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26/04/2022 | FRANCE | N°453613

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 26 avril 2022, 453613


Vu la procédure suivante :

M. E... A... D... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 28 avril 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.

Par une décision n° 20016043 du 12 avril 2021, la Cour nationale du droit d'asile a annulé la décision de l'OFPRA et reconnu la qualité de réfugié à M. A... D....

Par un pourvoi sommaire

et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 juin et 14 septembre 2021 au secrétariat d...

Vu la procédure suivante :

M. E... A... D... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 28 avril 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.

Par une décision n° 20016043 du 12 avril 2021, la Cour nationale du droit d'asile a annulé la décision de l'OFPRA et reconnu la qualité de réfugié à M. A... D....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 juin et 14 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code pénal ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. A... D... ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l'article L. 711-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, le statut de réfugié n'est pas accordé à une personne qui relève d'une clause d'exclusion prévue au F de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951. Aux termes des stipulations de ce F : " Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : a) qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ; b) qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiés ; c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. ".

2. Par une décision du 28 avril 2020, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté la demande d'asile présentée par M. A... D..., au motif qu'il y avait des raisons sérieuses de penser, d'une part, que, lorsqu'il servait dans l'armée tchadienne, il s'était rendu coupable de crimes graves de droit commun au sens de la clause d'exclusion du b) précité, et, d'autre part, que, lorsqu'il était membre de groupes armés en Lybie, il s'était rendu coupable de crimes de guerre, de crimes graves de droit commun et d'agissements contraires aux buts et principes des Nations-Unies, au sens des a), b) et c). L'OFPRA se pourvoit en cassation contre la décision du 12 avril 2021 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a reconnu la qualité de réfugié à M. A... D....

3. D'une part, il ressort des énonciations non contestées de la décision de la Cour nationale du droit d'asile que, engagé volontaire comme soldat dans l'armée tchadienne et affecté à une mission de contrôle dans le nord du pays, M. A... D... a personnellement et régulièrement participé aux activités habituelles de son unité consistant à exiger des civils contrôlés la remise des biens de valeur qu'ils détenaient et à user de violences à l'encontre des personnes récalcitrantes. Eu égard, d'une part, à la nature des infractions en cause, assimilable à une pratique d'extorsion en bande organisée, réprimée en France de vingt ans de réclusion criminelle par l'article 312-6 du code pénal, peine portée à la réclusion criminelle à perpétuité en cas d'usage ou de menace d'une arme, d'autre part, à la gravité des faits en cause, incluant le recours répété à la violence par un militaire à l'encontre de civils pendant deux ans, la Cour nationale du droit d'asile a inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que les faits reprochés à M. A... D... n'atteignaient pas un degré de gravité suffisant pour être qualifiés de crime grave de droit commun au sens des stipulations rappelées au point 1.

4. D'autre part, s'il est constant que M. A... D... se trouvait, dans l'exercice de ses fonctions, sous les ordres de ses supérieurs hiérarchiques et que la désobéissance pouvait donner lieu à des sanctions sévères, il ne pouvait ignorer le caractère gravement illégal des exactions qu'il était amené à commettre personnellement et de façon répétée. S'il a déclaré avoir pris conscience du tort ainsi causé aux civils et regretté ses agissements, il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour qu'il a également justifié son départ de l'armée tchadienne, après deux années de service, par des questions de rémunération, par la faible considération qui lui était portée et par l'absence de perspectives de progression au sein de la hiérarchie militaire. Dans ces conditions, la Cour nationale du droit d'asile ne pouvait, sans entacher sa décision d'inexacte qualification juridique des faits, juger qu'en raison de la contrainte qu'il subissait et de la désolidarisation qu'il aurait manifestée, il n'existait pas de raisons sérieuses de penser qu'une part personnelle de responsabilité pouvait lui être reprochée dans la commission des actes précédemment mentionnés.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'OFPRA est fondé à demander l'annulation de la décision de la CNDA.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'OFPRA, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 12 avril 2021 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. D... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. E... A... D....

Délibéré à l'issue de la séance du 17 mars 2022 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Alexandre Lallet, conseiller d'Etat et Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 26 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Myriam Benlolo Carabot

La secrétaire :

Signé : Mme B... C...


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 453613
Date de la décision : 26/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 avr. 2022, n° 453613
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Myriam Benlolo Carabot
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:453613.20220426
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