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19/05/2022 | FRANCE | N°456201

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 19 mai 2022, 456201


Vu la procédure suivante :

La Section française de l'Observatoire international des prisons (SFOIP) a demandé au tribunal administratif de la Guyane, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites par lesquelles le directeur du centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly et le directeur de l'administration pénitentiaire ont refusé de l'informer de l'état d'avancement de l'exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane du 23 février 2019 et de lui communiquer les documents en attestant ainsi que des bilans trimestriel

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Vu la procédure suivante :

La Section française de l'Observatoire international des prisons (SFOIP) a demandé au tribunal administratif de la Guyane, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites par lesquelles le directeur du centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly et le directeur de l'administration pénitentiaire ont refusé de l'informer de l'état d'avancement de l'exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane du 23 février 2019 et de lui communiquer les documents en attestant ainsi que des bilans trimestriels de l'état d'avancement de son exécution, et d'autre part, d'enjoindre aux directeurs saisis de faire droit à ses demandes, ou, à défaut, de procéder à leur réexamen sous astreinte.

Par une ordonnance n° 1901762 du 18 juin 2021, le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 21BX03446 du 31 août 2021, enregistrée le 1er septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux a renvoyé au Conseil d'Etat, sur le fondement des articles R. 811-1 et R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi formé par la SFOIP contre ce jugement.

Par ce pourvoi, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés le 1er décembre 2021 et le 12 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SFOIP demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance attaquée en tant qu'elle rejette sa demande d'annulation des décisions implicites de refus de communication des documents attestant de l'exécution de l'ordonnance du 23 février 2019 et d'injonction de communication de ces documents ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme A... de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la Section francaise de l'Observatoire international des prisons ;

Considérant ce qui suit :

1. La Section française de l'Observatoire international des prisons (SFOIP) a demandé au directeur du centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly les 17 juin, 8 août, 4 septembre et 26 septembre 2019 et au directeur de l'administration pénitentiaire les 8 août et 26 septembre 2019 de l'informer de l'état d'avancement de l'exécution de l'ordonnance du 23 février 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a enjoint au ministre de la justice d'engager des actions tendant à l'amélioration des conditions d'incarcération au sein du centre pénitentiaire et de lui communiquer les documents attestant de la complète exécution de cette décision. Le 22 octobre 2019, elle a contesté le refus de communication opposé par l'administration devant la commission d'accès aux documents administratifs. Le 10 décembre 2019, elle a saisi le tribunal administratif de la Guyane d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation des décisions implicites de refus nées de l'absence de réponse donnée à ses demandes de communication et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au directeur du centre pénitentiaire et au directeur de l'administration pénitentiaire de faire droit à ses demandes ou, à défaut, de procéder à leur réexamen sous astreinte. La SFOIP se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 18 juin 2021 par laquelle le président du tribunal administratif a rejeté sa requête pour irrecevabilité manifeste.

Sur les documents attestant de l'exécution de la décision du juge des référés :

2. Il ressort des écritures en défense du garde des sceaux, ministre de la justice, que la SFOIP a saisi la section du rapport et des études du Conseil d'Etat le 23 juin 2021 d'une demande tendant à obtenir l'exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane du 23 février 2019. Dans le cadre de l'instruction de cette demande, le ministre a produit des observations les 30 juillet, 5 octobre et 23 novembre 2021 accompagnées de pièces justificatives, communiquées à la requérante, dans lesquelles il justifie des diligences accomplies pour procéder à l'exécution de cette ordonnance. Le 2 décembre 2021, la section du rapport et des études a procédé au classement administratif de l'affaire en considérant que l'ordonnance était en cours d'exécution. La SFOIP se borne à soutenir, d'une part, que l'ordonnance du juge des référés n'a pas été entièrement exécutée et, d'autre part, que sa demande tendant à être informée trimestriellement de l'avancement de cette exécution n'a pas été satisfaite, sans contester que l'ensemble des documents existants attestant de l'exécution de cette ordonnance lui ont été transmis. La circonstance que cette transmission soit intervenue dans le cadre de la procédure d'exécution est sans incidence. Dans ces conditions, sa demande doit, dans cette mesure, être regardée comme ayant été satisfaite postérieurement à l'introduction du présent pourvoi.

3. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a plus lieu de statuer sur le pourvoi de la SFOIP dans cette mesure.

Sur la demande tendant à l'envoi d'un bilan trimestriel des mesures prises pour l'exécution des mesures ordonnées en référé :

4. Pour rejeter la demande de la SFOIP comme manifestement irrecevable, le tribunal administratif s'est référé exclusivement, dans les visas et les motifs de son ordonnance, à la demande de l'association relative à la communication des documents mentionnés au point 2. Ce faisant, il a omis de se prononcer sur sa demande tendant à l'annulation du refus de l'administration de lui transmettre un bilan trimestriel des mesures prises pour l'exécution des mesures ordonnées en référé. Son ordonnance doit donc, dans cette mesure, être annulée.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. En premier lieu, les dispositions des articles L. 300-2 et L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration n'imposent pas à l'administration d'élaborer un document administratif dont elle ne disposerait pas pour faire droit à une demande de communication.

7. En second lieu, d'une part, la SFOIP ne tire d'aucune disposition invoquée ni d'aucun principe le droit d'exiger de l'administration qu'elle établisse un bilan trimestriel des mesures prises pour assurer l'exécution d'une ordonnance de référé rendue à la suite d'une action contentieuse qu'elle a engagée et d'en obtenir la communication. D'autre part, si elle se prévaut à cet égard d'un " droit à l'exécution des décisions de justice ", l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane du 23 février 2019 ne prescrit ni l'établissement, ni la communication du bilan trimestriel réclamé. Par suite, la force obligatoire qui s'attache à cette ordonnance ne lui ouvre pas droit, en tout état de cause, à cette communication.

8. Il résulte de ce qui précède que sa demande doit, dans cette mesure, être rejetée.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par la SFOIP au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi de la Section française de l'Observatoire international des prisons.

Article 2 : L'ordonnance du tribunal administratif de la Guyane du 18 juin 2021 est annulée en tant qu'elle omet de se prononcer sur les conclusions de la Section française de l'Observatoire international des prisons relatives à la communication d'un bilan trimestriel des mesures prises en exécution de l'ordonnance du juge des référés du même tribunal en date du 23 février 2019.

Article 3 : Les conclusions de la Section française de l'Observatoire international des prisons mentionnées à l'article 2 de la présente décision et celles qu'elle présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Section française de l'Observatoire international des prisons et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 21 avril 2022 où siégeaient : M. Alexandre Lallet, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 19 mai 2022.

Le président :

Signé : M. Alexandre Lallet

La rapporteure :

Signé : Mme Myriam Benlolo Carabot

La secrétaire :

Signé : Mme Naouel Adouane


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 456201
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 mai. 2022, n° 456201
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Myriam Benlolo Carabot
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:456201.20220519
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