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22/04/2022 | FRANCE | N°451505

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 22 avril 2022, 451505


Vu la procédure suivante :

La société Drofer, M. B... H..., M. G... F... et M. D... C... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 23 novembre 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a déclaré insalubre à titre irrémédiable l'immeuble dont ils sont copropriétaires. Par une ordonnance n° 2102774 du 22 mars 2021, le juge des référés a rejeté leur demande.

Par un pourvoi sommaire et un

mémoire complémentaire, enregistrés les 8 et 26 avril 2021 au secrétariat du con...

Vu la procédure suivante :

La société Drofer, M. B... H..., M. G... F... et M. D... C... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 23 novembre 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a déclaré insalubre à titre irrémédiable l'immeuble dont ils sont copropriétaires. Par une ordonnance n° 2102774 du 22 mars 2021, le juge des référés a rejeté leur demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 et 26 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Drofer et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Hortense Naudascher, auditrice,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Goldman Laurent, avocat de la Société Drofer, de M. H..., de M. F... et de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un arrêté du 23 novembre 2020, le préfet des Hauts-de-Seine a déclaré insalubre à titre irrémédiable un immeuble situé à Clichy, prononcé l'interdiction définitive de l'habiter et ordonné sa démolition. La société Drofer et trois autres copropriétaires de cet immeuble se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 22 mars 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté leur demande de suspension de l'exécution de cet arrêté.

2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. D'autre part, le quatrième alinéa de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique dispose, dans sa rédaction applicable, que : " L'insalubrité d'un bâtiment doit être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction ". Ces dispositions permettent à l'autorité compétente de caractériser d'irrémédiable l'insalubrité d'un immeuble et de prononcer, par suite, l'interdiction définitive de l'habiter ainsi que, le cas échéant, de l'utiliser et l'obligation de le détruire. Pour leur application, le coût de reconstruction de l'immeuble doit être apprécié en y incorporant le coût de démolition de l'immeuble concerné.

4. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que n'était pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté le moyen tiré de ce que le coût de reconstruction évalué par l'administration n'avait pas incorporé le coût de démolition de l'immeuble concerné, le juge des référés a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société Drofer et autres sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer en référé sur la demande présentée par la société Drofer et autres, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Eu égard à la gravité des conséquences qu'emporte, par sa nature même, la démolition de bâtiments, la condition d'urgence doit être présumée lorsque le propriétaire de l'immeuble qui en est l'objet en demande la suspension. L'autorité administrative n'invoquant, en l'état de l'instruction, aucune circonstance particulière faisant apparaître, soit que l'exécution de la mesure de démolition n'affecterait pas gravement la situation des copropriétaires, soit qu'un intérêt public s'attache à l'exécution rapide de cette mesure, la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

8. Il résulte de l'instruction que, d'une part, le coût des travaux nécessaires à la résorption de l'insalubrité du bâtiment est évalué à 2 686 827,92 euros et, d'autre part, que le coût de sa reconstruction, dans lequel, ainsi qu'il a été dit au point 3, doit être inclus le coût de sa démolition, est évalué à 2 991 233,31 euros. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté est fondé sur une évaluation inexacte du coût de reconstruction de la partie de l'immeuble concernée est, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à sa légalité.

9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur demande, la société Drofer et autres sont fondés à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté qu'ils attaquent.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros chacun à verser à la société Drofer, à M. H..., à F... et à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés tant devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise que devant le Conseil d'Etat.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 22 mars 2021 est annulée.

Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 23 novembre 2020 du préfet des Hauts-de-Seine est suspendue.

Article 3 : L'Etat versera à la société Drofer, à M. H..., à F... et à M. C... la somme de 1 000 euros chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Drofer, à M. B... H..., à M. G... F..., à M. D... C..., à la ministre de la transition écologique et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré à l'issue de la séance du 10 mars 2022 où siégeaient : M. Denis Piveteau, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et Mme Hortense Naudascher, auditrice-rapporteure.

Rendu le 22 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Denis Piveteau

La rapporteure :

Signé : Mme Hortense Naudascher

La secrétaire :

Signé : Mme E... A...


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 451505
Date de la décision : 22/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 avr. 2022, n° 451505
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Hortense Naudascher
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : GOLDMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:451505.20220422
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