La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/04/2022 | FRANCE | N°441690

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 21 avril 2022, 441690


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 441690, par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 juillet 2020, 2 décembre 2021 et 28 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la fédération des experts comptables et des commissaires aux comptes de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2020-667 du 2 juin 2020 relatif à la Compagnie nationale et aux compagnies régionales des commissaires aux comptes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000

euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 441690, par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 juillet 2020, 2 décembre 2021 et 28 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la fédération des experts comptables et des commissaires aux comptes de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2020-667 du 2 juin 2020 relatif à la Compagnie nationale et aux compagnies régionales des commissaires aux comptes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 441720, par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 juillet 2020, 2 décembre 2021 et 28 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. J... H... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2020-667 du 2 juin 2020 relatif à la Compagnie nationale et aux compagnies régionales des commissaires aux comptes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le n° 441722, par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 juillet 2020, 2 décembre 2021 et 28 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. O... E... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2020-667 du 2 juin 2020 relatif à la Compagnie nationale et aux compagnies régionales des commissaires aux comptes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la fédération des experts comptables et des commissaires aux comptes de France et de MM. H... et E... ;

Considérant ce qui suit :

1. Les trois requêtes visées ci-dessus tendent à l'annulation du même décret. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Aux termes de l'article L. 821-6 du code de commerce : " Il est institué auprès du garde des sceaux, ministre de la justice, une Compagnie nationale des commissaires aux comptes, établissement d'utilité publique doté de la personnalité morale, chargée de représenter la profession de commissaire aux comptes auprès des pouvoirs publics. / Elle concourt au bon exercice de la profession, à sa surveillance ainsi qu'à la défense de l'honneur et de l'indépendance de ses membres. / Il est institué une compagnie régionale des commissaires aux comptes, dotée de la personnalité morale, par ressort de cour d'appel. Toutefois, le garde des sceaux, ministre de la justice, peut procéder à des regroupements, après avis de la compagnie nationale et après consultation, par cette dernière, des compagnies régionales intéressées ". L'article L. 821-15 du même code dispose que les conditions d'application du chapitre au sein duquel est inséré l'article L. 821-6 " sont fixées par décret en Conseil d'Etat ".

3. La Compagnie nationale des commissaires aux comptes, qui regroupe, en vertu de l'article R. 821-23 du code de commerce, tous les commissaires aux comptes ainsi que l'ensemble des sociétés de commissaires aux comptes, comporte en son sein le conseil national des commissaires aux comptes. Aux termes de l'article R. 821-46 du même code : " Le Conseil national est chargé de l'administration de la Compagnie nationale et de la gestion de ses biens. / Il donne son avis, lorsqu'il y est invité par le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les projets de loi et de décret qui lui sont soumis, ainsi que sur les questions entrant dans ses attributions. / Il soumet aux pouvoirs publics toutes propositions utiles relatives à l'organisation professionnelle et à la mission des commissaires aux comptes. / Il prend les décisions qui sont de la compétence de la Compagnie nationale en vertu du présent titre, et notamment de ses articles R. 821-25 et R. 821-26. / Sur proposition du bureau, il adopte le budget de la Compagnie nationale, en répartit la charge entre les compagnies régionales et adopte son règlement intérieur ".

4. Le décret du 2 juin 2020 relatif à la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et compagnies régionales de commissaires aux comptes, dont les requérants demandent l'annulation pour excès de pouvoir, introduit dans le code de commerce des dispositions modifiant notamment la composition du conseil national ainsi que les conditions d'éligibilité pour y siéger. L'article R. 821-37 de ce code dispose désormais, dans sa nouvelle version issue du décret : " I- Le Conseil national est composé de soixante membres désignés pour une durée de quatre ans, qui comprennent l'ensemble des présidents de compagnies régionales et des commissaires aux comptes élus. / Il comprend pour moitié des commissaires aux comptes exerçant une ou plusieurs missions de certification auprès d'entités d'intérêt public et pour moitié des commissaires aux comptes n'exerçant pas de mission de certification auprès d'entités d'intérêt public. / Un premier collège d'électeurs est composé des commissaires aux comptes personnes physiques à jour de leurs cotisations professionnelles, exerçant une ou plusieurs missions de certification auprès d'entités d'intérêt public. Un second collège est composé des commissaires aux comptes personnes physiques à jour de leurs cotisations professionnelles, n'exerçant pas de mission de certification auprès d'entités d'intérêt public. / Lorsqu'il exerce en société, chaque commissaire aux comptes relève du collège auquel appartient la société. / La Compagnie nationale répartit les commissaires aux comptes entre les deux collèges en fonction de leur activité au 30 juin de l'année d'expiration des mandats. / Seules sont éligibles les personnes physiques exerçant une ou plusieurs missions de certification au 30 juin de l'année d'expiration des mandats. / Le nombre de commissaires aux comptes élus au sein de chacun des collèges est déterminé en soustrayant le nombre de présidents de compagnies régionales relevant de sa catégorie des trente sièges qui lui sont attribués ".

5. En premier lieu, il résulte des dispositions, citées au point 2, de l'article L. 821-15 du code de commerce que le législateur a renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions d'organisation et de fonctionnement de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, dont relèvent les dispositions relatives au conseil national des commissaires aux comptes. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du pouvoir réglementaire ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, il ressort de la copie de la minute de la section des finances du Conseil d'Etat versée au dossier par le garde des sceaux que le texte publié ne contient pas de dispositions qui diffèreraient à la fois du projet initial du Gouvernement et du texte adopté par le Conseil d'Etat. Le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait, pour ce motif, été pris à l'issue d'une procédure irrégulière doit, par suite, être écarté comme manquant en fait.

7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la composition du conseil national prévue par le décret attaqué comporte deux collèges comprenant, d'une part, des commissaires aux comptes exerçant une ou des missions de certification auprès d'entités d'intérêt public, c'est-à-dire notamment, selon la définition donnée au III de l'article L. 820-1 du code de commerce, d'établissements de crédit, d'entreprises d'assurance, d'institutions de prévoyance ainsi que de sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé, et, d'autre part, des commissaires aux comptes n'exerçant pas de telles missions. Eu égard à la spécificité des missions de certification exercées auprès d'entités d'intérêt public et des obligations propres qui en découlent ainsi que des enjeux particuliers qui s'y attachent mais aussi au poids économique des commissaires aux comptes qui exercent des missions de certification auprès d'entités d'intérêt public, justifiant que ces deux catégories de commissaires aux comptes soient soumises à des procédures de contrôle distinctes en vertu de l'article L. 821-9 du code de commerce, la distinction opérée par le décret vise à garantir que, en dépit de leur poids démographique limité dans l'ensemble de cette profession, une correcte représentation des commissaires aux comptes exerçant des missions de certification auprès d'entités d'intérêt public soit assurée. Par suite, le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en prévoyant une telle distinction doit être écarté.

8. En quatrième lieu, si les commissaires aux comptes n'exerçant aucune mission de certification auprès d'entités d'intérêt public constituent une grande majorité au sein de cette profession, le décret attaqué, qui vise, comme il a été dit au point précédent, à assurer une représentation effective des deux catégories de la profession auprès des pouvoirs publics eu égard à leurs spécificités, ne méconnaît pas le principe de représentativité. Il ne méconnaît pas davantage le principe d'égalité dès lors que les différences qu'il emporte sont en rapport direct avec les missions dévolues au conseil national, notamment chargé de soumettre aux pouvoirs publics toutes propositions utiles relatives à l'organisation et à la mission des commissaires aux comptes, sans être manifestement disproportionnées au regard de l'importance des différences caractérisant l'exercice de leurs missions respectives.

9. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prévoyant, d'une part, que les commissaires aux comptes exerçant dans une société sont affectés à un collège en fonction de l'activité de leur société, d'autre part, que la répartition des commissaires aux comptes entre les deux collèges est déterminée au regard de leur activité au 30 juin de l'année de l'élection et, enfin, que seules sont éligibles les personnes physiques exerçant une ou plusieurs missions de certification à cette même date, le pouvoir réglementaire, qui a entendu, ce faisant, fixer des règles d'application simple, ait commis une erreur manifeste d'appréciation ni méconnu l'objectif constitutionnel de clarté et d'intelligibilité de la norme, nonobstant la difficulté pouvant résulter de la circonstance que le décret prévoit par ailleurs que chaque président de compagnie régionale des commissaires aux comptes est membre de droit du collège dont il relève. La circonstance que le décret n'ait pas précisé les conséquences à tirer, en cours de mandat, du changement d'activité d'un élu ou de la démission d'un président de compagnie régionale membre de droit est sans incidence à cet égard.

10. Enfin, il ressort des pièces du dossier que les règles de l'organisation des élections tenues en septembre 2020 ont donné lieu à une concertation préalable et étaient connues avant même la publication du décret attaqué, dès l'entrée en vigueur de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises. Le moyen tiré de ce que le décret méconnaît le principe de sécurité juridique faute de comporter des dispositions transitoires pour l'organisation de ces élections doit dès lors, en tout état de cause, être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret qu'ils attaquent.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de la fédération des experts comptables et des commissaires aux comptes de France, de M. H... et de M. E... sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la fédération des experts comptables et des commissaires aux comptes de France, à M. J... H..., à M. O... E..., au garde des sceaux, ministre de la justice, et au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 23 mars 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. B... K..., M. Fabien Raynaud, présidents de chambre ; M. P... F..., Mme I... N..., M. G... L..., M. A... M..., Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson, conseillers d'Etat et M. Bruno Bachini, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 21 avril 2022.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Bruno Bachini

La secrétaire :

Signé : Mme D... C...


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 441690
Date de la décision : 21/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 avr. 2022, n° 441690
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:441690.20220421
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award