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26/04/2022 | FRANCE | N°449780

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 26 avril 2022, 449780


Vu la procédure suivante :

M. B... I... et Mme R... I... née G... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la décision du 28 novembre 2017 par laquelle la présidente du conseil départemental de la Drôme a confirmé leur radiation du dispositif du revenu de solidarité active à compter du 1er janvier 2016 ainsi qu'un indu de 10 681,38 euros pour la période du 1er janvier 2016 au 30 avril 2017 et de les rétablir dans leurs droits au revenu de solidarité active et, d'autre part, d'annuler la décision du 12 février 2018 par laquelle la président

e du conseil départemental de la Drôme a rejeté leur demande de remis...

Vu la procédure suivante :

M. B... I... et Mme R... I... née G... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la décision du 28 novembre 2017 par laquelle la présidente du conseil départemental de la Drôme a confirmé leur radiation du dispositif du revenu de solidarité active à compter du 1er janvier 2016 ainsi qu'un indu de 10 681,38 euros pour la période du 1er janvier 2016 au 30 avril 2017 et de les rétablir dans leurs droits au revenu de solidarité active et, d'autre part, d'annuler la décision du 12 février 2018 par laquelle la présidente du conseil départemental de la Drôme a rejeté leur demande de remise gracieuse de cet indu. Par un jugement nos 1800374, 1802301 du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rétabli M. et Mme I... dans leurs droits au revenu de solidarité active, a annulé la décision du 28 novembre 2017, les a déchargés du remboursement de l'indu et a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions relatives à la demande de remise gracieuse.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 février et 17 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de la Drôme demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les demandes de première instance de M. et Mme I....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Manon Chonavel, auditrice,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat du département de la Drôme et à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. et Mme I... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme I... sont arrivés en France au mois de décembre 2014 sous couvert d'un visa délivré en qualité d'ascendants à charge d'un ressortissant de nationalité française avant d'obtenir, sur le fondement du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 423-11 de ce code, une carte de résident valable du 13 avril 2015 au 12 avril 2025. Par une décision du 10 avril 2017, la présidente du conseil départemental de la Drôme a mis fin à leur droit au revenu de solidarité active et, par une décision du 4 mai 2017, la caisse d'allocations familiales de la Drôme a mis à leur charge le remboursement d'un indu de revenu de solidarité active de 10 681,38 euros pour la période du 1er janvier 2016 au 30 avril 2017. Sur le recours administratif préalable formé par M. et Mme I..., la présidente du conseil départemental de la Drôme a, le 28 novembre 2018, confirmé ces deux décisions au motif que, ayant été admis sur le territoire en qualité d'ascendants à charge d'un ressortissant de nationalité française et alors que leur fils s'était engagé à les prendre en charge financièrement pendant leur séjour en France, ils ne remplissaient pas la condition de ressources pour bénéficier du revenu de solidarité active. Enfin, par une décision du 12 février 2018, la présidente du conseil départemental de la Drôme a rejeté leur demande de remise gracieuse de l'indu. Le département de la Drôme se pourvoit en cassation contre le jugement du 16 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, saisi par M. et Mme I..., les a rétablis dans leurs droits au revenu de solidarité active, les a déchargés du paiement de l'indu et a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 12 février 2018 rejetant leur demande de remise gracieuse.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un montant forfaitaire, a droit au revenu de solidarité active dans les conditions définies au présent chapitre ", l'article L. 262-3 du même code précisant que l'ensemble des ressources du foyer, y compris celles qui sont mentionnées à l'article L. 132-1 de ce code, est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active. Aux termes de l'article L. 262-4 du même code : " Le bénéfice du revenu de solidarité active est subordonné au respect, par le bénéficiaire, des conditions suivantes : / (...) 2° Etre français ou titulaire, depuis au moins cinq ans, d'un titre de séjour autorisant à travailler. Cette condition n'est pas applicable : a) (...) aux étrangers titulaires de la carte de résident (...) ".

3. D'autre part, en vertu du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour aux ascendants d'un ressortissant de nationalité française et de son conjoint qui sont à sa charge. Aux termes de l'article R. 314-2 du même code : " Pour l'application des dispositions des articles L. 314-11 et L. 314-12, l'étranger présente à l'appui de sa demande : (...) 5° Les pièces justifiant qu'il entre dans l'un des cas prévus aux articles L. 314-11 et L. 314-12 pour se voir délivrer de plein droit la carte de résident (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que, si la circonstance qu'un étranger soit titulaire d'une carte de résident délivrée sur le fondement du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 423-11 de ce code, ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce qu'il puisse bénéficier du revenu de solidarité active, le titulaire d'une telle carte est réputé entièrement pris en charge par son descendant et ne saurait dès lors, en principe, être regardé comme remplissant la condition de ressources prévue par les dispositions citées au point 2. Il ne peut en aller autrement que si l'intéressé, invoquant un changement dans sa situation à cet égard depuis la délivrance de ce titre de séjour, justifie qu'il ne peut plus, du fait de ce changement, être regardé comme entièrement pris en charge par son descendant, la condition de ressources devant être alors examinée au regard de l'ensemble des ressources du foyer.

5. Par suite, en jugeant que le titulaire d'une carte de résident en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant de nationalité française pouvait bénéficier du revenu de solidarité active alors même qu'il n'invoquerait aucun changement dans sa situation depuis la délivrance de ce titre, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, le département de la Drôme est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.

7. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du département de la Drôme, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 16 décembre 2020 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Grenoble.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. et Mme I... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... I... et Mme R... I... née G... et au département de la Drôme.

Délibéré à l'issue de la séance du 30 mars 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme C... Q..., Mme F... P..., présidentes de chambre ; M. D... O..., Mme E... H..., Mme L... N..., M. M... K..., M. Damien Botteghi, conseillers d'Etat et Mme Manon Chonavel, auditrice-rapporteure.

Rendu le 26 avril 2022.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

La rapporteure :

Signé : Mme Manon Chonavel

La secrétaire :

Signé : Mme A... J...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 449780
Date de la décision : 26/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

AIDE SOCIALE - DIFFÉRENTES FORMES D'AIDE SOCIALE - REVENU MINIMUM D'INSERTION (RMI) - RSA – ÉTRANGER TITULAIRE D'UNE CARTE DE RÉSIDENT DÉLIVRÉE EN SA QUALITÉ D'ASCENDANT DE RESSORTISSANT FRANÇAIS À CHARGE (2° DE L’ART - L - 314-11 DU CESEDA) – DROIT À L'ALLOCATION – 1) ABSENCE - EN PRINCIPE [RJ1] – 2) EXISTENCE - S’IL JUSTIFIE NE PLUS ÊTRE ENTIÈREMENT PRIS EN CHARGE PAR SON DESCENDANT.

04-02-06 1) Si la circonstance qu’un étranger soit titulaire d’une carte de résident délivrée sur le fondement du 2° de l’article L. 314-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), dont les dispositions sont désormais reprises à l’article L. 423-11 de ce code, ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce qu’il puisse bénéficier du revenu de solidarité active, le titulaire d’une telle carte est réputé entièrement pris en charge par son descendant et ne saurait dès lors, en principe, être regardé comme remplissant la condition de ressources prévue par les articles L. 262-2, L. 262-3 et L. 262-4 du code de l’action sociale et des familles (CASF). ...2) Il ne peut en aller autrement que si l’intéressé, invoquant un changement dans sa situation à cet égard depuis la délivrance de ce titre de séjour, justifie qu’il ne peut plus, du fait de ce changement, être regardé comme entièrement pris en charge par son descendant, la condition de ressources devant être alors examinée au regard de l’ensemble des ressources du foyer.

ÉTRANGERS - SÉJOUR DES ÉTRANGERS - AUTORISATION DE SÉJOUR - OCTROI DU TITRE DE SÉJOUR - ÉTRANGER TITULAIRE D'UNE CARTE DE RÉSIDENT DÉLIVRÉE EN SA QUALITÉ D'ASCENDANT DE RESSORTISSANT FRANÇAIS À CHARGE (2° DE L’ART - L - 314-11 DU CESEDA) – DROIT À L'ALLOCATION DU RSA – 1) ABSENCE - EN PRINCIPE [RJ1] – 2) EXISTENCE - S’IL JUSTIFIE NE PLUS ÊTRE ENTIÈREMENT PRIS EN CHARGE PAR SON DESCENDANT.

335-01-02-02 1) Si la circonstance qu’un étranger soit titulaire d’une carte de résident délivrée sur le fondement du 2° de l’article L. 314-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), dont les dispositions sont désormais reprises à l’article L. 423-11 de ce code, ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce qu’il puisse bénéficier du revenu de solidarité active, le titulaire d’une telle carte est réputé entièrement pris en charge par son descendant et ne saurait dès lors, en principe, être regardé comme remplissant la condition de ressources prévue par les articles L. 262-2, L. 262-3 et L. 262-4 du code de l’action sociale et des familles (CASF). ...2) Il ne peut en aller autrement que si l’intéressé, invoquant un changement dans sa situation à cet égard depuis la délivrance de ce titre de séjour, justifie qu’il ne peut plus, du fait de ce changement, être regardé comme entièrement pris en charge par son descendant, la condition de ressources devant être alors examinée au regard de l’ensemble des ressources du foyer.


Références :

[RJ1]

Rappr., s’agissant du revenu minimum d’insertion, CE, 27 juin 2001, Mme Haddad, n° 216335, p. 285.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 avr. 2022, n° 449780
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Manon Chonavel
Rapporteur public ?: M. Arnaud Skzryerbak
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH ; SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 29/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:449780.20220426
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