Vu la procédure suivante :
M. C... G..., Mme E... D..., M. B... A... et Mme H... F... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du maire de Willems (Nord) refusant d'abroger les articles 3, 6 et 15 du règlement intérieur du conseil municipal adopté par délibération du 24 mai 2020 et ont également demandé au tribunal administratif l'annulation de la délibération du 30 septembre 2020 modifiant l'article 15 du règlement intérieur. Par une ordonnance n° 2100653 du 11 mars 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a suspendu l'exécution de la décision implicite du maire de Willems refusant d'abroger l'article 15 du règlement intérieur du conseil municipal en tant qu'il exclut qu'un espace soit réservé aux élus n'appartenant pas à la majorité dans le bulletin mensuel d'information municipal et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mars et 9 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Willems demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant au titre du référé, de rejeter la demande en référé ;
3°) de mettre à la charge, solidairement, de M. G..., de Mme D..., de M. A... et de Mme F... la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 :
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Juliana Nahra, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune de Willems et à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de M. C... G... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Lille que M. C... G..., Mme E... D..., M. B... A... et Mme H... F..., conseillers municipaux d'opposition de la commune de Willems (Nord), ont par courrier du 28 septembre 2020, reçu le 29 septembre, demandé au maire de Willems d'abroger, notamment, les dispositions de l'article 15 du règlement intérieur, dans sa version issue de la délibération du 24 mai 2020, en tant qu'une tribune de l'opposition était prévue dans la seule publication annuelle et non dans la publication mensuelle d'information de la commune. Le 30 septembre 2020, la commune a adopté une nouvelle délibération transmise à la préfecture au titre du contrôle de légalité le 12 octobre suivant, modifiant à la demande du préfet l'article 15 relatif aux modalités du droit à l'expression des conseillers municipaux dans le bulletin d'information, dans les termes suivants : " les conseillers municipaux qui n'appartiennent pas à la majorité municipale disposent d'un espace dans le bulletin municipal d'informations générales sur les réalisations et la gestion du conseil municipal pour s'exprimer sur les affaires communales (...) ". M. G..., Mme D..., M. A... et Mme F... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille de suspendre l'exécution de la décision de refus née du silence gardé par le maire de Willems sur leur demande d'abroger les articles 3, 6 et 15 du règlement intérieur du conseil municipal adopté par délibération du 24 mai 2020 et modifié par délibération du 30 septembre 2020. Par une ordonnance du 11 mars 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a fait droit à leur demande en tant que, par la décision attaquée, le maire refusait de modifier l'article 15 du règlement intérieur. La commune de Willems se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales, issu de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité : " Dans les communes de 1 000 habitants et plus, lorsque des informations générales sur les réalisations et sur la gestion du conseil municipal sont diffusées par la commune, un espace est réservé à l'expression des conseillers élus sur une liste autre que celle ayant obtenu le plus de voix lors du dernier renouvellement du conseil municipal ou ayant déclaré ne pas appartenir à la majorité municipale. / Les modalités d'application du présent article sont définies par le règlement intérieur du conseil municipal ". Il résulte de ces dispositions qu'un espace doit être réservé à l'expression des conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale dans toute publication comportant des informations générales sur les réalisations et sur la gestion du conseil municipal, y compris sur le site internet de la commune.
Sur la recevabilité de la demande de suspension :
4. L'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date. Lorsque, postérieurement à l'introduction d'une requête dirigée contre un refus d'abroger des dispositions à caractère réglementaire, l'autorité qui a pris le règlement litigieux procède à son abrogation expresse ou implicite, le litige né de ce refus d'abroger perd son objet ou, dans le cas où l'abrogation intervient avant l'introduction de la requête, cette dernière doit être déclarée irrecevable par le juge de l'excès de pouvoir.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que si le conseil municipal de Willems a adopté, le 30 septembre 2020, soit antérieurement à l'introduction de la demande d'annulation du refus d'abroger l'article 15 du règlement intérieur, une nouvelle délibération modifiant cet article, la modification apportée, reproduite au point 1, n'a eu ni pour objet ni pour effet de faire droit à la demande dont le conseil municipal avait été saisi. Il s'ensuit que le juge des référés du tribunal administratif de Lille n'a entaché son ordonnance ni d'erreur de droit ni de dénaturation des écritures de la commune en jugeant que la demande de suspension était recevable et que le litige n'était pas privé d'objet.
Sur les moyens présentés à l'appui de la demande de suspension :
6. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que si l'article 15 du règlement intérieur modifié par la délibération du 30 septembre 2020 ne fait plus mention de la seule publication annuelle de la commune de Willems, intitulée " Le Willemois ", il résulte des termes employés que le droit d'expression des conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale n'est pas pour autant garanti sur l'ensemble des supports de communication de la commune, notamment la publication mensuelle intitulée " Willems Info " et le site internet de la commune. Il s'en suit que le juge des référés du tribunal administratif de Lille n'a ni commis d'erreur de droit, ni dénaturé les faits et pièces du dossier en jugeant que le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaissait l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales était de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité.
Sur la condition d'urgence :
7. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
8. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'eu égard à l'intérêt public qui s'attache à ce que le droit d'expression des conseillers municipaux n'appartenant pas à la majorité municipale, consacré par la loi, soit respecté, et à la circonstance que l'intérêt des requérants, membres d'un groupe d'opposition municipale, commande qu'ils puissent effectivement et pleinement exercer ce droit, la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie dès lors que la décision attaquée produit ses effets à chaque publication mensuelle du magazine d'information municipale dénommé " Willems Info ". Par suite, c'est sans erreur de droit et sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis que le juge des référés a estimé que la condition d'urgence posée par l'article L.521-1 du code de justice administrative était remplie.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Willems n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les conclusions présentées sur ce fondement par la commune de Willems soient accueilles. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Willems la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de M. G..., au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la commune de Willems est rejeté.
Article 2 : La commune de Willems versera à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de M. G..., une somme de 3 000 euros, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de cette société à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Willems et à M. C... G....
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.