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22/04/2022 | FRANCE | N°459985

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 22 avril 2022, 459985


Vu la procédure suivante :

Mme D... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 7 octobre 2021 par laquelle le directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille l'a suspendue de ses fonctions à compter du 16 septembre 2021 et d'ordonner la suspension de l'exécution des titres de recettes émis à son encontre. Par une ordonnance n° 2110359 du 13 décembre 2021, le juge des référés a suspendu la

décision du 7 octobre 2021, enjoint à l'administration de placer Mme B....

Vu la procédure suivante :

Mme D... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 7 octobre 2021 par laquelle le directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille l'a suspendue de ses fonctions à compter du 16 septembre 2021 et d'ordonner la suspension de l'exécution des titres de recettes émis à son encontre. Par une ordonnance n° 2110359 du 13 décembre 2021, le juge des référés a suspendu la décision du 7 octobre 2021, enjoint à l'administration de placer Mme B... en position de congé maladie jusqu'au 8 janvier 2022 et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 décembre 2021 et 14 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille et à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Marseille que, par une décision du 7 octobre 2021 avec effet rétroactif à compter du 16 septembre 2021, le directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille a suspendu Mme B..., adjoint administratif principal titulaire en fonction au sein de cet établissement de santé, jusqu'à ce qu'elle satisfasse à l'obligation de vaccination contre la covid-19 prévue par l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. L'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 13 décembre 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a ordonné la suspension de l'exécution de cette décision, sur le fondement des dispositions, citées ci-dessus, de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, désormais repris aux articles L. 822-1 et suivants du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité à droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42 ".

4. D'autre part, aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (...) ". Et aux termes du III de l'article 14 de la même loi : " Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit (...) ".

5. En premier lieu, Mme B... étant en congé de maladie à la date de la décision contestée du 7 octobre 2021, la mention par laquelle l'ordonnance attaquée fait état d'un moyen tiré de ce qu'une mesure de suspension ne peut prendre effet lorsque l'agent se trouve en congé annuel, revêt le caractère d'une simple erreur de plume, sans incidence sur son bien-fondé.

6. En deuxième lieu, il résulte de dispositions citées au points 3. et 4. que si le directeur d'un établissement de santé public peut légalement prendre une mesure de suspension à l'égard d'un agent qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale contre la covid-19 alors que cet agent est déjà en congé de maladie, cette mesure et la suspension de traitement qui lui est associée ne peuvent toutefois entrer en vigueur qu'à compter de la date à laquelle prend fin le congé de maladie de l'agent en question. Par suite, en jugeant, pour suspendre l'exécution de la décision de suspension du 7 octobre 2021 qui visait Mme B..., que le moyen tiré de ce que cette décision ne pouvait prendre effet dès lors que l'intéressée était en congé de maladie depuis le 24 septembre précédent et devait voir son entrée en vigueur différée au terme du congé maladie était de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit.

7. En second lieu, en estimant, pour juger que la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative était remplie, que la décision de suspension contestée portait à la situation financière de Mme B... une atteinte suffisamment grave et immédiate et qu'aucun intérêt public tenant à la protection de la santé publique ne s'attachait au maintien de son exécution, le juge des référés, dont l'ordonnance est suffisamment motivée ce point, a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine, exempte de dénaturation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille la somme de 1 500 euros à verser à Mme B..., au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille est rejeté.

Article 2 : L'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille versera à Mme B... une somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille et à Madame D... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 10 mars 2022 où siégeaient : M. Denis Piveteau, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 22 avril 2022

Le président :

Signé : M. Denis Piveteau

La rapporteure :

Signé : Mme Ségolène Cavaliere

La secrétaire :

Signé : Mme C... A...


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 459985
Date de la décision : 22/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 avr. 2022, n° 459985
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ségolène Cavaliere
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : SCP GUÉRIN - GOUGEON ; SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:459985.20220422
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