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14/04/2022 | FRANCE | N°444974

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 14 avril 2022, 444974


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 26 octobre 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la relance dirigées contre l'arrêt n° 19LY00949 du 25 août 2020 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant seulement que cet arrêt a statué sur les compléments de cotisation foncière des entreprises auxquels la société Colorteam a été assujettie au titre des années 2011 et 2012.

Le pourvoi a été communiqué à la société Colorteam, qui n'a pas produit de

mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts ...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 26 octobre 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la relance dirigées contre l'arrêt n° 19LY00949 du 25 août 2020 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant seulement que cet arrêt a statué sur les compléments de cotisation foncière des entreprises auxquels la société Colorteam a été assujettie au titre des années 2011 et 2012.

Le pourvoi a été communiqué à la société Colorteam, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Colorteam, qui exerce une activité d'imprimerie, a été assujettie à la cotisation foncière des entreprises au titre des années 2011 à 2014 à raison de locaux situés à Clermont-Ferrand, dont la valeur locative était évaluée selon la méthode particulière prévue à l'article 1498 du code général des impôts. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a estimé que l'établissement exploité était de nature industrielle et que les bâtiments et aménagements devaient être évalués selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts. La société a en conséquence été assujettie à des compléments de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2011 à 2014. L'administration a également établi les cotisations de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2015 et 2016 en tenant compte de la valeur locative des biens en cause, évalués selon la méthode comptable. Par un jugement du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après les avoir jointes, a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 à 2014 et sa réclamation transmise d'office par l'administration tendant à la réduction des cotisations de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016. Par un arrêt du 25 août 2020, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement et déchargé la société des impositions en litige. Par une décision du 26 octobre 2021, le Conseil d'Etat a admis les conclusions du pourvoi en cassation du ministre de l'économie, des finances et de la relance dirigées contre cet arrêt en tant qu'il statue sur les compléments de cotisation foncière des entreprises auxquels la société Colorteam a été assujettie au titre des années 2011 et 2012.

2. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, (...), dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. (...) La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe (...) ". Aux termes de l'article 1499 du même code : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat (...) ". Enfin, aux termes de son article 1500, dans sa rédaction issue de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 de finances pour 1984 : " Par dérogation à l'article 1499, les bâtiments et terrains industriels qui ne figurent pas à l'actif d'une entreprise industrielle ou commerciale astreinte aux obligations définies à l'article 53 A, sont évalués dans les conditions prévues à l'article 1498. "

3. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. "

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Colorteam se prévalait devant eux, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 22 et 23 de l'instruction publiée le 15 décembre 1988 sous la référence C 6-21-34, repris par les paragraphes 490 et 500 de l'instruction publiée le 10 décembre 2012 sous la référence BOI-IF-TFB-20-10-10-30, qui énoncent que la catégorie de biens mentionnée à l'article 1498 du code général des impôts, constituée des locaux commerciaux et biens divers passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties, autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel ordinaires et les établissements industriels relevant de la méthode d'évaluation comptable, comprennent notamment " les locaux appartenant à des sociétés civiles immobilières, lesquelles ne peuvent pas être considérées comme exerçant une véritable profession ", ainsi que du paragraphe 107 de l'instruction publiée le 8 juillet 2011 sous la référence 6-E-7-11, selon lequel : " La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe. / La base imposable de CFE est donc déterminée à partir de la valeur locative des biens, calculée comme en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe foncière sur les propriétés non bâties (...) ", et du paragraphe 10 de l'instruction publiée le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-IF-CFE-20-20-20-10, selon lequel : " La valeur locative comprise dans les bases d'imposition à la CFE est, pour ces immobilisations, déterminée comme en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties ou de taxe foncière sur les propriétés non bâties. / Ces modalités d'évaluation sont exposées dans la division taxe foncière sur les propriétés bâties de la série IF à laquelle il convient de se reporter en tant que de besoin. "

5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que pour juger que la société Colorteam était fondée à demander la décharge des compléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle avait été assujettie au titre des années 2011 à 2014, ainsi que la réduction des cotisations primitives de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, la cour a relevé que l'instruction publiée le 10 décembre 2012 sous la référence BOI-IF-TFB-20-10-10-30, applicable à la taxe foncière sur les propriétés bâties, à laquelle renvoie expressément l'instruction publiée le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-IF-CFE-20-20-20-10, applicable à la cotisation foncière des entreprises, comportait, dans sa rédaction applicable au litige, une interprétation formelle de l'article 1498 du code général des impôts dont la société pouvait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales pour soutenir que les immeubles qu'elle exploite, qui appartiennent à une société civile immobilière, se rattachent à la catégorie, définie à l'article 1498 du code général des impôts, des locaux commerciaux et biens divers passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel ordinaires et les établissements industriels et ne pouvaient, par suite, être évalués au moyen de la méthode comptable prévue à l'article 1499 du même code.

6. Toutefois, l'article 101 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 a réécrit l'article 1500 du code général des impôts dans les termes suivants : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : / - selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A ; / - selon les règles fixées à l'article 1498 lorsque ces conditions ne sont pas satisfaites. " Il résulte de ces dispositions que dès lors que le propriétaire ou l'exploitant de bâtiments et de terrains industriels passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est soumis aux obligations déclaratives définies à l'article 53 A du même code et que ces immobilisations industrielles figurent à l'actif de son bilan, la valeur locative de ces immobilisations est établie selon les règles fixées à l'article 1499 du même code, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que ce propriétaire ou cet exploitant ne soit pas une entreprise industrielle ou commerciale. Ces dispositions ont donc rendu caduque, à compter du 1er janvier 2009, l'interprétation donnée par les paragraphes 22 et 23 de l'instruction publiée le 15 décembre 1988 sous la référence C 6-21-34. En outre, l'instruction publiée sous la référence BOI-IF-TFB-20-10-10-30 l'a été le 10 décembre 2012, alors qu'en application du I de l'article 1478 du code général des impôts la cotisation foncière des entreprises est due pour l'année entière par le redevable qui exerce l'activité le 1er janvier. Dans ces conditions, la société Colorteam ne pouvait se prévaloir des termes de ces instructions au titre de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales pour les années d'impositions 2011 et 2012. Par suite, en statuant comme rappelé au point précédent, la cour a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il statue sur les compléments de cotisation foncière des entreprises auxquels la société Colorteam a été assujettie au titre des années 2011 et 2012.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond sur le fondement de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

9. En premier lieu, la société ne conteste pas qu'il résulte des dispositions législatives citées au point 2 que la valeur locative des locaux en cause doit être appréciée selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts.

10. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la société n'est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni de l'interprétation donnée par les paragraphes 22 et 23 de l'instruction publiée le 15 décembre 1988 sous la référence C 6-21-34, ni de l'instruction publiée sous la référence BOI-IF-TFB-20-10-10-30 le 10 décembre 2012.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions d'appel de la société relatives aux années 2011 et 2012 ne peuvent qu'être rejetées. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, la somme que la société demande à ce titre.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 25 août 2020 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé en tant qu'il statue sur les compléments de cotisation foncière des entreprises auxquels la société Colorteam a été assujettie au titre des années 2011 et 2012.

Article 2 : Les conclusions d'appel de la société relatives aux années 2011 et 2012 sont rejetées, ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société Colorteam.

Délibéré à l'issue de la séance du 24 mars 2022 où siégeaient : M. Frédéric Aladjidi, président de chambre, présidant ; M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat et M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 14 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Frédéric Aladjidi

Le rapporteur :

Signé : M. Matias de Sainte Lorette

La secrétaire :

Signé : Mme B... A...


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 444974
Date de la décision : 14/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 14 avr. 2022, n° 444974
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Matias de Sainte Lorette
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:444974.20220414
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