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06/04/2022 | FRANCE | N°451366

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 06 avril 2022, 451366


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et deux mémoires complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 avril, 2 juillet, 23 juillet et 6 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° CS 2020-36 du 7 octobre 2020 par laquelle la commission des sanctions de l'agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a, d'une part, prononcé à son encontre la sanction d'interdiction, pendant quatre ans, de participer directement ou indirectement à l'organisation o

u au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à une remise...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et deux mémoires complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 avril, 2 juillet, 23 juillet et 6 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° CS 2020-36 du 7 octobre 2020 par laquelle la commission des sanctions de l'agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a, d'une part, prononcé à son encontre la sanction d'interdiction, pendant quatre ans, de participer directement ou indirectement à l'organisation ou au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, aux manifestations sportives autorisées ou organisées par une fédération sportive française délégataire ou agréée, ainsi qu'aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou l'un des membres de celles-ci, d'exercer les fonctions définies à l'article L. 212-1 du code du sport ainsi que toute fonction d'encadrement au sein d'une fédération agréée ou d'un groupement ou d'une association affiliés à la fédération, d'autre part, demandé aux organisateurs concernés de procéder à l'annulation de tout résultat individuel obtenu par elle entre le 1er mars 2019 et la date à laquelle lui sera notifiée cette décision, avec toutes conséquences en découlant, y compris le retrait des médailles, points, prix et gains, enfin, a décidé la publication sur le site internet de l'AFLD d'un résumé de la décision ;

2°) de mettre à la charge de l'AFLD la somme de 3 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du sport ;

- le décret n° 2018-6 du 4 janvier 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Mathieu, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme B..., et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l'agence française de lutte contre le dopage ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'un contrôle antidopage réalisé le 24 juin 2018, à l'occasion d'une manifestation de crossfit intitulée " French Throwdown 2018 ", la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a prononcé, le 7 octobre 2020 à l'encontre de Mme B... une sanction d'interdiction, pendant quatre ans, de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de manifestations sportives, aux entraînements y préparant ainsi qu'à des activités sportives, et d'exercer les fonctions définies à l'article L. 212-1 du code du sport ainsi que toute fonction d'encadrement ou toute activité administrative au sein d'une fédération agréée ou d'une ligue professionnelle ou d'un de leurs membres. Mme B... demande au Conseil d'Etat l'annulation de cette décision.

Sur la régularité des opérations de contrôle et d'analyse :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 232-51 du code du sport, dans sa version en vigueur à la date du contrôle : " Les prélèvements et opérations de dépistage énumérés à l'article R. 232-50 se font sous la surveillance directe de la personne chargée du contrôle. / (...) / Les conditions de prélèvement et de transport des échantillons sont fixées conformément aux normes définies par l'Agence mondiale antidopage. Elles sont précisées dans un référentiel de bonnes pratiques établi par le département des analyses de l'Agence française de lutte contre le dopage. ".

3. Si la requérante soutient, que le formulaire de chaîne de possession des échantillons ne satisfait pas aux exigences du référentiel de bonnes pratiques mentionné à l'article R. 232-51 du code du sport dès lors que l'on ignore comment les échantillons sont parvenus au laboratoire, il résulte de l'exemplaire de ce formulaire produit en défense par l'AFLD que les échantillons ont été stockés au domicile du préleveur dans la nuit du 24 au 25 juin 2018, et qu'il les a lui-même remis au laboratoire le lendemain matin. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions relatives au stockage et au transport des échantillons doit être écarté.

Sur la régularité de la procédure :

4. Aux termes de l'article R. 232-89 du code du sport, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Dans tous les cas mentionnés à l'article L. 232-22, le secrétaire général de l'agence informe l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise contre récépissé. Cette notification précise :

(...) 2° Les griefs formulés à l'encontre de l'intéressé ; / 3° Les droits qui lui sont reconnus aux articles R. 232-91 à R. 232-95 pour présenter sa défense (...) ". En vertu de premier alinéa de l'article R. 232-91 du même code, l'intéressé, " s'il ne parle ou ne comprend pas suffisamment la langue française (...) peut bénéficier, sur sa demande, de l'aide d'un interprète aux frais de l'agence. " Le troisième alinéa du même article dispose que : " Le document formulant les griefs retenus à l'encontre du sportif doit mentionner la possibilité pour l'intéressé, d'une part, de demander par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, dans un délai de cinq jours à compter de sa réception, qu'il soit procédé à ses frais à l'analyse de l'échantillon B, conformément aux dispositions prévues par l'article R. 232-64 du code du sport. Le délai de cinq jours est porté à dix jours lorsque l'intéressé est domicilié hors de la métropole ".

5. Il résulte de l'instruction que, par un courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 27 juillet 2018, l'AFLD a porté à la connaissance de la requérante les griefs qui lui étaient reprochés, l'a informée sur les droits qui lui étaient reconnus pour présenter sa défense, en renvoyant aux dispositions applicables et en mentionnant expressément celui de bénéficier, sur sa demande, de l'aide d'un interprète et lui a transmis une copie du rapport d'analyse établi par le département des analyses en lui indiquant qu'elle pouvait solliciter une analyse de contrôle sur le second échantillon, dit " échantillon B ", prélevé le 24 juin 2018. Ce courrier a été envoyé à l'adresse indiquée sur le procès-verbal de contrôle sur lequel Mme B... a apposé sa signature. Si ce pli a été retourné à l'Agence, le 21 août 2018, il résulte de mentions précises et concordantes portées sur l'enveloppe, ainsi que d'une lettre du service des enquêtes et réclamations du courrier international de La Poste, qu'il a été présenté le 31 juillet 2018, et n'a jamais été réclamé. L'Agence a de surcroît envoyé les mêmes documents à l'adresse électronique indiquée par Mme B..., qui a au demeurant répondu à cet envoi, le 6 août 2018. Dans ces conditions, Mme B..., qui ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles R. 241-16 et R. 241-17, qui ne sont pas applicables à la lutte contre le dopage des sportifs, doit être regardée comme ayant reçu le 31 juillet 2018 la notification des griefs et l'information sur les droits qui lui sont reconnus pour présenter sa défense et sur la possibilité de demander une analyse de l'échantillon B. Contrairement à ce qui est soutenu, ce courrier l'a mise à même d'exercer le droit de bénéficier, sur sa demande, de l'aide d'un interprète, la circonstance qu'il n'ait pas précisé que cette aide était fournie aux frais de l'Agence étant sans incidence à cet égard.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 232-89 du code du sport, dans sa version applicable à la procédure litigieuse : " Au plus tard un mois après la réception par l'agence de la preuve de la notification prévue au premier alinéa de l'article L. 232-21-1, le secrétaire général de l'agence adresse à l'intéressé une proposition d'entrée en voie de composition administrative, selon les modalités prévues au premier alinéa de l'article R. 232-88. (...) ". Le premier alinéa de l'article R. 232-88 du même dispose que, dans tous les cas mentionnés au premier alinéa de l'article L. 232-21-1, le secrétaire général de l'agence informe l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise contre récépissé.

7. Il résulte de l'instruction que, par un courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 5 février 2020, le secrétaire général de l'AFLD a envoyé à Mme B..., à la même adresse, une proposition d'entrée en voie de composition administrative, accompagnée d'une proposition d'accord à cette fin. Le pli a été retourné à l'Agence le 16 mars 2020. Il résulte de mentions précises et concordantes portées sur l'enveloppe, ainsi que des informations communiquées à l'AFLD par le service clients international de la Poste sur le suivi de ce courrier, qu'il a été présenté à l'adresse de l'intéressée le 12 février 2020 et qu'il n'a jamais été réclamé. Dans ces conditions, Mme B... doit être regardée comme ayant reçu cette proposition à cette date.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 232-92 du code du sport, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'intéressé et son défenseur, accompagnés, le cas échéant, de la ou des personnes investies de l'autorité parentale ou du représentant légal, sont convoqués devant la formation disciplinaire de l'Agence française de lutte contre le dopage par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise contre récépissé, quinze jours au moins avant la date de la séance au cours de laquelle l'agence est appelée à se prononcer. / (...) ".

9. Il résulte de l'instruction que l'Agence a envoyé à Mme B..., le 29 juillet 2020, à la même adresse, un courrier recommandé, l'informant de sa convocation à la séance du 7 octobre 2020 au cours de laquelle la commission des sanctions devait procéder à l'examen de son dossier ainsi que des moyens dont elle pouvait bénéficier pour assurer sa défense. Il résulte de mentions précises et concordantes portées sur l'enveloppe que ce courrier, qui a été retourné à l'AFLD, le 16 septembre 2020, a été présenté le 19 août 2020, et qu'il n'a jamais été réclamé. Dans ces conditions, Mme B... doit être regardée comme ayant reçu cette convocation à cette date.

Sur la sanction :

10. Aux termes de l'article L. 232-9 du code du sport, dans sa version applicable aux faits litigieux : " Il est interdit à tout sportif : / (...) / 2° D'utiliser ou tenter d'utiliser une ou des substances ou méthodes interdites figurant sur la liste mentionnée au dernier alinéa du présent article. / (...) / La liste des substances et méthodes mentionnées au présent article est celle qui est élaborée en application de la convention internationale mentionnée à l'article L. 230-2 ou de tout autre accord ultérieur qui aurait le même objet et qui s'y substituerait. Elle est publiée au Journal officiel de la République française. ". Aux termes du 1° du I de l'article L. 232-23 du code du sport dans sa version alors applicable, l'AFLD peut prononcer à l'encontre d'un sportif ayant enfreint les dispositions de l'article L. 232-9 : " b) Une interdiction temporaire ou définitive de participer à toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, de même qu'aux manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ainsi qu'aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou l'un des membres de celle-ci ; / c) Une interdiction temporaire ou définitive de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement des manifestations sportives et des entraînements mentionnés au b du présent 1° ; / d) Une interdiction temporaire ou définitive d'exercer les fonctions définies à l'article L. 212-1 ; / (...) / La sanction prononcée à l'encontre d'un sportif peut être complétée par une sanction pécuniaire dont le montant ne peut excéder 45 000 €. Elle est complétée par une décision de publication nominative de la sanction, dans les conditions fixées par l'article L. 232-23-3-1 ". L'article L. 232-23-3-3 du même code dans sa rédaction alors applicable dispose que : " I.- La durée des mesures d'interdiction mentionnées au 1° du I de l'article L. 232-23 à raison d'un manquement à l'article L. 232-9 : / a) Est de quatre ans lorsque ce manquement est consécutif à l'usage ou à la détention d'une substance non spécifiée. Cette durée est ramenée à deux ans lorsque le sportif démontre qu'il n'a pas eu l'intention de commettre ce manquement ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 232-23-3-10 du même code, dans sa version alors applicable : " la durée des mesures d'interdiction prévues aux articles L. 232-23-3-3 à L. 232-23-3-8 peut être réduite par une décision spécialement motivée lorsque les circonstances particulières de l'affaire le justifient au regard du principe de proportionnalité ".

11. Il résulte de l'instruction que les analyses effectuées par le département des analyses de l'AFLD sur les échantillons prélevés lors du contrôle antidopage du 24 juin 2018 ont fait ressortir la présence, dans les urines de Mme B..., d'ostarine, qui est un modulateur sélectif des récepteurs aux androgènes, substance appartenant à la classe S1 des agents anabolisants, figurant sur la liste des substances interdites en permanence, annexée au décret du 4 janvier 2018 portant publication de l'amendement, adopté à Paris le 15 novembre 2017, à l'annexe I de la Convention internationale contre le dopage dans le sport, lequel la répertorie parmi les substances dites non spécifiées. Si l'intéressée fait valoir que la concentration de cette substance retrouvée dans ses urines est faible, qu'elle n'a bénéficié d'aucun conseil propre à prévenir l'usage de produits dopants alors qu'elle a été irréprochable dans la pratique de son sport et que la durée de l'interdiction prononcée, eu égard à son âge, la prive de toute perspective de retour à la compétition, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir le caractère non intentionnel de la présence d'ostarine ou de justifier son prétendu manque de vigilance quant à l'absorption de cette substance. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la nature des substances et à la gravité du manquement constaté, la durée de quatre ans des interdictions prononcées par la commission des sanctions de l'AFLD n'est pas disproportionnée.

12. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par l'AFLD, Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de la sanction attaquée.

13. Il n'y a lieu de faire droit ni aux conclusions présentées par Mme B..., partie perdante, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ni à celles présentées par l'AFLD sur le même fondement.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'AFLD au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Agence française de lutte contre le dopage et à Mme A... B....


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 451366
Date de la décision : 06/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 avr. 2022, n° 451366
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bertrand Mathieu
Rapporteur public ?: M. Philippe Ranquet
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; CABINET ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:451366.20220406
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