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29/04/2022 | FRANCE | N°447581

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 29 avril 2022, 447581


Vu la procédure suivante :

M. D... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 28 décembre 2018 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire. Par une décision n° 19014457 du 14 octobre 2020, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à sa demande et lui a reconnu la qualité de réfugié.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la co

nvention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à N...

Vu la procédure suivante :

M. D... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 28 décembre 2018 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire. Par une décision n° 19014457 du 14 octobre 2020, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à sa demande et lui a reconnu la qualité de réfugié.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés ;

- la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arno Klarsfeld, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'OFPRA ;

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, le 2° de la section A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés dispose que la qualité de réfugié est reconnue à " toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (...) ". Il résulte de l'article L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable à la date de la décision attaquée, que la qualité de réfugié est reconnue à toute personne qui répond aux définitions de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Selon l'article L. 711-2 du même code dans sa version applicable à la même date : " Pour que la qualité de réfugié soit reconnue, il doit exister un lien entre l'un des motifs de persécution et les actes de persécution ou l'absence de protection contre de tels actes. / Lorsque l'autorité compétente évalue si un demandeur craint avec raison d'être persécuté, il est indifférent que celui-ci possède effectivement les caractéristiques liées au motif de persécution ou que ces caractéristiques lui soient seulement attribuées par l'auteur des persécutions ".

2. D'autre part, conformément au paragraphe 3 de l'article 4 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, il y a lieu de procéder à l'évaluation individuelle d'une demande de protection internationale en tenant compte de l'ensemble des éléments pertinents, notamment le statut personnel et la situation personnelle du demandeur, y compris des facteurs comme son passé, son sexe et son âge, pour déterminer si, compte tenu de la situation personnelle du demandeur, les actes auxquels le demandeur a été ou risque d'être exposé pourraient être considérés comme une persécution ou une atteinte grave.

3. Il résulte des stipulations et dispositions précédemment mentionnées que les opinions politiques susceptibles d'ouvrir droit à la protection internationale ne peuvent être regardées comme résultant de la seule appartenance à une institution de l'Etat que lorsque celle-ci subordonne l'accès des personnes à un emploi en son sein à une adhésion à de telles opinions, ou agit sur leur seul fondement, ou combat exclusivement tous ceux qui s'y opposent. En outre, la qualité de réfugié est susceptible d'être reconnue à un demandeur qui craint avec raison de subir des actes de persécution en cas de retour dans son pays d'origine en raison de ses activités passées au sein d'une institution de l'Etat, sans pouvoir bénéficier de la protection effective des autorités nationales, lorsque, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce relatives à sa situation individuelle, notamment à la nature et au niveau des responsabilités qu'il y a exercées, aux activités auxquelles il a pris part, aux motivations personnelles qui l'ont amené à s'engager au sein de cette institution et à la perception que les acteurs des persécutions en cause sont susceptibles d'en avoir, un lien peut être établi entre ces persécutions et les opinions politiques que ces derniers lui attribuent personnellement.

4. Pour reconnaître à M. A... la qualité de réfugié, par sa décision rendue le 14 octobre 2020, la Cour nationale du droit d'asile s'est notamment fondée sur ce que, quand bien même son engagement au sein de la police nationale d'ordre public afghane (ANCOP) ne saurait traduire en soi l'expression d'une conviction politique, des opinions politiques favorables aux autorités de l'Etat lui sont nécessairement imputées par les talibans du fait de leur combat contre ces dernières, dès lors que les insurgés assimilent les membres de la police, notamment, à ces autorités. En statuant ainsi, sans rechercher l'existence d'un lien entre les persécutions alléguées par le demandeur et des opinions politiques que les talibans lui attribueraient personnellement eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce relatives sa situation individuelle et alors qu'elle relevait que l'activité de M. A... au sein de l'ANCOP n'impliquait pas par elle-même l'adhésion à des opinions politiques de nature à motiver les persécutions qu'il disait craindre, la Cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'OFPRA est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée de la Cour nationale du droit d'asile.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 14 octobre 2020 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'OFPRA et à M. D... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 31 mars 2022 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et M. Arno Klarsfeld, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 29 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

Le rapporteur :

Signé : M. Arno Klarsfeld

La secrétaire :

Signé : Mme B... C...


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 447581
Date de la décision : 29/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 avr. 2022, n° 447581
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Arno Klarsfeld
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:447581.20220429
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