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13/04/2022 | FRANCE | N°438293

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 13 avril 2022, 438293


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance du 22 décembre 2015, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, sur le fondement de l'article R. 312-5 du code de justice administrative, attribué au tribunal administratif de Lyon le jugement de la demande de M. et Mme F... D... et de M. et Mme A... B... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 22 juillet 2015 par lequel le maire de Marseille a délivré à la société Ogic un permis de construire un immeuble d'habitation de huit logements sur un terrain situé boulevard Georges Estrangin ains

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Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance du 22 décembre 2015, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, sur le fondement de l'article R. 312-5 du code de justice administrative, attribué au tribunal administratif de Lyon le jugement de la demande de M. et Mme F... D... et de M. et Mme A... B... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 22 juillet 2015 par lequel le maire de Marseille a délivré à la société Ogic un permis de construire un immeuble d'habitation de huit logements sur un terrain situé boulevard Georges Estrangin ainsi que de la décision du 1er octobre 2015 par lequel le maire de Marseille a rejeté leur recours gracieux. Par un jugement n° 1510900 du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à leur demande.

Par une décision nos 418049, 418068 du 28 juin 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, sur les pourvois de la commune de Marseille et de la société Ogic, annulé ce jugement et renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Lyon.

Par un nouveau jugement n° 1905192 du 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon, statuant sur renvoi après cassation, a annulé l'arrêté du 22 juillet 2015 par lequel le maire de Marseille a délivré le permis de construire litigieux.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 février et 27 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Ogic demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. et Mme D... et de M. et Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme D... et de M. et Mme B..., la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Ogic et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. et Mme D... et autre ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un arrêté en date du 22 juillet 2015, la société Ogic a obtenu un permis de construire pour la réalisation d'un bâtiment dénommé " la villa en haut du village " en R+2 comprenant 8 logements et 19 places de stationnement, pour une surface de plancher de 756,21 m2, situé boulevard Estrangin dans le quartier du Roucas Blanc à Marseille. M. et Mme D... et M. et Mme B... ont formé devant le tribunal administratif de Marseille un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de cet arrêté ainsi que de celui rejetant leur recours gracieux. Par une ordonnance du 22 décembre 2015, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué au tribunal administratif de Lyon le jugement de cette affaire. Par un jugement du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé le permis de construire. Par une décision du 28 juin 2019, le Conseil d'Etat a annulé ce jugement et renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Lyon qui, par un jugement du 6 décembre 2019, a annulé à nouveau le permis de construire litigieux. La société Ogic se pourvoit en cassation contre ce jugement.

Sur le pourvoi :

2. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ". Il résulte de ces dispositions qu'un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

3. En refusant de faire droit à la demande de régularisation présentée par la société Ogic au motif que l'irrégularité du permis de construire qu'il relevait n'apparaissait pas régularisable sans que soit remise en cause la conception générale du projet, le tribunal administratif de Lyon, qui aurait dû rechercher si cette régularisation était possible sans changer la nature même du projet, a commis une erreur de droit.

4. Il en résulte que le jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 décembre 2019 doit être annulé.

5. Il incombe au Conseil d'Etat de régler l'affaire au fond en application des dispositions du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur le recours pour excès de pouvoir contre le permis de construire :

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la consultation de la métropole d'Aix-Marseille-Provence, gestionnaire de la voie publique sur laquelle donnera le projet, a bien eu lieu conformément aux dispositions de l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme. Le moyen tiré de la violation de cette disposition manque donc en fait.

7. En deuxième lieu, la circonstance que les documents produits dans le dossier de demande de permis de construire seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. En l'espèce, si certaines pièces du dossier, notamment certains photomontages, présentaient des imprécisions, aucune n'est de nature à avoir faussé l'appréciation portée par l'administration.

8. En troisième lieu, l'article 3.2.2.4 du règlement de la zone UR du plan local d'urbanisme de Marseille prévoit que : " les accès sur les voies sont aménagés de façon à ne pas créer de danger ou de perturbation pour la circulation en raison de leur positions ou d'éventuels défauts de visibilité (...) ". Toutefois, contrairement à ce qui est soutenu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'accès à la voie publique, qui comporte des aménagements pour permettre notamment aux véhicules qui sortent des garages prévus par le projet de stationner avant de s'engager sur la voie publique, serait de nature à créer un tel danger en l'espèce.

9. En quatrième lieu, si le projet doit être réalisé au voisinage du " Cénacle ", lequel constitue, aux termes du plan local d'urbanisme, un élément bâti remarquable du patrimoine religieux de la ville de Marseille, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à la relative modestie du projet par rapport à la taille massive du bâtiment du " Cénacle ", que le projet contesté sera de nature à y porter atteinte. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 13.6.3 des dispositions du plan local d'urbanisme et des prescriptions énoncées dans la planche EG 2 n° 71 de l'annexe à l'article 13 doit donc être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 7 du règlement de la zone UR : " 7.1 La distance mesurée horizontalement de tout point d'une construction au point

le plus proche des limites séparatives de la propriété est au moins égale aux deux

tiers de la différence d'altitude entre ces deux points (DA) sans être inférieure à 3

mètres (...) / 7.2 Ces distances ne s'imposent pas aux constructions ou parties de

constructions enterrées sous le terrain naturel ainsi qu'aux constructions techniques ". L'escalier d'accès au bâtiment projeté doit être considéré comme une construction technique au sens du plan local d'urbanisme. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 7 du règlement de la zone UR doit être écarté.

11. En sixième lieu, le paragraphe 13.5 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme de la ville de Marseille, relatif aux quartiers en balcon remarquables (BA), applicable au terrain d'assiette du projet, indique que : " Les secteurs sont identifiés aux documents graphiques et répondent au code BA suivi d'un numéro de classement. Ils font l'objet de prescriptions générales détaillées ci-dessous et de fiches annexées au présent règlement qui présentent les caractéristiques des sites concernés, peuvent énoncer des prescriptions particulières à ceux-ci et aident à localiser les éléments protégés. Dans ces quartiers en balcon, les constructions nouvelles et les travaux sur constructions existantes ne doivent pas compromettre l'organisation urbaine spécifique, la volumétrie générale du bâti, et le paysage urbain dans lequel elles s'insèrent ". Aux termes du paragraphe 13.5.2, intitulé " implantation des constructions " : " La construction doit épouser au plus près le relief existant et tenir compte de la topographie du site ".

12. Il ressort des pièces du dossier que le projet est constitué de deux ensembles architecturaux, alignés l'un à côté de l'autre et formant une seule construction en R+2, l'un de ces ensembles présentant une toiture en pans, l'autre une toiture terrasse. Les plans PC5 - façade Ouest et PC5-façade Nord montrent que la partie du bâtiment dotée d'une toiture en pans suit, notamment au niveau du toit, la pente du relief, la partie dotée d'une toiture terrasse étant quant à elle installée sur une partie plus plane. S'il est vrai que la construction doit être implantée perpendiculairement à la pente principale, aucune disposition du plan local d'urbanisme n'impose de taille maximum de façade aux bâtiments ainsi implantés sur la colline du Roucas Blanc. Au vu des caractéristiques du terrain d'assiette, le projet peut être regardé comme épousant au plus près le relief existant et comme tenant compte de la topographie du site. Il ne peut, par ailleurs, être considéré comme portant atteinte au paysage urbain dans lequel il s'insère, les pièces du dossier, et notamment le photomontage de la façade Nord, montrant qu'il est entouré de bâtiments assez semblables, tous implantés, d'ailleurs, de la même manière. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 13.5 et 13.5.2 du règlement du plan local d'urbanisme de la ville de Marseille doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par la société Ogic, la demande présentée par M. et Mme D... et M. et Mme B... doit être rejetée.

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme D... et de M. et Mme B... la somme de 3 000 euros à verser à la société Ogic, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de ce même article font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Ogic.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 décembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme D... et M. et Mme B... est rejetée.

Article 3 : M. et Mme D... et M. et Mme B... verseront à la société Ogic une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. et Mme D... et M. et Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Ogic, à M. et Mme F... D..., à M. et Mme A... B... et à la ville de Marseille.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 mars 2022 où siégeaient : M. Fabien Raynaud, président de chambre, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 13 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Fabien Raynaud

La rapporteure :

Signé : Mme Rozen Noguellou

La secrétaire :

Signé : Mme C... E...


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 438293
Date de la décision : 13/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 avr. 2022, n° 438293
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Rozen Noguellou
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:438293.20220413
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