accéder aux zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes, ainsi que de la décision du 6 mai 2021 rejetant son recours gracieux et d'enjoindre au préfet de police de l'autoriser, à titre provisoire, à accéder aux zones de sûreté à accès

réglementé des aérodromes. Par une ordonnance n° 2107533 du 5 juillet 2021, le...

Vu la procédure suivante :

M. A... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 9 avril 2021 par laquelle le préfet de police a refusé de renouveler son habilitation pour accéder aux zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes, ainsi que de la décision du 6 mai 2021 rejetant son recours gracieux et d'enjoindre au préfet de police de l'autoriser, à titre provisoire, à accéder aux zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes. Par une ordonnance n° 2107533 du 5 juillet 2021, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 et 30 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'aviation civile ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Joachim Bendavid, auditeur,

- les conclusions de Mme B... C... de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une décision du 9 avril 2021 prise sur le fondement de l'article R. 213-3-1 du code de l'aviation civile, le préfet de police a refusé à la E... le renouvellement de l'habilitation d'accéder à la zone de sûreté à accès réglementé des aérodromes dont bénéficiait M. D..., son employé. Ce dernier a formé contre cette décision un recours gracieux, qui a été rejeté par une décision du 6 mai 2021 du préfet de police. M. D... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 5 juillet 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande de suspension de l'exécution de ces deux décisions.

2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 6342-3 du code des transports : " Les personnes ayant accès aux zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes ou aux approvisionnements de bord sécurisés, ainsi que celles ayant accès au fret, aux colis postaux ou au courrier postal, sécurisés par un agent habilité ou ayant fait l'objet de contrôles de sûreté par un chargeur connu et identifiés comme devant être acheminés par voie aérienne, doivent être habilitées par l'autorité administrative compétente. / La délivrance de cette habilitation est précédée d'une enquête administrative donnant lieu, le cas échéant, à consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et des traitements automatisés de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification. / (...) " et aux termes de l'article R. 213-3-1 du code de l'aviation civile : " I.- L'habilitation mentionnée à l'article L. 6342-3 du code des transports est demandée par l'entreprise ou l'organisme qui emploie la personne devant être habilitée. (...) / L'habilitation est délivrée ou refusée par le préfet exerçant les pouvoirs de police sur l'aérodrome lorsque l'entreprise ou l'organisme concerné est situé sur l'emprise de celui-ci, ou par le préfet territorialement compétent dans les autres cas. A Paris, la compétence appartient au préfet de police. / L'habilitation est valable sur l'ensemble du territoire national pour une durée maximale de cinq ans. / II.- L'habilitation peut être retirée ou suspendue par le préfet territorialement compétent lorsque la moralité ou le comportement de la personne titulaire de cette habilitation ne présente pas les garanties requises au regard de la sûreté de l'Etat, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes, de l'ordre public ou sont incompatibles avec l'exercice d'une activité dans les zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes, dans les lieux de préparation et stockage des approvisionnements de bord, ou des expéditions de fret ou de courrier postal sécurisées et devant être acheminées par voie aérienne, ainsi que dans les installations mentionnées au III de l'article R. 213-3. / (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, pour rejeter la demande de renouvellement de l'habilitation d'accéder à la zone de sûreté à accès réglementé des aérodromes dont bénéficiait M. D..., le préfet de police s'est fondé, d'une part sur la circonstance que l'intéressé présenterait, notamment sur son lieu de travail, une attitude communautariste radicale et, d'autre part, sur le fait qu'il entretiendrait des relations avec des personnes radicalisées ayant participé à l'organisation de départs en zone de combat.

5. En jugeant que n'était pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité du refus de renouvellement de l'autorisation d'accès le moyen tiré de de l'inexactitude matérielle du motif selon lequel M. D... entretiendrait des liens avec des personnes impliquées dans le recrutement de combattants, alors que cette affirmation, contestée par l'intéressé, n'était plus soutenue par l'administration et n'était confirmée ni par la " note blanche " produite par cette dernière ni par aucun autre élément du dossier, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, M. D... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. D... a fait l'objet, suite au refus d'habilitation contesté, d'une suspension de son contrat de travail assortie d'une privation de sa rémunération et qu'il ne dispose d'aucune autre source de revenu. Les décisions contestées préjudiciant ainsi de manière suffisamment grave et immédiate à sa situation, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie, même si, ainsi que le soutient en défense l'administration, M. D... n'a saisi le juge des référés qu'un mois après le rejet de son recours gracieux.

9. En second lieu, d'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le moyen tiré de ce que le premier motif du refus de renouvellement de l'habilitation, fondé sur l'affirmation selon laquelle M. D... entretient des liens avec des personnes impliquées dans le recrutement de combattants, est entaché d'inexactitude matérielle est de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées.

10. D'autre part, il résulte de l'instruction que, contrairement aux affirmations qui fondent le second motif du refus de renouvellement, de nombreux témoignages attestent de ce que M. D... ne refuse pas de serrer la main aux femmes ni ne porte de tenue religieuse sur son lieu de travail. Par suite, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que le second motif retenu par le préfet de police, tiré ce que l'intéressé adopte une attitude communautariste radicale, serait entaché d'inexactitude matérielle, est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

11. Il résulte de ce tout qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de sa demande, M. D... est fondé à demander la suspension de l'exécution des décisions qu'il conteste.

12. Toutefois, si M. D... demande que lui soit octroyé à titre provisoire le renouvellement de son habilitation, il y a lieu seulement d'enjoindre à l'administration de réexaminer, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision et au regard des circonstances de droit et de fait en vigueur à la date à laquelle elle se prononcera, la demande de renouvellement de l'habilitation de M. D....

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros à verser à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par lui, tant devant le Conseil d'Etat que devant le tribunal administratif de Montreuil.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil du 5 juillet 2021 est annulée.

Article 2 : L'exécution des décisions des 9 avril et 6 mai 2021 par lesquelles le préfet de police a refusé de renouveler l'habilitation de M. D... pour accéder aux zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint à l'Etat de réexaminer dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision la demande de renouvellement de l'habilitation d'accéder à la zone de sûreté à accès réglementé des aérodromes de M. D....

Article 4 : L'Etat versera à M. D... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la section du rapport et des études.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 avril 2022 où siégeaient : M. Denis Piveteau, président de chambre, présidant ; M. Jean-Philippe Mochon, conseiller d'Etat et M. Joachim Bendavid, auditeur-rapporteur.

Rendu le 24 mai 2022.

Le président :

Signé : M. Denis Piveteau

Le rapporteur :

Signé : M. Joachim Bendavid

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 454720
Date de la décision : 24/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 mai. 2022, n° 454720
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Joachim Bendavid
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:454720.20220524
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