La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/04/2022 | FRANCE | N°460023

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 07 avril 2022, 460023


Vu la procédure suivante :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pharmacie Sayanoff et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 avril 2019 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé d'Île-de-France a autorisé l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Pharmacie des Victoires à transférer l'officine de pharmacie dont elle est titulaire du centre commercial Montconseil, situé 1, rue Louis-Drevet à Corbeil-Essonnes, vers le 2/4 place des V

ictoires sur le territoire de la même commune. Par un jugement n° 1904678 du...

Vu la procédure suivante :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pharmacie Sayanoff et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 avril 2019 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé d'Île-de-France a autorisé l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Pharmacie des Victoires à transférer l'officine de pharmacie dont elle est titulaire du centre commercial Montconseil, situé 1, rue Louis-Drevet à Corbeil-Essonnes, vers le 2/4 place des Victoires sur le territoire de la même commune. Par un jugement n° 1904678 du 20 septembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a fait droit à cette demande.

L'EURL Pharmacie des Victoires a demandé à la cour administrative d'appel de Versailles d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement. Par une ordonnance n° 21VE03072 du 17 décembre 2021, le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté cette requête.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 31 décembre 2021 et le 31 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'EURL Pharmacie des Victoires demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;

3°) de mettre à la charge de la société Pharmacie Sayanoff et de M. C... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de l'EURL Pharmacie Des Victoires ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier de la cour administrative d'appel que, par un arrêté du 25 avril 2019, le directeur général de l'agence régionale de santé d'Île-de-France a autorisé Mme E..., représentante de la Pharmacie des Victoires et pharmacienne, à transférer l'officine de pharmacie dont elle est titulaire du centre commercial Montconseil, situé 1, rue Louis-Drevet à Corbeil-Essonnes, vers le 2/4, place des Victoires, sur le territoire de la même commune. Saisi par M. C... et par la société Pharmacie Sayanoff, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté par un jugement du 20 septembre 2021. Par une ordonnance du 17 décembre 2021, le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté la requête de la Pharmacie des Victoires tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. " Aux termes de l'article R. 811-16 de ce code : " Lorsqu'il est fait appel par une personne autre que le demandeur en première instance, la juridiction peut, à la demande de l'appelant, ordonner sous réserve des dispositions des articles R. 533-2 et R. 541-6 qu'il soit sursis à l'exécution du jugement déféré si cette exécution risque d'exposer l'appelant à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies. ". Enfin, aux termes de l'article R. 811-17 de ce code : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction. ".

3. Si, par l'ordonnance attaquée, le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté la demande de sursis à exécution de la Pharmacie des Victoires au motif que les moyens soulevés n'étaient pas, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 20 septembre 2021 du tribunal administratif de Versailles, ces moyens ne sont analysés ni dans les visas, ni dans les motifs de l'ordonnance attaquée. Dès lors, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de sursis engagée.

5. En premier lieu, le jugement attaqué a pour effet d'imposer la fermeture de la Pharmacie des Victoires, ouverte en juin 2020 par Mme E... à la suite de l'autorisation de transfert accordée par le directeur général de l'agence régionale de santé d'Île-de-France, alors que son transfert dans ce nouvel emplacement a nécessité des investissements importants, que le retour de l'officine dans son ancien emplacement au sein du centre commercial Montconseil n'est pas envisageable, celui-ci devant prochainement être démoli, et qu'elle emploie une salariée et une apprentie. En conséquence, l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables.

6. En deuxième lieu, l'article L. 5125-3 du code de la santé publique dispose que : " Lorsqu'ils permettent une desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente et du lieu d'implantation choisi par le pharmacien demandeur au sein d'un quartier défini à l'article L. 5125-3-1, d'une commune ou des communes mentionnées à l'article L. 5125-6-1, sont autorisés par le directeur général de l'agence régionale de santé, respectivement dans les conditions suivantes : / 1° Les transferts et regroupements d'officines, sous réserve de ne pas compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier, de la commune ou des communes d'origine. / L'approvisionnement en médicaments est compromis lorsqu'il n'existe pas d'officine au sein du quartier, de la commune ou de la commune limitrophe accessible au public par voie piétonnière ou par un mode de transport motorisé répondant aux conditions prévues par décret, et disposant d'emplacements de stationnement ".

7. Le moyen tiré de ce que le tribunal administratif a, à tort, après avoir relevé que le transfert d'officine en litige pouvait être regardé comme s'effectuant dans le même quartier de la commune de Corbeil-Essonnes, estimé qu'il était illégal au motif qu'il conduirait à une dégradation des conditions d'approvisionnement en médicaments de la population du quartier d'origine apparaît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Pharmacie Sayanoff et de M. D... C... une somme totale de 3 000 euros à verser à la Pharmacie des Victoires au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 17 décembre 2021 du président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles est annulée.

Article 2 : Jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'appel formé par la Pharmacie des Victoires contre le jugement du 20 septembre 2021 du tribunal administratif de Versailles, il sera sursis à l'exécution de ce jugement.

Article 3 : La société Pharmacie Sayanoff et M. C... verseront une somme totale de 3 000 euros à la Pharmacie des Victoires au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Pharmacie des Victoires, à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pharmacie Sayanoff et à M. D... C....

Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé d'Île-de-France.

Délibéré à l'issue de la séance du 24 mars 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 7 avril 2022.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Lazar Sury

La secrétaire :

Signé : Mme A... B...


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 460023
Date de la décision : 07/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 07 avr. 2022, n° 460023
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Lazar Sury
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SCP GUÉRIN - GOUGEON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:460023.20220407
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award