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13/04/2022 | FRANCE | N°437785

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 13 avril 2022, 437785


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 20 janvier 2020, 10 avril 2020 et 6 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la fédération interdépartementale des chasseurs d'Ile-de-France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de la ministre de la transition écologique rejetant sa demande tendant à ce que l'arrêté du 3 juillet 2019 pris pour l'application de l'article R. 427-6 du code de l'environnement et fixant la liste, l

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Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 20 janvier 2020, 10 avril 2020 et 6 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la fédération interdépartementale des chasseurs d'Ile-de-France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de la ministre de la transition écologique rejetant sa demande tendant à ce que l'arrêté du 3 juillet 2019 pris pour l'application de l'article R. 427-6 du code de l'environnement et fixant la liste, les périodes et les modalités de destruction des espèces susceptibles d'occasionner des dégâts soit modifié en ajoutant à la liste des espèces susceptibles d'occasionner des dégâts, d'une part, la fouine dans le département des Yvelines et, d'autre part, le renard dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la fédération interdépartementale des chasseurs d'Ile-de-France ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 427-6 du code de l'environnement : " I. - Après avis du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, le ministre chargé de la chasse fixe par arrêté trois listes d'espèces d'animaux classées susceptibles d'occasionner des dégâts : / (...) / 2° La liste des espèces d'animaux indigènes classées susceptibles d'occasionner des dégâts dans chaque département, établie sur proposition du préfet après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage réunie en sa formation spécialisée mentionnée au II de l'article R. 421-31, précisant les périodes et les territoires concernés, ainsi que les modalités de destruction. Cette liste est arrêtée pour une période de trois ans, courant du 1er juillet de la première année au 30 juin de la troisième année ; / (...) / II. - Le ministre inscrit les espèces d'animaux sur chacune de ces trois listes pour l'un au moins des motifs suivants : / 1° Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ; / 2° Pour assurer la protection de la flore et de la faune ; / 3° Pour prévenir des dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles ; / 4° Pour prévenir les dommages importants à d'autres formes de propriété. / (...) Les listes des espèces d'animaux classées susceptibles d'occasionner des dégâts ne peuvent comprendre d'espèces dont la capture ou la destruction est interdite en application de l'article L. 411-1 ".

2. En application de ces dispositions, le ministre de la transition écologique a pris, le 3 juillet 2019, un arrêté fixant la liste ainsi que les périodes et les modalités de destruction des espèces d'animaux susceptibles d'occasionner des dégâts. La fédération interdépartementale des chasseurs d'Ile-de-France demande l'annulation pour excès de pouvoir de sa décision implicite rejetant sa demande tendant à ce qu'elle modifie cet arrêté en ajoutant, à la liste qu'il fixe, la fouine, dans le département des Yvelines, ainsi que le renard, dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.

3. Il résulte des dispositions de l'article R. 427-6 du code de l'environnement citées au point 1 que le ministre chargé de la chasse inscrit une espèce sur la liste des animaux classés susceptibles d'occasionner des dégâts dans un département soit lorsque cette espèce est répandue de façon significative dans ce département et que, compte tenu des caractéristiques géographiques, économiques et humaines de celui-ci, sa présence est susceptible de porter atteinte aux intérêts protégés par ces dispositions, soit lorsqu'il est établi qu'elle est à l'origine d'atteintes significatives aux intérêts protégés par ces mêmes dispositions.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour établir la liste des espèces susceptibles d'occasionner des dégâts, le ministre chargé de la chasse a fait application de critères alternatifs tirés, d'une part, de l'existence de dommages chiffrés imputables à l'espèce en cause suffisamment significatifs à hauteur d'au moins environ 10 000 euros par an à l'échelle du département considéré et, d'autre part, de l'abondance de l'espèce, évaluée au regard d'un seuil d'au moins 500 individus prélevés par an, et des risques d'atteintes significatives, à l'échelle du département, à l'un au moins des intérêts protégés par l'article R. 427-6 du code de l'environnement. En ayant eu recours à ces critères, dont il ressort des pièces du dossier qu'ils sont seulement indicatifs et ne présentent pas un caractère exclusif, pour être en mesure d'apprécier, dans chaque département et pour chaque espèce, l'étendue et l'intensité des atteintes portées à ces intérêts ou susceptibles de l'être, le ministre n'a, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, pas méconnu les exigences découlant de ces dispositions. La mention, dans cette même présentation du projet d'arrêté, parmi les éléments à prendre en considération dans chaque dossier, de " l'état de conservation / d'abondance de l'espèce au niveau national et local ", qui souligne seulement la nécessité d'apprécier le caractère répandu de l'espèce considérée à l'échelle du département, ne saurait davantage être regardée comme méconnaissant les dispositions de l'article R. 427-6.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les données recueillies sur la présence de la fouine dans le département des Yvelines pendant la période de référence ne permettent pas d'établir que cette espèce, dont le nombre d'individus prélevés est de l'ordre de 200 et dont les dégâts occasionnés sont inférieurs au total annuel de 10 000 euros précédemment mentionné, serait à l'origine, à l'échelle de ce département, d'atteintes significatives aux intérêts protégés par l'article R. 427-6 du code de l'environnement, ni même qu'elle serait susceptible de l'être. La circonstance que cette espèce ait été inscrite sur la liste de celles susceptibles d'occasionner des dégâts pour le département voisin du Val d'Oise est, par ailleurs, par elle-même, sans incidence sur le bien-fondé de l'appréciation portée sur la situation dans le département des Yvelines. Le moyen tiré de ce que le ministre chargé de la chasse aurait commis une erreur d'appréciation en s'abstenant d'inscrire la fouine sur la liste des espèces susceptibles d'occasionner des dégâts dans ce département doit, dès lors, être écarté.

6. Enfin, si la fédération requérante fait valoir que la présence du renard dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne serait de nature à porter atteinte à l'intérêt de la santé et de la sécurité publique au motif qu'elle exposerait les populations locales à un risque de contamination par l'échinococcose alvéolaire dont cette espèce est porteuse, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce risque serait tel, dans les départements en cause, qu'il serait de nature à imposer l'inscription du renard dans la liste des espèces susceptibles d'occasionner des dégâts. Par suite, les moyens tirés de ce que le ministre aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 427-6 du code de l'environnement et méconnu le droit à vivre dans un environnement sain garanti par l'article 1er de la Charte de l'environnement ainsi que le principe de précaution posé par l'article 5 du même texte doivent être écartés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la fédération interdépartementale des chasseurs d'Ile-de-France n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la fédération interdépartementale des chasseurs d'Ile-de-France est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la fédération interdépartementale des chasseurs d'Ile-de-France et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 mars 2022 où siégeaient : M. Fabien Raynaud, président de chambre, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 13 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Fabien Raynaud

La rapporteure :

Signé : Mme Rozen Noguellou

La secrétaire :

Signé : Mme A... B...


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 437785
Date de la décision : 13/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 avr. 2022, n° 437785
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Rozen Noguellou
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:437785.20220413
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