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16/05/2022 | FRANCE | N°452191

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 16 mai 2022, 452191


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mai et 3 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Traditia et M. B... A... de Saint-Seine demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, à titre principal, la décision n° 2 du 1er mars 2021 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a, en premier lieu, prononcé à l'encontre de la société Traditia un avertissement, en deuxième lieu, prononcé à l'encontre de M. B... A... de Saint-Seine un averti

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Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mai et 3 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Traditia et M. B... A... de Saint-Seine demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, à titre principal, la décision n° 2 du 1er mars 2021 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a, en premier lieu, prononcé à l'encontre de la société Traditia un avertissement, en deuxième lieu, prononcé à l'encontre de M. B... A... de Saint-Seine un avertissement ainsi qu'une sanction pécuniaire de 50 000 euros et, en dernier lieu, ordonné la publication de la décision sur le site Internet de l'AMF et fixé à cinq ans à compter de la date de la décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer la décision du 1er mars 2021 afin de ramener la sanction pécuniaire infligée à M. A... de Saint-Seine à de plus justes proportions et d'ordonner l'anonymisation de la décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code monétaire et financier ;

- le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Traditia et autre et à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de l'Autorité des marchés financiers ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que la société à responsabilité limitée (SARL) Traditia, dont M. A... de Saint-Seine est un des gérants, dispose du statut de conseiller en investissements financiers (CIF) depuis 2009, ainsi que de celui de courtier en assurance et réassurance et de mandataire non exclusif en opérations de banque et en services de paiement. Le 24 avril 2018, le secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a, sur le fondement de l'article L. 621-9 du code monétaire et financier, décidé de procéder au contrôle du respect par la société Traditia de ses obligations professionnelles. Par la décision du 1er mars 2021 dont l'annulation est demandée, la commission des sanctions de l'AMF a retenu à l'encontre de la société Traditia les manquements tirés de la méconnaissance, en premier lieu, de l'obligation d'agir avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent au mieux des intérêts des clients pour avoir fait souscrire à des clients non professionnels un produit n'ayant pas reçu d'autorisation de commercialisation en France ; en deuxième lieu, de la réception par la société de fonds autres que ceux destinés à rémunérer son activité de CIF ; enfin, de l'obligation d'agir avec loyauté et d'exercer son activité avec la diligence qui s'impose au mieux des intérêts de ses clients pour avoir conseillé à des clients de conclure des contrats de prêt avec un établissement non habilité à recevoir des fonds remboursables du public. La commission des sanctions a prononcé à l'encontre de la société Traditia un avertissement et, à l'encontre de M. A... de Saint-Seine, un avertissement et une sanction pécuniaire de 50 000 euros. Elle a en outre ordonné la publication de sa décision sur le site internet de l'AMF et fixé à cinq ans la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.

Sur la régularité de la décision :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 621-9 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Afin d'assurer l'exécution de sa mission, l'Autorité des marchés financiers effectue des contrôles et des enquêtes (...). / II. - L'Autorité des marchés financiers veille également au respect des obligations professionnelles auxquelles sont astreintes, en vertu des dispositions législatives et réglementaires, les entités ou personnes suivantes ainsi que les personnes physiques placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte : / (...) ; / 10° Les conseillers en investissements financiers ". Aux termes du I de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier : " Le collège examine le rapport d'enquête ou de contrôle établi par les services de l'Autorité des marchés financiers (...). / (...) s'il décide l'ouverture d'une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées. Il transmet la notification des griefs à la commission des sanctions, qui désigne un rapporteur parmi ses membres (...) ". L'article R. 621-36 du même code dispose que : " Les résultats des enquêtes et des contrôles font l'objet d'un rapport écrit. Ce rapport indique notamment les faits relevés susceptibles de constituer des manquements aux règlements européens, au présent code, au code de commerce, au règlement général de l'Autorité des marchés financiers et aux règles approuvées par l'Autorité, des manquements aux autres obligations professionnelles ou une infraction pénale ". Enfin, aux termes de l'article 143-5 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers : " Tout rapport établi au terme d'un contrôle est communiqué à l'entité ou la personne morale contrôlée. (...) L'entité ou la personne morale à laquelle le rapport a été transmis est invitée à faire part au secrétaire général de l'AMF de ses observations dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours. Les observations sont transmises au collège lorsque celui-ci examine le rapport en application du I de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ".

3. Par la décision attaquée, la commission des sanctions de l'AMF a écarté le moyen que M. A... de Saint-Seine avait soulevé devant elle tiré de ce que les contrôleurs de l'AMF ne l'avaient pas, lors de la remise du rapport de contrôle, informé que des griefs pourraient lui être notifiés à titre individuel et ne l'avaient pas invité à faire valoir ses propres observations, alors que la charte du contrôle publiée sur le site internet de l'AMF précisait, à la date de la notification du rapport de contrôle : " Dans une démarche de transparence, une lettre est également adressée à chacun des représentants légaux dès lors que des griefs pourraient leur être notifiés à titre personnel. Cette lettre, qui est envoyée en même temps que le rapport est communiqué à la personne contrôlée, informe chacun d'eux que des manquements potentiels relevés par la mission de contrôle pourraient leur être imputables à titre personnel en tant que représentants légaux de la personne contrôlée ".

4. Si le principe des droits de la défense, rappelé tant par le premier alinéa de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précisé par son troisième alinéa, que par l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, s'applique seulement à la procédure de sanction ouverte par la notification de griefs par le collège de l'AMF et par la saisine de la commission des sanctions, et non à la phase préalable des enquêtes et contrôles réalisés par les agents de l'AMF, les contrôles réalisés par les agents de l'AMF, ou par toute personne habilitée par elle, doivent se dérouler dans des conditions garantissant qu'il ne soit pas porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense des personnes auxquelles des griefs sont ensuite notifiés.

5. Il résulte de l'instruction que M. A... de Saint-Seine, qui avait été informé du contrôle diligenté par l'AMF, a été destinataire le 24 juillet 2019, en application de l'article 143-5 du règlement général de l'AMF, en sa qualité de dirigeant de la société Traditia, du rapport de contrôle du 18 juillet 2019 auquel la société a répondu le 27 septembre 2019. Il a également eu connaissance des griefs formulés à l'encontre de cette société et a pu, à compter de la notification le 24 avril 2020 des griefs retenus à son encontre, et dans le cadre de la procédure disciplinaire ainsi ouverte, consulter le dossier de la procédure et faire valoir ses observations en défense, tant dans ses réponses écrites des 22 juin, 14 octobre et 24 décembre 2020 qu'au cours de son audition devant le rapporteur le 6 octobre 2020 et devant la commission des sanctions de l'AMF. Par suite, la méconnaissance par l'AMF de la règle de procédure qu'elle s'était fixée dans la charte du contrôle précitée, dont il n'est en tout état de cause pas établi qu'elle aurait conduit M. A... de Saint-Seine à s'auto-incriminer ou à effectuer des déclarations qui auraient servi de fondement aux griefs qui lui ont ensuite été notifiés, n'a pas constitué une manœuvre déloyale de nature à porter une atteinte irrémédiable aux droits de la défense.

6. Les requérants ne peuvent pas davantage utilement soutenir que la commission des sanctions de l'AMF aurait entaché sa décision d'erreur de droit pour avoir relevé, de manière inopérante, qu'il n'était ni démontré ni même allégué que les contrôleurs de l'AMF auraient sciemment omis d'adresser à M. A... de Saint-Seine un courrier l'informant que des griefs pourraient être retenus à son encontre.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les moyens tirés de ce que la décision de la commission des sanctions de l'AMF aurait été rendue au terme d'une procédure irrégulière doivent être écartés.

Sur le bien-fondé de la décision :

Sur les manquements :

En ce qui concerne l'obligation d'agir avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent au mieux des intérêts des clients pour avoir fait souscrire à des clients non professionnels un produit n'ayant pas reçu d'autorisation de commercialisation en France :

8. D'une part, aux termes de l'article L. 541-8-1 du code monétaire et financier : " Les conseillers en investissements financiers doivent : / 1° Agir d'une manière honnête, loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts des clients ; / 2° Exercer leur activité, dans les limites autorisées par leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, au mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de service adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs (...) ".

9. D'autre part, il résulte des dispositions combinées de l'article L. 241-24-1 du code monétaire et financier et de l'article 421-13 du règlement général de l'AMF que la commercialisation en France de parts ou d'actions de fonds d'investissement alternatifs (FIA) gérés par une société établie dans un État membre de l'Union européenne est soumise, lorsqu'elle s'adresse à des clients non professionnels, à une autorisation de l'AMF et, lorsqu'elle est faite à l'égard de clients professionnels, à la double condition que le fonds soit géré par une société de gestion de portefeuille disposant d'un agrément et ait fait l'objet d'une notification à l'AMF.

10. L'ensemble de ces dispositions font reposer sur les conseillers en investissements financiers l'obligation d'exercer leur activité professionnelle dans le seul intérêt de leurs clients, ce qui exclut qu'ils puissent leur proposer des produits financiers dont la commercialisation ne serait pas autorisée en France et implique qu'ils procèdent aux vérifications minimales leur permettant de s'assurer que les produits financiers de droit étranger qu'ils conseillent à leurs clients de souscrire font l'objet d'une telle autorisation.

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Traditia a fait souscrire, entre le 18 septembre et le 24 octobre 2018, à six clients, dont cinq n'ayant pas la qualité de professionnels, des actions du fonds d'investissement alternatif réservé de droit luxembourgeois Mercureim EF1, pour un montant total de 1 480 000 euros, alors que ce fonds ne pouvait pas faire l'objet d'une commercialisation à l'égard de clients non-professionnels en l'absence d'autorisation délivrée par l'AMF. La circonstance que ces clients auraient été des investisseurs particulièrement avertis qui remplissaient les conditions prévues à l'article D. 533-12 du code monétaire et financier pour opter, à leur choix, pour la qualité de professionnel, tout comme le fait que ces clients ont ensuite fait usage, en 2019, de la possibilité de renonciation mentionnée au même article, ne conféraient pas à ces clients la qualité de professionnels et ne permettaient donc pas à la société Traditia de leur faire la proposition, à la date à laquelle elle est intervenue, de souscrire des actions du fonds d'investissement litigieux.

12. En deuxième lieu, si les requérants soutiennent que les clients concernés étaient informés des risques qu'ils prenaient et avaient librement accepté d'investir dans le fonds proposé, et mettent en avant les démarches entreprises par la société Traditia pour régulariser la situation de ces clients, ces circonstances ne sont pas de nature ni à exonérer la société de ses obligations professionnelles, ni à retirer aux faits litigieux leur particulière gravité.

13. En troisième lieu, si les requérants soutiennent que la société Traditia avait proposé les investissements litigieux après s'être assurée à la fois que le fonds proposé était éligible à une commercialisation à destination des professionnels, que cette commercialisation avait fait l'objet d'une notification à l'AMF et que la société Fuchs Asset management, gestionnaire du fonds, avait fait l'objet d'un agrément, ces considérations n'avaient pas à être prises en compte dès lors que la commercialisation s'adressait à des clients non-professionnels. Les requérants ne peuvent davantage utilement soutenir que la commission des sanctions a méconnu les principes de libre prestation de services et de libre circulation des capitaux et des produits financiers au sein de l'Union européenne et entaché sa décision d'erreur de droit et d'inexacte qualification juridique des faits pour avoir estimé que la société Fuchs Asset management ne pouvait, en sa qualité de société de gestion de portefeuille, mettre en œuvre la procédure de renonciation prévue à l'article D. 533-12 du code monétaire et financier en se prévalant de l'agrément d'entreprise d'investissement de la société Fuchs et Associés Finance, cette procédure de renonciation n'étant pas de nature à remettre en cause la qualité de clients non-professionnels au moment où est intervenue la commercialisation du fonds litigieux.

14. Enfin, l'absence, au demeurant non établie, de préjudice effectif pour les clients de la société Traditia est sans incidence sur la méconnaissance par cette société de ses obligations professionnelles ni sur leur particulière gravité.

15. Il résulte de ce qui précède que la commission des sanctions de l'AMF n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit et d'erreur de qualification juridique des faits qui lui étaient soumis, en estimant que la société Traditia avait manqué à son obligation d'agir conformément aux intérêts de ses clients en recommandant à cinq d'entre eux de souscrire un produit n'ayant pas reçu d'autorisation de commercialisation en France.

En ce qui concerne le manquement tiré de la réception par la société de fonds autres que ceux destinés à rémunérer son activité de conseiller en investissements financiers :

16. Aux termes de l'article L. 541-6 du code monétaire et financier, dans sa version alors applicable : " Un conseiller en investissements financiers ne peut pas recevoir d'instruments financiers de ses clients. Il ne peut recevoir de ceux-ci d'autres fonds que ceux destinés à rémunérer son activité ".

17. Il résulte de l'instruction que la société Traditia a encaissé 50 000 et 60 000 euros versés respectivement par Mmes de Berthier et Thibout-Moueix dans le cadre de deux contrats de prêts assortis d'intérêts au taux de 6 %. Si les requérants soutiennent, en produisant des attestations des deux prêteurs, que ces prêts ont été consentis à titre amical et personnel et avaient pour unique objet de permettre à la société Traditia de répondre à un besoin de financement, il résulte toutefois de l'instruction et il n'est pas contesté que les deux prêteurs étaient clients de la requérante en sa qualité de conseiller en investissements financiers antérieurement au versement de ces sommes, peu important la circonstance que le versement des prêts litigieux ne correspondait pas à l'exécution d'une lettre de mission ou ne résultait pas d'une recommandation personnalisée de la société Traditia.

18. Par suite, en estimant que la société Traditia avait méconnu les dispositions de l'article L. 541-6 du code monétaire et financier en ayant reçu de ses clients des fonds autres que ceux destinés à rémunérer son activité de conseiller en investissements financiers, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, qui ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts, a fait une exacte application de ces dispositions.

En ce qui concerne le manquement tiré de la méconnaissance de l'obligation d'agir avec loyauté et d'exercer son activité avec la diligence qui s'impose au mieux des intérêts de ses clients pour avoir conseillé à des clients de conclure des contrats de prêt avec un établissement non habilité à recevoir des fonds remboursables du public :

19. Aux termes de l'article L. 511-5 du code monétaire et financier : " Il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit ou une société de financement d'effectuer des opérations de crédit à titre habituel. / Il est, en outre, interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 312-2 du même code, dans sa version alors applicable : " Sont considérés comme fonds remboursables du public les fonds qu'une personne recueille d'un tiers, notamment sous la forme de dépôts, avec le droit d'en disposer pour son propre compte mais à charge pour elle de les restituer (...) ".

20. Il résulte de l'instruction que la société Traditia a, entre le 9 juin et le 21 juillet 2016, conseillé à huit de ses clients de conclure des contrats de prêt pour un montant total d'un million euros au profit de la société civile immobilière (SCI) AMF promotion. Si chacun de ces contrats de prêt stipulait que la SCI emprunteur s'engage, à l'égard du prêteur, à affecter majoritairement le montant de la somme prêtée au financement d'un projet immobilier précis, il était également prévu que les sommes non affectées à l'opération immobilière devraient être utilisées pour d'autres projets de promotion immobilière de l'emprunteur, sans que soient précisées les modalités de cette utilisation, notamment le montant ou la destination des sommes utilisables. Par suite, en retenant que la société AMF promotion pouvait décider du moment de l'investissement, ainsi que du montant qu'elle entendait investir et qu'en conséquence cette société pouvait disposer pour son propre compte des sommes prêtées par les clients de la requérante pour juger que la société AMF promotion avait, en percevant les fonds prêtés, exercé une activité de réception de fonds remboursables du public, la commission des sanctions de l'AMF n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, fait une inexacte application des dispositions citées au point précédent.

21. Par ailleurs, après avoir constaté que la SCI AMF promotion avait, en exécution des contrats de prêt litigieux, reçu des fonds provenant de huit clients différents pour un montant total d'un million d'euros, la commission des sanctions de l'AMF a pu légalement estimer que cette SCI avait reçu à titre habituel des fonds remboursables du public et qu'était sans incidence à cet égard la circonstance que l'opération n'ait porté que sur un seul projet.

Sur les sanctions prononcées :

22. D'une part, l'article L. 621-17 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " Tout manquement par les conseillers en investissements financiers définis à l'article L. 541-1 (...) aux lois, règlements et obligations professionnelles les concernant est passible des sanctions prononcées par la commission des sanctions selon les modalités prévues aux I, a et b du III et III bis à V de l'article L. 621-15 ". Aux termes du III de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable aux sanctions en litige : " Les sanctions applicables sont : / a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12°, 15° à 17° du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l'article L. 546-1 ; (...) / b) Pour les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12° et 15° à 17° du II de l'article L. 621-9, ou exerçant des fonctions dirigeantes, au sens de l'article L. 533-25, au sein de l'une de ces personnes, l'avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l'interdiction temporaire de négocier pour leur compte propre, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des activités ou de l'exercice des fonctions de gestion au sein d'une personne mentionnée aux 1° à 8°, 11°, 12° et 15° à 17° du II de l'article L. 621-9. La commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 millions d'euros ou au décuple du montant de l'avantage retiré du manquement si ce montant peut être déterminé, en cas de pratiques mentionnées au II du présent article (...) ". Aux termes du III ter de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, applicable aux sanctions en litige : " Dans la mise en œuvre des sanctions mentionnées aux III et III bis, il est tenu compte notamment : / de la gravité et de la durée du manquement ; / de la qualité et du degré d'implication de la personne en cause ; / de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s'agissant d'une personne physique de ses revenus annuels, s'agissant d'une personne morale de son chiffre d'affaires total ; / de l'importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne en cause, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; / des pertes subies par des tiers du fait du manquement, dans la mesure où elles peuvent être déterminées ; / du degré de coopération avec l'Autorité des marchés financiers dont a fait preuve la personne en cause, sans préjudice de la nécessité de veiller à la restitution de l'avantage retiré par cette personne ; / des manquements commis précédemment par la personne en cause ; / de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement ".

23. D'autre part, aux termes du V de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version applicable : " La décision de la commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée. (...) / La commission des sanctions peut décider de reporter la publication d'une décision ou de publier cette dernière sous une forme anonymisée ou de ne pas la publier dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes : / a) Lorsque la publication de la décision est susceptible de causer à la personne en cause un préjudice grave et disproportionné, notamment, dans le cas d'une sanction infligée à une personne physique, lorsque la publication inclut des données personnelles (...) ".

24. Par la décision attaquée, la commission des sanctions de l'AMF a relevé que l'ensemble des manquements retenus à l'encontre de la société Traditia, qui s'étaient étalés entre juin 2016 et octobre 2018 et ne revêtaient ainsi pas un caractère ponctuel, étaient imputables à M. A... de Saint-Seine. Si les requérants soutiennent que ces manquements ne concernent qu'un nombre limité de clients et qu'ils n'auraient pas été préjudiciables à ces derniers, il résulte toutefois de l'instruction que les trois manquements retenus sont graves et que, pour le premier d'entre eux, il n'est pas possible d'affirmer qu'il n'a causé aucun préjudice pour les clients concernés dès lors que l'investissement dans le fonds litigieux n'est pas arrivé à échéance.

25. Dès lors, en prononçant à l'encontre de M. A... de Saint-Seine un avertissement assorti d'une sanction pécuniaire d'un montant de 50 000 euros, la commission des sanctions de l'AMF n'a pas, au regard de la gravité, de la durée et de la nature des manquements reprochés à l'intéressé, dont les revenus se sont élevés à 217 868 euros en 2019 et qui n'a fourni aucun élément sur son patrimoine, infligé de sanctions disproportionnées.

26. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la publication de la décision de sanction litigieuse et la fixation à cinq ans de la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme aient causé aux requérants un préjudice disproportionné.

27. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée de la commission des sanctions de l'AMF doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Autorité des marchés financiers qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Traditia et de M. A... de Saint-Seine une somme de 1 500 euros chacun à verser à l'Autorité des marchés financiers, au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Traditia et de M. A... de Saint-Seine est rejetée.

Article 2 : La société Traditia et M. A... de Saint-Seine verseront chacun à l'Autorité des marchés financiers une somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Traditia, à Monsieur B... A... de Saint-Seine et à l'Autorité des marchés financiers.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 16 mai. 2022, n° 452191
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cédric Fraisseix
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP OHL, VEXLIARD ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Date de la décision : 16/05/2022
Date de l'import : 19/05/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 452191
Numéro NOR : CETATEXT000045809448 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-05-16;452191 ?
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